La déchéance de la nationalité, avancée par Sarkozy en 2008-2010, a été justement combattue par le Parti socialiste. Il n’y a rien à ajouter aux déclarations de l’époque. Dans l’article précédent de mon blog, j’ai expliqué le rejet de cette mesure par une très grande majorité de socialistes aujourd’hui…mais aussi l’entêtement de François Hollande et Manuel Valls. Etant donné les ravages que cela cause à gauche, le bon sens voudrait que cela soit au plus vite abandonné de même que toute idée de modifier la Constitution. Je reprends ci-dessous une partie d’un argumentaire élaboré par mon ami Jean-Jacques Chavigné pour la lettre de la fédération du PS 80.
L’idée d’avoir à changer la Constitution pour pouvoir combattre Daesh et le terrorisme en France m’étonne. Je ne sous-estime pas les terroristes mais il me semble que le droit commun, le droit pénal français est amplement suffisant pour faire face à ce type de menace. La déchéance de la nationalité pour les binationaux, affirme Manuel Valls, ne serait qu’un symbole. Certes, tout le monde est d’accord pour reconnaître que cela n’entraverait en rien l’action de terroristes. Il s’agit donc bien, avant tout, d’un symbole. Mais de quel symbole s’agit-il ?
D’une violence symbolique inouïe, tout d’abord. Il serait, en effet, brutalement signifié à 3,3 millions de Français ayant une autre nationalité, qu’ils ne sont pas des Français comme les autres ! Une violence symbolique qui engagerait très loin la République dans la voie tracée par le FN : « Etre Français, ça s’hérite ou ça se mérite ! »
D’un cadeau symbolique inestimable à Daesh, ensuite, puisque il aurait obligé la France, la 5ème puissance mondiale, à modifier sa Constitution. D’un autre cadeau symbolique, tout aussi inestimable, au Front national puisque Marine Le Pen estimait que l’extension de la déchéance de la nationalité était « le premier effet des 6,8 millions de voix pour le Front national aux élections régionales » et que Florian Philippot exultait : « François Hollande a été touché par la grâce ! »
Les propositions de déchéance de la nationalité pour tous ou d’indignité nationale ne seraient pas de meilleurs symboles
La déchéance de la nationalité pour tous reviendrait à accepter que soient créés des apatrides c’est-à-dire des personnes qui n’auraient plus aucune existence car il n’est pas possible d’exister sans avoir de droit et qu’un apatride n’a aucun droit. Le symbole envoyé serait que les « pays des droits de l’Homme » n’a aucune considération pour la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, la convention de New York de 1961, la convention du Conseil de l’Europe sur la nationalité de 1997 qui, toutes, interdisent de créer des apatrides.
Pour la peine d’indignité nationale, il en serait de même. Après avoir souligné à quel point la situation de la France en 1944 et celle de la France d’aujourd’hui étaient différente, retirant tout intérêt pratique à cette peine, le rapport du 25 mars 2015 de Jean-Jacques Urvoas, président socialiste de la Commission des lois de l’Assemblée nationale affirmait : « plus qu’une condamnation, l’indignité nationale serait pour les terroristes une confirmation et une reconnaissance qui servirait leur cause ».
Mais, affirme le gouvernement, cela ne concernera que quelques cas !
Qu’en savent François Hollande et Manuel Valls ? Peuvent-ils affirmer, que le Front national qui est arrivé en tête dans six régions métropolitaines en décembre 2015, n’accédera pas au pouvoir en 2017 ou 2022 et qu’il n’utilisera pas beaucoup plus largement la possibilité de déchoir des personnes nées françaises de leur nationalité ?
Sarkozy, lui-même, pose ses conditions pour que LR vote la réforme constitutionnelle. Il exige notamment que la possibilité de déchéance de la nationalité concerne non seulement les personnes reconnues coupables d’un crime relevant du terrorisme mais aussi celles qui ne seraient coupables que d‘un simple délit de terrorisme.
Le FN n’avait pas hésité en 2001, après que la Marseillaise ait été sifflée lors d’un match amical France-Algérie à demander que les coupables binationaux soient déchus de leur nationalité française. Il avait récidivé en 2008, après un match France-Tunisie. Modifier la Constitution serait ouvrir la porte à la multiplication, par une simple loi, des cas auxquels s’appliquerait la déchéance de la nationalité.
Le juge Marc Trévidic insiste, également, sur le caractère particulièrement flou de la notion juridique de « terrorisme » et attire l’attention sur le fait qu’un régime autoritaire pourrait fort bien, demain, qualifier ses opposants politiques de « terroristes ».
François Hollande était infiniment plus près des valeurs socialistes lorsqu’il cosignait une tribune de Libération du 13/09/2010, répondant à Nicolas Sarkozy qui, dans son discours de Grenoble avait voulu étendre les possibilités de déchéance de la nationalité française : « Pour la première fois au plus haut niveau de l’Etat, il aura été publiquement affirmé qu’il existe des Français de souche « et des « Français de papier » , comme le clame le Front national depuis sa création et au risque de crédibiliser ce dernier ».