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Eléments sur la situation politique générale

Écrit le 30 juin 2017 par Éric Thouzeau

Lors du premier Conseil national du réseau de militant.e.s appelé Gauche démocratique et sociale (GDS), j’ai été chargé d’un rapport pour introduire une discussion sur la situation politique générale. Je reproduis ici le version écrite de ce rapport.

L’instabilité mondiale

La situation internationale est toujours marquée par la déstabilisation de très nombreuses régions du globe : guerres, famines, inégalités croissantes, déréglements climatiques, émigration.

Les guerres qui se mènent dans le Proche et le Moyen-Orient ont des conséquences bien au delà de cette seule région. Les interventions militaires occidentales, la lutte pour des sources d’approvisionnement (pétrole, gaz), l’écrasement des révolutions démocratiques (suite au printemps arabe) par les régimes dictatoriaux, les luttes entre castes dirigeantes des différents pays de la région  sont autant de facteurs de crises majeures dont sont victimes les peuples. La gauche internationaliste se doit d’affirmer son soutien à celles et ceux qui combattent pour la démocratie, et de lutter contre les interventions de puissances occidentales telles que celles menées en Syrie par les USA, la Russie et certains pays européens dont la France.

La troisième mondialisation capitaliste, la mondialisation néo-libérale, n’a pas apporté la paix, elle n’apporte pas plus la prospérité. Les 8 personnes les plus riches du monde possèdent autant que la moitié de l’humanité et les inégalités ne cessent de s’accroître entre les États et à l’intérieur de chacun de ces États. Ce monde profondément inégalitaire entraîne des tensions sociales un peu partout dans le monde, exploitées par différents courants réactionnaires à un moment où la gauche à l’échelle internationale n’apparaît pas en capacité de fournir des réponses aux aspirations populaires.

Le réchauffement climatique en cours, du à l’activité humaine dans le cadre d’une économie basée sur la course au profit maximum, accentue la déstabilisation de zones entières du globe. Aux migrants qui fuient les zones de guerre, s’ajoutent les réfugiés économiques et maintenant les premiers réfugiés climatiques dont le nombre ne va cesser de croître dans les décennies à venir.

Crises au sein de l’UE

Le Brexit a été la manifestation, avec des caractéristiques propres au Royaume-Uni, du rejet d’un projet européen largement dominé par l’hégémonie de la pensée libérale au service des grands groupes capitalistes. L’idéal européen de paix, de coopération et d’échange entre les peuples d’Europe reste malgré tout fort, notamment dans la jeunesse.

Les politiques libérales semant à la fois le désordre et le besoin d’ordre, les partis nationalistes et xénophobes captent une partie de la colère populaire. La lutte pour la démocratie et la justice sociale doivent être indissociablement liées pour contrer l’extrême-droite.

Si une réelle réorientation de la construction européenne est indispensable, elle ne peut se faire sans remise en cause d’un projet principalement construit comme un grand marché. Une Europe qui protège, c’est à la fois un continent qui refuse le libre-échange généralisé avec l’extérieur de l’Europe qu’au sein même de l’Europe. Sans harmonisation sociale et fiscale, il n’y aura pas de projet européen possible dans la durée. Par ailleurs, la solidarité avec le peuple grec étranglé par l’UE doit être réaffirmée tout comme l’illégitimité des dettes publiques qui ont explosé après la crise des subprimes de 2008.

France : pourquoi Macron s’est-il imposé ?

Nous sommes un pays où mobilisation sociales et réponses politiques se nourrissent. Si la mobilisation sociale contre la loi El Khomri a été importante, elle s’est heurtée à un gouvernement issu de la gauche. L’orientation « pro-entreprise » de ce gouvernement, c’est-à-dire des choix politiques privilégiant le rétablissement des marges des entreprises au détriment des salaires et de  la consommation populaire, ont achevé de distendre les liens entre le salariat et le parti qui depuis près de trente ans dominait électoralement à gauche.

La victoire d’Emmanuel Macron ne peut se comprendre que dans ce contexte. Toute interprétation incluant la fin du clivage droite-gauche est erronée. Depuis la deuxième moitié du 19ème siècle, ce clivage troue ses racines dans la question sociale. Même de façon (parfois très) déformée, la droite et la gauche sont l’expression de forces sociales différentes.  Le macronisme, malgré sa volonté affichée d’être et de droite et de gauche, a dès le début reçu le soutien de la finance et des grands groupes de presse car la droite conservatrice menée par Fillon s’appuyait sur des forces ultraréactionnaires en décalage avec la société française. Macron tente de se hisser à la hauteur d’un nouveau Bonaparte ou d’un De Gaulle moderne au-dessus des clivages partisans en fustigeant le « régime des partis ». Le rôle qui lui est assigné par la classe dirigeante est clair : mener les réformes « structurelles » dans un pays au modèle social jugé encore trop protecteur  pour les salariés. En Allemagne, décidées par un gouvernement SPD, ces réformes ont été largement mises en œuvre par une grande coalition (CDU-SPD). Macron se fait fort de montrer aux dirigeants allemands qu’il fera de même avec des forces issues de la droite et de la gauche, espérant ainsi neutraliser les possibles réactions des salariés et de la jeunesse. A nous de le mettre en échec en réactivant à plein le clivage droite-gauche  comme étant le clivage actionnariat-salariat, forme actuelle de l’opposition Capital-Travail.

Le programme de Macron est d’un point de vue économique et social très néo-libéral. Il entend mener une politique économique de droite. Macron aura-t-il des marges de manœuvre économiques plus grandes que Hollande ?   Dix ans après la crise de 2008, il y en a sans doute un peu. Alors qu’un investissement public important est nécessaire (notamment dans la transition énergétique) la volonté réaffirmée par Macron d’un déficit en-dessous des 3% est un signe d’une politique d’austérité maintenue pour les salariés comme pour les collectivités territoriales. Cette politique aujourd’hui comme hier échouera, et impliquera pour Macron, avec une base électorale déjà bien étroite,  de s’attaquer à une bonne partie de celles et ceux qui ont voté pour lui. Sans parler des pressions exercées par les grandes banques pour assouplir les règles (Bale 3) auxquelles elles ont astreintes depuis 2008. Macron tout comme Trump les trouvent trop « prudentes ». Au risque d’une nouvelle crise financière dans les années à venir ?

Participer activement à la reconstruction de la gauche française

Le PS français a perdu la place centrale qu’il occupait depuis plus de trente ans, la gauche de ce parti ayant échoué à empêcher la dérive libérale du gouvernement Hollande-Valls-Macron. Situation définitive ou un renouveau est-il envisageable ? Nous sommes surs d’une chose : l’idéal socialiste, basé sur la nécessité d’une extension des biens communs et d’une autre répartition des richesses que celle opérée par le capitalisme, reste et restera d’actualité.

EELV est en grande difficulté : alors que l’écologie s’est imposée comme incontournable, y a-t-il encore un sens à un parti basé sur l’écologie politique séparé des formations issues des traditions socialiste et communiste ? Le Parti communiste, quant à lui, n’arrive toujours pas à retrouver une cohérence qui lui permette d’apparaître comme porteur d’une réponse satisfaisante à la crise de la gauche.

Une nouvelle force a émergé à gauche : la France insoumise (FI) basée sur un programme éco-socialiste « radical » dont nous partageons les grandes lignes, même si nous pensons que les questions démocratiques ne peuvent pas être seulement du domaine de l’organisation de la société. Elles sont aussi essentielles quant  au type de parti que l’on veut construire. Nous ne croyons pas plus à l’homme providentiel pour le pays que pour un parti.

FI a mis en mouvement des dizaines de milliers de jeunes et de salariés dont, pour la plupart, c’est la première expérience militante. Est-ce que FI maintiendra son refus du rassemblement et de l’unité de la gauche ? C’est pourtant ce qui, notamment, a empêché Jean-Luc Mélenchon d’être présent au deuxième tour de la présidentielle et à la gauche de gagne.

En lien avec les mobilisations sociales à venir, une recomposition à gauche aura lieu. Quelle forme prendra cette recomposition de la gauche française ? On peut étudier la façon dont Podemos s’est construit en Espagne (sur la base d’un mouvement social contre l’austérité), ou l’exemple de Syriza ( dans un premier temps à partir de différentes formations issues de la crise du PC, de l’extrême-gauche, puis de celle du PASOK). Au Portugal, le rassemblement de la gauche a pris une autre forme avec un accord politique permettant un gouvernement soutenu par le PS, le PC, les Verts et le Bloc de gauche. En France, tout est à faire.

Nous proposons de mettre sur pied, de façon unitaire, dans chaque département des comités de liaison (quel que soit le nom qu’on leur donne)  ouvert à toutes les forces de la gauche et de l’écologie, à tous les militants associatifs et syndicaux qui le souhaitent. Il s’agit de rassembler les opposants de gauche à Macron en respectant les sensibilités de chacun pour débattre, échanger et mener des combats concrets, le premier étant  contre une loi El Khomri XXL.

La perspective que nous mettons en avant est celle d’une fédération rose-rouge-verte. Il s’agit d’une « formule algébrique », et donc d’un concept politique avec des « inconnues »  même si nous ne savons pas comment cette perspective prendra réellement forme.

Les militantes et les militants de GDS veulent être des militants actifs de cette reconstruction, cette  réorganisation de la gauche. Certains sont et resteront membres du PS, d’autres n’y sont pas ou le quitteront en fonction de réalités locales différentes. D’autres sont membres d’autres formations politiques de la gauche française, et enfin certains sont avant tout des militants associatifs et syndicaux. Mais tous, nous aspirons à la construction d’une gauche démocratique, sociale, écologiste, féministe et internationaliste. Et donc unitaire !

 


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