Je reproduis ici l’intervention que j’ai faite (lors de la session du 31 mars 2021 du Conseil régional des Pays de la Loire) contre le pacte « sécurité » que la droite régionale propose en fin de mandat, en pensant faire un « coup électoral ».
La commission 6 se dénomme : « Territoires, ruralité, santé, environnement, transition énergétique, croissance verte et logement ». Et voilà que, à quelques semaines de la fin de ce mandat, la majorité régionale ajoute à cette liste déjà impressionnante de thématiques, deux supplémentaires : « sécurité » et « laïcité ». Est-ce que cela découle d’une réflexion menée au sein de la Commission ? Certainement pas, car ces deux thèmes n’y ont jamais été abordés. De là à dire que c’est uniquement un calcul électoral décidé par les partis de la majorité ? Que cela fait partie de la course aux voix de l’extrême-droite ? Difficile de ne pas le penser.
Oui la sécurité des personnes est un droit. Le législateur l’a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises « l’Etat a le devoir d’assurer la Sécurité ». Quelles qu’en soit les racines sociales (par exemple en ce qui concerne les violences faites aux femmes), quelles qu’en soient les explications (expliquer ce n’est pas excuser), les violences aux personnes ne sont pas acceptables : tout un chacun a le droit, par exemple, de se promener librement dans n’importe quel endroit d’une ville à n’importe quelle heure sans être inquiété, que l’on soit femme ou homme. Une politique de prévention et d’éducation est nécessaire. Elle demande des moyens, elle en manque cruellement. Une police nationale formée et de proximité est indispensable, on en est loin. Face aux carences de l’Etat qui a en charge la police nationale depuis le 14 août 1941, certaines communes se dotent de polices municipales avec le plus souvent une volonté de proximité abandonnée notamment depuis la présidence Sarkozy. Puis on a développé la vidéosurveillance, même rebaptisée vidée-protection ses effets sont limités. Nice est une des villes les plus dotées de caméras, cela n’a nullement empêché l’horrible attentat du 14 juillet 2016.
Le sujet est grave, il ne devrait pas être utilisé comme objet de surenchère électorale. De plus, l’erreur serait de ne retenir que l’aspect « sécuritaire » du mot « sécurité ». C’est dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 qu’apparaît le mot « sécurité » à deux reprises. Notamment à l’article 22: « Toute personne, en tant que membre de la société a droit à la sécurité sociale… », le terme doit bien être entendu dans son sens général, c’est-à-dire « la satisfaction des droits économiques sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité… ». Or nous vivons dans une société où le chômage de masse est une réalité depuis près de 40 ans. Je vous renvoie au livre du journaliste Benoît Collombat, « Le choix du chômage » (sous-titre « De Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique ») qui démontre comment le choix de remettre les clés de l’organisation du monde à l’économie et à la finance a eu pour effet de sacrifier l’emploi avec d’immenses effets dévastateurs.
Jusqu’à présent, la « Sécurité » n’est pas un des domaines de compétence d’un Conseil régional. S’il vous plaît, ne participez pas à la « Le Penisation » du débat public en adoptant sans prendre le temps d’en bien mesurer les conséquences une délibération qui ferait de la Région un nouvel échelon dans la question de la sécurité après l’Etat et les communes. D’autant que la décision d’aujourd’hui ne rentrera pas en vigueur avant la fin de ce mandat. Et le fait que le volume de financements envisagé ne fera nullement effet levier auprès des collectivités c’est une preuve supplémentaire de l’affichage électoraliste de votre délibération. Laissez à la nouvelle équipe qui sortira du prochain scrutin d’en décider.
Et puis, pourquoi donc parler de laïcité dans une délibération dénommée « pacte régional de sécurité » ? Vous connaissez l’attachement de la gauche à la séparation des églises et de l’Etat, notre défense de l’école laïque, pourtant nous n’acceptons pas de mélanger tous les sujets sauf à penser qu’il y a là aussi possible calcul électoral qui amènerait au simplisme violence=terrorisme=islamisme=islam=musulman.
Avant même que la controversée « loi confortant les principes républicains » ait été adoptée, et sans que nous ayons eu vent de problèmes majeurs avec le monde associatif dans notre Région, vous introduisez l’idée d’une « Charte de respect des valeurs de la République et des principes de laïcité ». Là aussi, rien ne sera fait dans ce mandat, on est donc encore dans l’affichage électoraliste. Faut-il décider à la va-vite de la nécessité ou non d’une telle Charte ?
S’appuyer sur les valeurs de la République, écrivez-vous. Cela signifierait pour nous, par exemple, s’appuyer réellement sur un des principes de la République, celui de la fraternité. Cela impliquerait d’affirmer avec beaucoup plus de force que vous ne le faites l’importance de la lutte contre toutes les discriminations, et bien entendu le principe de laïcité, principe de liberté absolue de conscience, socle du vivre ensemble – ce vivre ensemble que vous avez sous la pression du FN éliminé du projet éducatif régional.
Si vous brandissez aujourd’hui l’étendard de la laïcité, pourquoi Mme la Présidente, n’avez-vous pas souhaité la nommer dans votre –longue- lettre aux enseignants suite à l’assassinat par un islamiste de Samuel Paty, alors même que ce mot de laïcité s’imposait de toute évidence ? Une autre question Mme la présidente : les associations seraient-elles seules concernées par une telle Charte ? Pas les collectivités ? Le respect de la neutralité de l’espace public que vous rappelez, est-ce une menace de suppression des subventions de la Région vis-à-vis de collectivités qui, par exemple, installent des crèches dans leurs locaux ?
Mme la Présidente, il ne suffit pas de parler de laïcité…il faut soi-même la pratiquer.