Le PCF 44 m’a invité à participer à une table-ronde dont le titre était « Vers un Front populaire du 21ème siècle ». C’était le 16 mai dernier à la fête des Nouvelles de Loire-Atlantique (le journal du PCF 44). Je développe ici un certain nombre d’éléments que j’ai abordés à cette occasion. L’heure est encore au débat, pas aux candidatures pour 2017.
Les années 30 du 20ème siècle ont vu une crise majeure du capitalisme (krack boursier puis crises bancaires), des politiques déflationnistes entraînant ensuite un chômage massif, le tout dans un contexte de montée des fascismes. Dans ces années là, la gauche française (SFIO / PCF) est divisée tout comme le mouvement syndical (CGT / CGTU). La montée de l’extrême-droite pousse alors la gauche à une certaine forme d’unité. Ce sera facilité par la volte-face de Staline qui change d’orientation (d’une politique criminelle de dénonciation des sociaux-démocrates traités de sociaux-fascistes à une stratégie de Front populaire). Le 3 mai 1936, le « Front Populaire » remporte les élections. Le 11 mai la grève générale démarre. S’il y a un enseignement majeur de cette période, c’est bien que sans rassemblement, la gauche est impuissante, mais qu’il faut aussi que la mobilisation sociale soit au rendez-vous.
Échec du gouvernement et besoin maintenu de gauche
Si des similitudes existent avec la situation que nous vivons (crise économique / chômage / montée de l’extrême-droite), il y a aussi des différences marquées : nous vivons depuis 4 ans avec un gouvernement issu de la gauche qui a échoué sur l’essentiel, l’emploi et la lutte contre les inégalités (+20% de chômage depuis 2012 et +20% du nombre des foyers vivant avec le RSA). Et si quelques chiffres sont un peu moins mauvais aujourd’hui (et c’est tant mieux), tout le monde s’accorde à dire qu’ils sont plus dus à « l’alignement des planètes » – baisse de l’euro, baisse des prix du pétrole, taux d’intérêt faibles- qu’à la politique pro-entreprises (« pro-business » : aides non ciblées aux entreprises et sans contrepartie). Cette situation entraîne une coupure qui n’a cessé de croître entre le « peuple de gauche » et le gouvernement, coupure qui semble atteindre des sommets avec la loi El Khomri. Mais si malheureusement le PS est discrédité, c’est aussi toute la gauche qui est en difficulté (gauche éclatée, atomisée…). Aux yeux de millions de gens, c’est la gauche qui a échoué… pourtant il y a toujours un besoin de gauche qui s’exprime massivement. Cela me semble évident avec la lutte contre le projet de loi El Khomri. Cela prend différentes formes : manifs, grèves, Nuit Debout, succès de la pétition Loi Travail, du film Merci Patron…
Quelles propositions communes à la gauche et aux écologistes ?
Dans une telle situation, deux attitudes sont possibles : soit faire l’impasse sur les échéances de 2017 (présidentielles et législatives) et tracer des plans sur la comète pour reconstruire la gauche d’après 2017. Soit on se confronte au réel : ne pas se résoudre au duel droite-extrême droite au deuxième tour des présidentielles. C’est cette deuxième option que, sans hésiter, j’ai choisi d’abord en signant un appel à une primaire à gauche, puis en signant « l’appel des 100 ». Il n’y a pas de contradiction entre toutes ces démarches (primaires, appel des 100), mais pour moi, une grande cohérence : celle de rassembler contre le risque d’un duel droite-extrême droite au second tour des présidentielles de 2007 et dans la foulée aux législatives.
Pour rassembler il faut un socle commun, une plateforme commune, des propositions partagées. Peu importe la dénomination. Sans accord sur une plateforme immédiate de gouvernement, il n’y a aucune chance de rassemblement, c’est l’évidence. Et sans rassemblement c’est la multiplication des candidatures à gauche au premier tour et l’échec assuré. Socle commun, candidat unique et primaires pour le ou la désigner sont donc liés.
Il faut clarifier l’objectif car il y a des confusions sur la notion de mesures d’urgence. Pour certains, les mesures d’urgence concernent tout le champ des questions politiques, sociales, environnementales, démocratiques… qui nous taraudent. On peut comprendre cette logique, mais c’est davantage celle d’un programme que d’un plan d’urgence.
Il faudra certainement y venir car les changements nécessaires de politique économique, européenne ou internationale ne se produiront pas en un jour. Les effets de décisions politiques non plus. Mais si tout relève de l’urgence, il n’y a plus de priorités, plus d’urgences en quelque sorte.
Je suis de ceux qui défendent l’idée de mesures immédiates que nous qualifions d’urgence car elles correspondent à des attentes fortes des salariés, des jeunes, des retraités. Elles sont, pour l’essentiel, sociales. Et applicables, vite. C’est dans ce sens qu’un plan d’urgence avec des mesures concrètes peut être une base commune à des primaires de la gauche et des écologistes.
Un plan d’urgence
L’idée est de mettre en avant des mesures immédiates. Elles sont, pour l’essentiel, sociales. Et applicables, vite. Pour redonner confiance à la base sociale de la gauche, le salariat, il faut lui assurer que tout de suite des mesures positives seront prises.
- Un coup de pouce immédiat au SMIC avec 10 % d’augmentation ou 150 euros mensuels, une hausse similaire des minimas sociaux, pas de salaires supérieurs à 20 smic.
- Toute relation de travail relève du contrat de travail et d’un code du travail renforcé. Quota maximum de 5 % de précaires CDD, intérim dans les entreprises ; contrôle de l’inspection du travail sur les licenciements boursiers et abusifs…
- Instauration d’un tarif social pour les factures d’eau, de gaz, d’électricité
- Réduire le temps de travail : les 32 h pour travailler moins mais travailler tous et mieux.
Ce sont quelques exemples parmi d’autres possibles : encadrer les tarifs bancaires constitue également une mesure d’urgence. Mais l’orientation doit être plus ambitieuse avec une réforme bancaire, une réelle séparation des activités de banque de dépôt de celles de banque d’affaires, la définition d’un périmètre et de moyens nouveaux pour la BPI ou un pôle public financier. Une réforme fiscale pour des impôts directs et progressifs doit être faite aussi dès le début du quinquennat avec combat contre la fraude fiscale et redistribution des richesses. Un plan de transition écologique et énergétique doit aussi être très vite adopté sinon les lobbies des multinationales contrecarrent rapidement toute volonté d’avancer réellement dans cette voie de la transition écologique.
Prendre des initiatives avant la période juillet-août pour débattre et rassembler à gauche me paraît nécessaire. Débattre et formuler des propositions sur les urgences sociales, les urgences écologiques, les urgences démocratiques est indispensable. En Loire-Atlantique, comme dans tout le pays.
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