Du 18 au 20 mars 2016, dans le cadre d’une délégation d’« A Gauche pour Gagner » (la Motion B du PS), j’ai participé à une conférence européenne « contre l’austérité et pour la démocratie » qui s’est tenue à Athènes, organisée principalement par Syriza.
Si Syriza a voulu réunir à Athènes des représentants de la gauche de différents pays européens, c’est que les dirigeants grecs sont conscients de la nécessité pour eux de « desserrer l’étau ». Au plus fort du bras de fer avec l’Union Européenne, le gouvernement grec s’est senti bien seul face aux 26 autres gouvernements de l’UE. Faute d’un rapport de force suffisant, les dirigeants de Syriza ont majoritairement décidé, contraints, d’appliquer le « memorandum » de juillet 2015 (1) qu’ils avaient toujours rejeté avec un soutien populaire plusieurs fois réaffirmé.
Mesures imposées par la troïka et programmes parallèles
La lutte contre l’austérité au plan européen et dans chaque pays de l’Union a été au centre de toutes les interventions, notamment celles de plusieurs ministres grecs. Rania Antonopoulmos, Vice-ministre grecque du travail, a fait remarquer que pour la première fois depuis 1941 la population grecque a baissé. Elle a rappelé que la Grèce vit sa 7ème année de crise, et qu’un quart de l’économie a disparu. Le taux de chômage est de 27%, la dette a continué à augmenter. Étonnant d’entendre un ministre nous dire : « on emprunte une voie qui ne peut pas avoir de résultats positifs ». La baisse des salaires en Grèce est catastrophique, mais comme tous les pays européens cherchent eux aussi à baisser les salaires, cet environnement récessif ne peut générer la croissance. « Comme on ne peut pas lutter contre le chômage, on lutte contre la pauvreté […]. Mais dans toutes les politiques que nous mettons en œuvre, nous posons la question de la redistribution » ajoute-t-elle. C’est ce que le Vice-premier ministre Ioannis Dragasakis développera en expliquant leur politique de « programmes parallèles » (2) pour faire face aux situations sociales extrêmes d’une partie importante de la population grecque (nourrir et éduquer). Pour Panos Rigas, du secrétariat politique de Syriza, « améliorer la vie quotidienne, là est notre bataille concrète ». Pour Syriza, il y a toujours espoir que la mise en œuvre des conditions imposées par la troïka amènera à une rediscussion de la dette grecque, et leur permettra d’emprunter à la BCE à 0%.
La Grèce et l’accueil des migrants
Malgré toutes ces immenses difficultés, Panos Rigas a affirmé la politique de main tendue qu’a pratiqué jusqu’à présent la « petite » Grèce vis-à-vis des migrants. Face à l’extrême-droite qui monte en Europe, la Grèce a mis en avant les valeurs de l’humanisme. Il y a un an, La Grèce a failli être expulsée de l’Union Européenne car, soi-disant, elle n’en respectait pas les règles. Mais comme l’a fait remarquer Alexis Tsipras lors du meeting final, aujourd’hui de nombreux pays, en fermant leurs frontières, bafouent les valeurs sur lesquelles l’Europe a été fondée ; et là personne ne parle de sanctions ! La crise des migrants plonge toute l’Europe en difficulté. Pour les dirigeants grecs, cette question a rebrassé les cartes. Du fait du chômage important en Grèce, les migrants ne souhaitent pas y rester, mais ils veulent aller en Allemagne. Alors l’Allemagne sort-elle vainqueur de cette situation ? Non, on le voit aujourd’hui avec la montée de l’extrême-droite dans ce pays, a réaffirmé Alexis Tsipras.
Travailler au changement du rapport de forces dans chaque pays
Face aux « eaux froides du capitalisme calculateur », selon les termes employés par Panos Rigas, la nécessité d’une autre Europe a été réaffirmée, « celle des droits sociaux et des droits des peuples sans distinction d’origine et de religion ». Notre trop court séjour à Athènes ne nous a pas permis d’approfondir la question du soutien populaire apporté ou non à Syriza aujourd’hui, et des débats qui perdurent au sein de Syriza (3). Ce qui est certain, c’est la conscience aigüe de Syriza que « les forces réactionnaires veulent voir Syriza s’effondrer, mais aussi qu’elles veulent empêcher la montée de la gauche en Espagne et au Portugal ». Il nous est apparu clairement que Syriza s’est félicité de l’accord intervenu au Portugal, qui a amené le Parti communiste (PCP), les Verts et le Bloc de Gauche à soutenir le gouvernement du Parti Socialiste (PSP). Rénato Soeiro, du Bloc de Gauche portugais, et Marisa Matias, députée européenne (4), ont longuement expliqué leur démarche qui a permis « un véritable tournant : hausse des salaires, baisse de l’électricité pour les plus pauvres, taxation de sociétés immobilières… ». Les dirigeants du Bloc de Gauche ont parlé de message et d’alternative historique lorsque le premier budget du gouvernement soutenu par toute la gauche portugaise n’a pas été rejeté par la Commission Européenne, malgré l’irritation de « l’establishment de Bruxelles », pour reprendre les mots de Rénato Soeiro. Marisa Matias a ajouté lors du meeting de clôture : « Le Portugal a le gouvernement que Bruxelles et l’oligarchie ne voulaient pas. Il a celui que les gens voulaient ». Elle rajoute alors qu’il faut changer le rapport de forces au plan européen, mais également dans chaque pays. Message à l’intention de leurs camarades espagnols de Podemos ?
Des rendez-vous réguliers de la gauche au plan européen
La présence de délégations de nombreux pays d’Europe (Italie, Croatie, Irlande, Tchéquie, Allemagne, Hongrie, Angleterre….), et les débats qui ont eu lieu ces trois jours, montrent l’intérêt à multiplier les échanges internationaux. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a proposé qu’une telle conférence, qui dépasse les seuls contours de la Gauche unitaire européenne qu’il préside, se réunisse tous les ans : un « forum annuel des forces politiques, des gouvernements progressistes, des forces syndicales et sociales qui le souhaitent, pour dialoguer régulièrement et construire un front européen pour sortir de l’austérité et construire un avenir pour l’Europe de demain ». Pourquoi pas ? Rassembler la gauche au plan européen est plus que jamais nécessaire tant nous combattons les mêmes politiques dans les différents pays européens, une politique qui enfonce le continent dans la stagnation.
(1) Memorandum : texte reprenant les conditions fixées par la troïka (Banque Centrale Européenne, Commission, FMI) au gouvernement grec.
(2) Programmes parallèles : mesures sociales adoptées par le Parlement grec en contrepartie des « ajustements budgétaires » exigés par la troïka.
(3) Dans L’Humanité du 25 mars, Sia Anagnodtopoulou, Ministre déléguée à l’éducation, estime qu’« avec la réforme des retraites, nous atteignons un seuil. Pour moi, la sauvegarde d’un système par répartition, le refus de nouvelles coupes dans les pensions, constituent une ligne rouge ».
(4) Marisa Matias, candidate du Bloc de Gauche, a dépassé les 10% à la dernière élection présidentielle et est arrivée en troisième position.
Contre l’austérité et pour la démocratie | Le blog d’Éric Thouzeau Contre l’austérité et pour la… https://t.co/TDmwY36lmq
Je profite de votre article pour faire un bref rappel sur le principe de l’économie.
L’économie est une roue, et l’austérité est un bâton qu’on met dans la roue (tant qu’on ne nous le met pas ailleurs…)
L’austérité réduit le pouvoir d’achat qui réduit la consommation qui réduit la production qui réduit l’embauche et qui, à son tour, réduit le pouvoir d’achat…
Tous ensemble pour notre niveau de vie, tous ensemble contre l’austérité.
PS : Quel salaire de ministre / député a été sujet à l’austérité ? Le mouton suit, mais le bélier fait mal…