Étonnants tous ces commentaires journalistiques autour de l’accord signé par la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et le Medef. L’accord serait historique. À écouter et lire tous la quasi-totalité des premiers commentaires dans les médias, on s’aperçoit que bien peu sont ceux qui ont réellement lu le texte de l’accord. La signature en soi serait l’évènement, et gare aux députés qui s’aventureraient à modifier ce que la « démocratie sociale » a fait ! Désolé, mais je ne marche pas !
Quand on regarde de près cet accord, on s’aperçoit qu’il va surtout permettre aux employeurs de faciliter les licenciements, et de rendre plus difficile les recours des salariés, des représentants du personnel et des syndicats. Il sera possible de faire varier les horaires et de baisser les salaires pendant deux ans : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signés et rendus célèbres à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avaient pas empêché ensuite de fermer ! Pour la CGT, il s’agit d’une grave régression des droits sociaux ! Force Ouvrière parle d’un projet profondément déséquilibré. Cet accord est minoritaire dans le camp des organisations syndicales de salariés. Ce qui fait que le Parlement n’est pas tenu de le « ratifier » tel quel !
Faut-il accepter que les contrats à temps partiel soient maintenant de 24h minimum par semaine ( certes au lieu de 20h aujourd’hui) mais avec un « lissage sur l’année » ? Et que « les salariés qui en feront la demande par écrit » pourront travailler moins ? On voit tout de suite le chantage à l’embauche qui peut être fait. Dans trois secteurs (la chocolaterie, la formation, les articles de sports), des « CDI intermittents » seront créés avec « alternance entre périodes travaillées et chômées pour les entreprises de moins de 50 salariés ». Il y a aussi la possibilité pour les entreprises de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ». Des dispositions de l’accord facilitent les plans sociaux (avec une simple homologation administrative). Il s’agit de court-circuiter toutes les procédures actuelles et de « déjudiciariser » les plans sociaux. La gauche voulait contrôler les plans sociaux boursiers ou abusifs, ils risquent d’être facilités. Sans parler du fait que jusqu’à présent un salarié disposait de 5 ans pour se porter aux prud’hommes le délai est réduit à deux ans. Un salarié pouvait réclamer ses heures supplémentaires 5 ans en arrière, désormais ça ne serait plus que 3 ans.
Il y a bien la taxation des contrats courts. Notons que le Medef a obtenu que cette surtaxation sera compensée par l’exonération des cotisations sur les CDI conclus pour des jeunes de moins de 26 ans (entreprises de moins de 50 salariés). En fait, il n’y a aucune réelle limitation des CDD ou autres contrats précaires. Cela ne fera pas un seul CDD de moins et l’intérim (qui devient moins cher que le CDD) n’est pas concerné. Il y a bien sûr la possibilité d’une couverture « complémentaire santé » pour 4 millions de personnes qui n’en avaient pas. Mais c’est pour 2016 ! Et ce sont les employeurs qui choisiront « l’organisme assureur de leur choix ». Quant au compte personnel formation, il ne remet pas en cause le plafonnement à 120 du crédit d’heures.
Et pourtant le marché du travail en France est beaucoup plus flexible qu’on ne le dit généralement. Faut-il accepter les exigences du Medef qui déclare sans cesse : « Nous avons besoin de flexibilité pour recréer des emplois » ? « La comparaison avec les autres pays européens ne fait pas apparaître de handicap français particulier en la matière. Elle montre que nous sommes déjà allés trop loin dans le recours au travail précaire et que nous sommes trop frileux en matière de protection contre les licenciements collectifs » (*).
L’accord qu’a imposé le Medef risque d’aggraver la situation actuelle. Il n’est en rien un accord favorable à l’emploi et comporte de bien trop nombreuses régressions sociales, que la majorité de gauche au Parlement ne doit pas entériner !
(*)« Plus de flexibilité ? Il y en déjà trop » Guillaume Duval Alternatives économiques n°320 janvier 2003
[…] autant, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur l’accord CFDT-CFTC-CGC-Medef (et la mienne est très critique), on peut au moins s’accorder sur le fait qu’il n’aura aucun impact sur la possible création […]