Avec 4 camarades du bureau fédéral du PS44, j’ai signé un texte expliquant les raisons de notre opposition à l’ANI du 11 janvier 2013. Ce texte a été diffusé par mail aux militants socialistes de Loire-Atlantique. Je le reproduis ci-dessous.
L’Accord National Interprofessionnel conclu entre le MEDEF et les syndicats CFDT, CGC et CFTC nous a été présenté par les médias comme historique. Pourtant, il n’a pas fallu attendre bien longtemps pour que des voix s’élèvent de toute part, et relèvent son caractère profondément déséquilibré au détriment des salariés. Nous avons porté le débat au sein du Bureau fédéral et souhaitons porter à la connaissance des militants de la fédération le point de vue que nous avons défendu sur cet accord que nos députés ne doivent pas, selon nous, transposer en l’état.
Cet accord, et sa ratification projetée, sont discutables tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, car il nous semblerait dommageable que le Parlement abandonne sa qualité de législateur en matière sociale, et se contente d’entériner sans discussion cet accord qui, bien que qualifié de « majoritaire » n’est pas, et de loin, représentatif de la majorité des salariés. Il a été refusé catégoriquement par les syndicats CGT et FO, représentant 49,8% des salariés aux dernières élections prud’hommales (contre 38,7% pour les trois syndicats signataires). Pourquoi s’obstiner à transcrire de façon « loyale et fidèle » un accord minoritaire ?
Sur le fond, l’accord nous semble contenir des reculs sociaux en matière de droit du travail, de facilitation des licenciements, de la flexibilité des contrats (temps partiels, CDI « intermittents », intérim, mutations…). Nous constatons aussi que le texte signé ne place pas sur le même plan les concessions demandées aux salariés et les éventuelles avancées sociales. La flexibilisation est toujours immédiate, alors que la mise en place de la complémentaire santé, ou des droits rechargeables au chômage, est renvoyée à de futures négociations.
Cet accord nous semble plutôt gagnant-perdant. Il officialise ce que nous avions refusé du temps de Sarkozy, les accords « compétitivité-emploi » qui visent à moduler le temps de travail et les salaires par accord d’entreprise (et l’on sait que souvent le rapport de forces entreprise par entreprise n’est pas en faveur des salariés). Selon les organisations syndicales CGT-FO-FSU-Solidaires, rejointes par la majorité de nos partenaires de gauche, les accords de Wagram (du nom de l’avenue où se situe le siège du Medef, dans lesquels cet accord a été signé) sont un « marché de dupes », dont ni l’emploi, ni sa préservation ne sortiront gagnants. Ce n’est pas en facilitant les licenciements qu’on lutte contre le chômage et la précarité. Par ailleurs, de nombreux points de l’accord présentés comme des avancées ou droits nouveaux n’en sont pas ou sont aléatoires, c’est le cas en matière :
- De complémentaire santé : pas généralisée ;
- De temps partiel : des avancées de façade ;
- De droits rechargeables pour les chômeurs : sous réserve que cela ne coûte rien ;
- De la représentation des salariés dans les conseils d’administration : seulement dans 200 entreprises…
Au contraire d’autres mesures défavorables aux salariés :
- Éviction du juge dans les procédures ;
- Diminution des délais de prescription pour que les salariés fassent valoir leurs droits en justice ;
- Licenciement des salariés refusant la diminution de leur rémunération dans le cadre d’un accord majoritaire d’entreprise ;
- Pas un mot sur l’engagement n°25 de François Hollande, portant sur l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations entre les hommes et les femmes.
Débattons de tout cela dans nos sections et avec nos parlementaires !
Hervé Braire, Vincent Grenier, Émilie Mottier, Sophie de Saint-Amour, Éric Thouzeau (membres du bureau fédéral)
Ci-dessous quelques liens avec des textes qui analysent l’accord :
Analyses syndicales :
- Communiqué commun des Unions départementales 44 CGT, FO, FSU, Solidaires et SEN qui appellent à des manifestations le 5 mars contre cet accord
- Communiqué du Syndicat des Avocats de France
- Communiqué du Syndicat de la Magistrature
Analyses politiques :
- Une régression sociale inacceptable (Démocratie&Socialisme)
- L’analyse de Maintenant la gauche