Sarkozy avait réuni un Grenelle de l’environnement en 2007, au début de son mandat. Quatre ans après, le même Sarkozy déclarait « l’environnement, ça commence à bien faire ». Macron suit manifestement le même chemin.
En novembre 2017, il annonce que le glyphosate serait interdit « au plus tard dans trois ans ». Nous y sommes, et le glyphosate est toujours très utilisé en France. Le lobbying de la FNSEA a été payant. « C’est le modèle agricole productiviste qui rend les paysans “dépendants” de l’herbicide », explique à juste titre la Confédération paysanne.
Des engagements non tenus
Macron avait pris l’engagement de soumettre « sans filtre » les propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). D’ailleurs, cette Convention a finalement énoncé des mesures qui, pour l’essentiel, sont celles que toutes les associations défendent depuis de nombreuses années. Dès le départ, Macron en a écarté plusieurs, dont la taxation de 4 % sur les dividendes distribués au-delà de 10 millions d’euros. Il a poursuivi en se moquant de la demande de moratoire sur la 5G en raillant les « amish » et le « retour à la lampe à huile ». Les 150 citoyens de la CCC demandent une taxation des véhicules de plus de 1 400 kg. Ces voitures représentent 25 % du parc automobile. Macron a décidé de ne taxer que ceux de plus de 1 800 kg (2 % seulement des véhicules). Jusqu’où ira-t-il dans le détricotage des préconisations de la Convention ?La France s’est engagée à diminuer ses émissions CO2 de 40 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a estimé en juillet que notre pays n’est pas sur la bonne trajectoire jugeant que « les actions climatiques [du pays] ne sont pas à la hauteur des enjeux ni de [ses] objectifs » (1) . Saisi par la ville de Grande-Synthe à propos de l’inaction climatique de la France, le Conseil d’État vient de prendre un arrêt historique. Il donne trois mois au gouvernement pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ». La France a « au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés ». Rappelons aussi que plusieurs ONG – dont Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot – ont aussi déposé en mars 2019 un recours devant le Tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’État. Elles avaient auparavant lancé une pétition « Notre affaire à tous » qui avait recueilli 1,8 million de signatures.
Le Haut conseil pour le climat constate aussi que, si la France s’est fixée « des objectifs ambitieux » dans le secteur des bâtiments, « le nombre de rénovations performantes stagne, avec un rythme de 0,2 % par an en moyenne » (2). La France a ainsi « les logements les moins performants par rapport à la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne ». Une « massification » de la rénovation énergétique est indispensable. On est très loin des 500 000 rénovations par an jugées nécessaire.
Nécessité de réponses écosocialistes
Sur les questions environnementales, Macron est d’abord et avant tout un opportuniste. Conscient que l’inquiétude climatique est une préoccupation majeure dans le monde entier, il tente d’y répondre, mais en évitant tout ce qui pourrait nuire aux profits des grandes entreprises. Bref, en évitant toute remise en cause du capitalisme. Pour lui, les réponses à la question écologique sont d’abord techniques (la science saura résoudre les questions d’aujourd’hui) et c’est le secteur privé qui mènera à bien cette transition écologique, à condition qu’on n’entrave pas sa rentabilité. C’est tout bonnement illusoire !
La course au profit maximum que se livrent tous les grands groupes capitalistes est un des obstacles majeurs à une transition écologique qui nécessite la sobriété énergétique. N’oublions pas que ces grands groupes soumettent aussi les plus petites entreprises à des conditions (prix, délais,…) qui leur laissent peu de marges de manœuvre. Sans contrainte imposée par la loi, il est chimérique de supposer une conversion écologique de l’économie. On sait ce que deviennent trop souvent les beaux principes de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : des slogans qui cachent avec peine des opérations d’éco-blanchiment (green-washing).
Écologie et capitalisme ne font décidément pas bon ménage ! C’est bien à la gauche de porter les réponses écosocialistes à cette crise majeure de l’histoire de l’humanité.
(1) Les émissions de gaz à effet de serre ont en effet baissé de 0,9 % entre 2018 et 2019, alors que le rythme devrait être d’une diminution annuelle de 1,5 %, et de 3,2 % à partir de 2025. Et encore ces objectifs ont-ils été revus à la baisse par le gouvernement, contre l’avis du HCC.
(2) https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/embargo-6h-renovation-energetique-le-haut-conseil-pour-le-climat-fait-sept-preconisations-pour-rattraper-le-retard-francais_4193029.html.
Le trou noir du capitalisme, Pour ne pas y être aspiré, réhabiliter le travail, instituer les communs et socialiser la monnaie, (Le Bord de l’eau 2020).
Jean-Marie Harribey