Je reproduis ici l’intervention que j’ai faite lors de la deuxième journée de la session du Conseil régional des Pays de la Loire. Toujours à propos du Schéma régional d’aménagement durable t d’égalité des territoires (Sraddet).
Le Sraddet, même s’il n’est pas celui que nous souhaitions, est un document qui a nécessairement donné beaucoup de travail à celles et ceux qui l’ont rédigé. Ce n’est pas un travail inutile, car l’avantage c’est que l’on a l’ensemble des politiques régionales rassemblé dans un seul document (même divisé en plusieurs fascicules) qui jusqu’à présent étaient éparpillées dans les rapports des différentes commissions au fil du temps. Alors oui merci pour le travail effectué, en particulier merci aux agents des services qui y ont contribué.
La droite régionale explique qu’elle a fait de la « prescriptivité à minimum ». Cela signifie le renoncement à une politique véritablement volontaire.
Seule la partie déclinant les 30 objectifs du Sraddet intitulée « contenu de l’objectif » est prescriptive, ainsi que les « règles générales ». Mais il est bien noté que les mesures d’accompagnement sont « dépourvues de tout caractère contraignant ». En résumé pas plus d’une dizaine de pages « prescriptives » sur plus de 300 des deux fascicules ! S’il n’y avait pas des thèmes imposés par le législateur, que resterait-il du Sraddet ?
Hier j’ai expliqué qu’il y avait à mon avis trop d’expressions qui atténuaient les recommandations émises. Prenons deux exemples : il n’est pas écrit « l’objectif est zéro artificialisation nette à l’horizon 2050 », mais l’objectif est de « tendre vers zéro artificialisation ». Idem pour « tendre vers la neutralité carbone ». On trouve aussi plusieurs fois l’expression « quand c’est possible » (« renaturer les espaces artificialisés quand c’est possible », « identifier quand cela est possible le niveau d’exposition des populations aux polluants ». A ce propos, là aussi la frilosité de la majorité régionale est évidente : le projet de SRADDET est par exemple muet sur la nécessaire sortie des produits phytosanitaires. La Bretagne souhaite le zéro phyto pour 2040, le Sraddet Pays de la Loire se contente de parler « d’utilisation raisonnée et de réduction des apports en intrants » (sans fixer d’objectif, donc sans indicateur de suivi). Vous ne trouverez pas non plus mention des perturbateurs endocriniens (le Sraddet Occitanie le fait). Pour le CESER, le Sraddet doit porter une vision politique et des ruptures doivent être engagées dès aujourd’hui. Les orientations du Sraddett sont-elles à la hauteur des enjeux, continue le CESER ? Notre réponse, vous l’avez deviné, c’est non.
L’agriculture est traitée dans les deux fascicules de façon éparpillée. Tout est dit « mezzo vocce ». Le modèle dominant actuel est pudiquement qualifié « d’issu de la révolution verte (irrigation, apports en fertilisants, et produits phytosanitaires) ». On y parle bien de « transition vers des pratiques plus durables », on peut lire aussi au moins une fois « évolution du modèle agricole ». Mais on y lit aussi « l’effet (sur la qualité de l’air) des épandages des pesticides est encore mal connu ». Sur la disparition des espèces, l’impact des pratiques agricoles n’est pas cité ! Quant à la question essentielle des ressources en eau, la question des bassines n’est pas traitée de front ! L’eau est certes décrétée grande cause régionale, seule mesure un peu précise : la protection des captages en eau potable. Ah si ! Un souhait : « mieux identifier dans chaque territoire la ou les causes de déclassement des masses d’eau ». Comment alors que les CTE (ex-CRBV) ne traitent quasiment jamais de la question des pesticides, mais seulement du rétablissement de la continuité écologique ? Espérons que l’apport de fonds européens au travers du programme Revers’eau (pour lequel nous émettrons un vite favorable) permette d’avance sur ce sujet. A ce propos vous répétez que l’objectif c’est d’atteindre 61% des eaux en bon état écologique en 2027, mais dans un autre document remis pour cette session il est écrit 37%.
Si les changements climatiques sont relativement bien appréhendés, et donc la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, nulle part il n’est indiqué que la trajectoire suivie actuellement est insuffisante pour atteindre les objectifs chiffrés que se fixe à juste titre la Région. Ne pas alerter, c’est prolonger une situation où les questions environnementales sont traitées dans la Commission 6, mais ne sont pas réellement et suffisamment intégrées par les autres commissions du Conseil régional. Par ailleurs le Sraddet, dans ses objectifs de diminution des gaz à effet de serre, oublie d’intégrer les émissions importées, celles liées aux produits importés qui continuent d’augmenter. Il n’est pas non plus question de sobriété numérique. Accompagner la « digitalisation » de l’économie, comme dit dans le Sraddet, ne doit pas se faire sans poser la question de la sobriété numérique, c’est-à-dire de soutenir les démarches qui visent à réduire l’impact environnemental du numérique avec la question des centres de données (data-centers), mais pas seulement.
Autre sujet qui concerne la commission 6, la Santé. Le Sraddet est très timoré sur le sujet. Il n’évoque que les innovations technologiques, l’enjeu du numérique, l’appui aux maisons de santé pluridisciplinaires. On y trouve un seul objectif spécifique à ce thème de la Santé, soit une petite page consacrée « aux territoires ne bénéficiant pas d’un accès à la santé de qualité suffisante » dans l’état des lieux (où on parle de médecins généraux libéraux et mixtes » dont le nombre a diminué, jamais de médecins salariés). Aucune règle (au sens Sraddet du terme) concernant la santé, et seulement deux indicateurs « de contexte et d’atteinte des objectifs » (nombre de maison de santé / part des individus pour lesquels au moins l’un des 5 services de soin de proximité se trouve à plus de 20 min en voiture). Rien, une fois de plus sur les centres de santé et aucune ébauche d’une politique régionale de santé impulsée par le Conseil régional. Cette question est un véritable angle mort du projet de SRADDET.
Je ne peux m’empêcher de parler du ferroviaire, même brièvement. Le Sraddet constate à juste titre que l’essentiel du transport de marchandise est fait par la route, on dit vouloir relancer le fret ferroviaire, une étude est prévue…mais il n’est même pas indiqué que le fret ferroviaire est totalement ouvert à la concurrence depuis 14 ans (2006). Je tenais juste à le rappeler à M.Brancour (Vice-Président Transports). Comme quoi la concurrence dans le ferroviaire, ça ne marche pas !
La transition sociale et écologique qui est nécessaire, doit à chaque instant veiller à concilier le social, l’environnemental et l’économique. Force est de constater une fois de plus qu’il n’est toujours pas question d’un Parc naturel régional (PNR) de l’estuaire, alors que 20 communes continuent à travailler sur ce projet. Dans le Sraddet, on y parle Loire, mais pas de PNR estuaire (d’ailleurs les RNR et les PNR y sont mentionnés que de façon très elliptique). Mauvais calcul dont vous vous mordrez les doigts quand l’Etat remettra à l’ordre du jour un projet de réserve nationale (RNN) ce à quoi on peut s’attendre dans un délai pas très lointain.
Tout dernier point, la méthanisation. Elle fait partie des énergies renouvelables à développer. Sur ce point nous sommes d’accord. Lors du premier appel à projet régional Ademe-Région, nous avions émis des remarques sur les rayons d’approvisionnement envisagés qui nous semblaient trop grands, ils ont été réduit pour le deuxième appel à projet. Nos remarques ne sont donc pas toujours inutiles ! Quant au projet de méga-méthaniseur d’Herbauges, nous avons exprimé notre désaccord lors de la dernière session. La majorité régionale semble elle aussi maintenant juger de même, puisque nous avons appris lors de la conférence ligérienne de l’énergie qu’il serait demandé aux porteurs de projet des études pour scinder leur projet en deux ou trois méthaniseurs. Nous ne pouvons que nous en féliciter.