Je reproduis ici une tribune parue dans l’Obs, et que j’ai tout naturellement signée.
« Femmes portez plainte, ou taisez-vous à jamais »
Nous sommes en juin 2019, plus de 2 ans après #MeToo, la fameuse « libération de la parole », ou plutôt le développement d’une écoute de ces paroles sur l’ampleur du sexisme et les violences sexuelles qui en découlent. Nous sommes 3 ans après le début de l’affaire Baupin, 2 mois après le verdict qualifié « d’historique ». Depuis, il y a eu les révélations au sein du MJS, celles des jeunes communistes, de la ligue du LOL, les Universités, la mairie du Havre … Et pourtant, en matière de violences sexuelles on continue encore et toujours à enjoindre les femmes à porter plainte ou à se taire, on continue à reporter les responsabilités sur les victimes, toujours ces même silences, la même omerta.
Nous serions en droit d’espérer que toutes ces prises de risques et de paroles auraient fait avancer plus largement et efficacement la conscience collective des dirigeant.e.s sur la gravité des violences sexuelles, et les conséquences désastreuses d’un laisser faire ; particulièrement dans la sphère politique où tant d’affaires ont éclaté depuis 3 ans et où l’exemplarité des élu.es est nécessaire pour représenter les citoyen.es .
Mais non, nous en somme toujours à ce moment de l’histoire où une femme, première adjointe de sa ville est attaquée en diffamation pour « avoir simplement osé rappeler la nature possible des faits évoqués par d’autres dans une réunion d’adjoints convoquée à l’initiative du maire », après avoir alerté avec 3 de ses collègues adjointes le premier édile de la ville depuis plus d’un an.
« C’est en groupe qu’elles sont allées voir le maire, le 27 avril 2018. D’après leurs propos, elles rapportent alors à David Samzun le récit fait par leur camarade, expliquent que d’autres femmes auraient pu souffrir du comportement de l’adjoint – plusieurs alertes leur sont parvenues, disent-elles – et demandent que cette dernière soit protégée, ainsi qu’elles, en tant que lanceuses d’alerte. » (cf article de Lénaig Bredoux dans Médiapart le 3 juin)
En 2019, nous en sommes toujours à ce moment de l’histoire où une femme qui révèle les violences subies est présumée à priori coupable de mentir ou de complot malveillant, et ce au moins jusqu’à ce qu’elle porte plainte. Comme si rejoindre la cohorte des 10% de femmes portant plaintes – dont seulement 1 sur 10 verra son agresseur condamné – était la seule issue, la seule voix acceptable et utile : « Porte plainte ou ferme-la », la réputation d’un agresseur présumé compte toujours plus et inquiète toujours davantage certain.e.s que la sécurité physique, mentale, et le soutien à la victime présumée.
En 2019, nous en sommes toujours à ce moment de l’histoire où un dirigeant politique, responsable hiérarchique est capable de dire publiquement quand lui est signalé un cas potentiel de viol dans son équipe « Il y a un homme, une femme, tous deux ayant la qualité d’élu, qui ont eu des relations sexuelles. Je n’étais pas présent. … je ne soutiens personne » .
La Justice doit pouvoir faire sereinement son travail et nous sommes attachés à la présomption d’innocence mais continuer à se réfugier derrière le refrain « la justice n’a pas tranchée, je ne peux rien faire » n’est plus tenable.
« Chaque structure à une responsabilité vis à vis des personnes salariées ou des agents, cette responsabilité est indépendante des éventuelles décisions de justice concernant l’affaire. Il peut y avoir des personnes sanctionnées dans une entreprise ou une collectivité sans aucune plainte au pénal, ou parfois une plainte au pénal sans sanction de l’entreprise, parfois les deux. Une des procédures est définie par le code pénal, avec des règles notamment de prescriptions spécifiques. L’autre procédure – disciplinaire- est définie par le code du travail. Les deux ne sont pas corrélées. La responsabilité d’une structure est de garantir la santé et la sécurité des personnes qui la composent. Si une entreprise ou une collectivité a des informations pouvant laisser penser qu’il existe du harcèlement, une agression ou un viol en son sein, elle doit agir vite. Vite c’est 2 mois, réagir c’est lancer une enquête interne et indépendante qui permet de vérifier les faits. L’enquête doit permettre de qualifier les éventuelles violences, leurs fréquences et d’identifier s’il existe un risque pour les personnes du collectifs » explique Caroline De Haas.
En 2019 nous en sommes toujours là. Des élu.es femmes et hommes en responsabilité n’ont toujours pas compris que les violences sexuelles n’ont rien de privé, que c’est affaire de santé et de sécurité publique, de justice et d’égalité, que le fait même de « parler » met la victime (présumée) dans une situation de danger et de fragilité extrême, que renvoyer cette parole au seul espace judicaire équivaut souvent à une condamnation au silence, que la démarche du dépôt de plainte est laborieuse et que les violences sexuelles créent des mémoires traumatiques.
Nous tou.te.s, femmes et hommes politiques, dirigeant.e.s d’entreprises, journalistes, femmes et hommes engagés pour l’égalité, apportons notre soutien plein et entier à la première adjointe honteusement poursuivie en diffamation, à la victime (présumée) qui n’a jamais voulu ni décidé tout ça et dont la vie se retrouve(nt) mise en pièces pour avoir simplement parlé, et demandé de l’aide, et aux élues qui, pour avoir soutenu la victime présumée, se sont retrouvées ostracisées.
En 2019, on ne peut plus demander aux femmes de parler et en même temps tout faire pour qu’elles continuent à se taire.
En 2019, nous en sommes là, mais nous n’en resterons pas là.
Premiers signataires :
Isabelle Attard, ancienne députée du Calvados ; Eliane Assassi, députée, présidente du groupe CRC ; Clémentine Autain, députée de Seine St Denis ; Julien Bayou, conseiller régional d’Ile de France, Porte Parole d’EELV ; Esther Benbassa, sénatrice EELV de Paris. ; Hélène Bidard, adjointe PCF à l’égalité femmes hommes de Paris ; Pascale Boistard, ancienne secrétaire d’Etat aux droits des femmes ; Danielle Bousquet – ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale, ancienne présidente du Haut Conseil à l’égalité femmes hommes ; Marie-Arlette Carlotti, ancienne ministre, conseillère municipale de Marseille ; Luc Carvounas, député du Val de Marne ; Naïma Charaï, direction de Génération·s, conseillère régionale déléguée aux droits des femmes en Nouvelle Aquitaine, ; Marie Françoise Clergeau, ancienne députée de Loire-Atlantique ; Laurence Cohen, sénatrice ; Geneviève Couraud, ancienne présidente de l’Assemblée des femmes, ancienne présidente d’Elu.e.s contre les violences faites aux femmes ; Cécile Cukierman, sénatrice, porte parole du PCF ; Elen Debost, conseillère départementale et adjointe au maire du Mans ; Astrid De Villaines, autrice et journaliste ; Caroline De Haas, militante féministe ; Roberto Ferrucci, écrivain ; Jean-Marc Germain, ancien député des Hauts de Seine ; Sihem Habchi, ancienne présidente de NPNS ; Marietta Karamanli, députée de la Sarthe ; Annie Lahmer, conseillère régionale d’Île de France ; François Lamy, ancien ministre de la Ville ; Anais Leleux, militante féministe ; Gabrielle Lemieux, Présidente du Parti Québécois ; Michelle Meunier, sénatrice de Loire Atlantique ; Ségolène Neuville, ancienne ministre, première secrétaire du PS 66 ; Maud Olivier, ancienne députée de l’Essonne ; Audrey Pulvar, journaliste ; Sandra Regol, Porte Parole nationale d’EELV ; Raphaelle Rémy-Leleu, porte parole nationale d’Osez le féminisme ; Barbara Romagnan, ancienne députée du Doubs ; Yvette Roudy, ancienne (et première) ministre des droits des femmes ; Gabrielle Siry, porte parole du PS ; Isabelle This Saint Jean, universitaire, secrétaire nationale du PS aux études ; Benjamin Baudry conseiller municipal de Saint-Sébastien-sur-Loire (44) ; Frédéric Béatse, ancien Maire d’Angers (49) Conseiller régional des Pays de la Loire ; Florence Beuvelet, Conseillère municipale LR de Saint-Nazaire Conseillère régionale des Pays de la Loire ; Olivier Biencourt, conseiller régional, vice président du Mans Métropole (72) ; Anne Boyé, secrétaire de section PS de La Baule ; Sophie Bringuy, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Silvia Camara-Tombini, conseillère municipale et communautaire d’Angers ; Jean-Claude Charrier, conseiller régional des Pays de la Loire ; Delphine Coat-Prou, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Anaig Cottonec, vice présidente du Conseil Départemental de Loire Atlantique ; Christophe Douge, conseiller régional des Pays de la Loire ; Frédéric Engelmann ancien candidat PS-Place Publique aux Européennes (44) ; Lucie Etonno, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Jean-Philippe Grand, Conseiller régional Centre- Val de Loire et conseiller municipal d’Orléans ; Maï Haeffelin, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Stéphane Ibarra, Conseiller régional des Pays de la Loire et conseiller départemental de Vendée. ; Romain Laveau, porte-parole EELV 49 ; Gilles Leproust, maire d’Allonnes (72) ; Jean-Pierre Le Scornet, conseiller régional des Pays de la Loire ; Viviane Lopez, conseillère régionale Pays de la Loire ; Violaine Lucas, conseillère régionale Pays de la Loire, ancienne adjointe au maire de Saint-Nazaire, candidate PS-PP aux européennes ; Véronique Mahé, secrétaire départementale PCF 44 ; Carine Ménage, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Franck Nicolon, conseiller régional des Pays de la Loire ; Franck Noury, conseiller municipal de Nantes ; Anouk Paolozzi Dabo, adjointe (Agir) au maire de Guérande (44) chargée de la famille, l’enfance et l’éducation ; Anne Pedron référente Place publique 44. ; Maxime Picard, Conseiller régional de Bretagne, 1er secrétaire fédéral du PS Morbihan, Conseiller municipal de Questembert. ; Frédéric Pilorge, secrétaire de section PS de Savenay ; Corinne Praud, Ancienne conseillère municipale de Saint-Nazaire ; Delphine Rabu, secrétaire de Section PS de Nantes Est ; Robin Salecroix, conseiller municipal de Nantes ; Aymeric Saysseau, secrétaire départemental du PCF 44 ; Ina Sy, conseillère régionale des Pays de la Loire ; Eric Thouzeau Conseiller régional GDS des Pays de la Loire ; Catherine Touchefeu, vice-présidente du conseil départemental 44 ; Comité départemental femmes solidaires 44 ; Roderic Aarse, adjoint à la mairie de Malakoff, Conseiller Territorial de Paris ; Jules Aimé, Adjoint au maire de Poitiers (86) ; Laurent Audouin (conseiller d’arrondissement, Paris 5e et universitaire) ; Dylan Boutiflat Membre du BN du PS et 1er secrétaire fédéral adjoint du PS Paris ; Lucie Briatte, Adjointe au maire du 3è arrondissement de Lyon ; Sophie Bussière, avocate ; Stéphanie Caradec, militante féministe ; Marion Charpenel, Maitresse de conférences, Université de Rouen ; Olivier Clément-Bollée, 1er Adjoint au Maire de Hèches (65) ; Maria Cornaz Bassoli, avocate et présidente de Yeswomen.eu ; Amandine Crampes, responsable roller derby à la FFRS ; Jeremie Crepel, conseiller municipal délégué à la santé, ville de Lille ; Clemence Dauphin, ancienne conseillère régionale Centre ; Michaël Delafosse, conseiller départemental et municipal de Montpellier (34) ; Alex Deval Co-responsable commission LGBT EELV ; Ninuwé Descamps, conseillère municipale de Pourrieres ; Yasmine El Jai secrétaire fédérale à l’égalité Femmes-hommes (PS Paris) ; Paul Farault, étudiant engagé pour la jeunesse, le climat et les LGBT+ ; Yseline Fourtic, Assemblée des femmes ; Camille Froideveaux-Metterie, professeure de sciences politiques et chargée de mission égalité diversité à l’université de Reims ; Jean-Sébastien Herpin Co-responsable commission LGBT EELV ; Nicolas Hervé, chercheur (Paris) ; Elodie Jaunneau, Membre du BN et du CN du PS ; Vanessa Jerome, chercheuse associé au CESSP- Université Paris 1 ; Jules Joassard, Conseiller Municipal de de Sérézin-du-Rhône (69) ; Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes ; Claudie Launoy Adjointe au maire de Cherbourg (50) ; David Marais, responsable de la commission handicap d’EELV ; Lunise Marquis, Maire adjointe de Paris 12ème ; Sandrine Martin présidente du groupe de gauche au conseil départemental 86 ; Elodie Massé, adjointe au maire de Choisy le Roi (94) ; Guillaume Mathelier, Maire d’Ambilly (74) ; Frédérique Matonti professeur de sciences politiques, université Paris 1 ; Marine Mazel, militant féministe ; David Mbanza (membre du Conseil Fédéral d’ EELV) ; Frédéric Orain, premier secrétaire fédéral du PS 41 ; Lauriane Picaud, citoyenne ; Jérôme Quéré militant associatif ; Maryse Oudjaoudi militante EELV iséroise ; Rosalie Salaün, commission féminisme EELV ; Pierre Serne, conseiller régional d’Île de France ; Charlotte Soulary, responsable de la commission féminisme EELV ; Marine Tondelier, Conseillère municipale d’opposition à Hénin-Beaumont (59) ; Mathilde Teissier, militante écoféministe