Je publie ici un article que j’ai écrit pour la rubrique « écologie » du numéro de janvier de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS) .
Notre pays connaît avec les gilets jaunes un mouvement social qui fera date, comme la grève générale de Mai 68 ou les grèves de 1995.Ce mouvement n’est pas l’expression d’un refus de l’impôt, il est surtout celle d’une soif de justice fiscale et d’une autre répartition des richesses. Il n’est pas non plus opposé à la transition écologique. Aucun gilet jaune n’a remis en cause son bien-fondé, mais il pose avec justesse la question : qui doit, qui peut la payer ? « Dans un monde aux ressources limitées, l’absurdité d’une accumulation sans fin au bénéfice de quelques-uns gagne encore en acuité quand on redoute les fins de mois » (1). Rappelons aussi l’hypocrisie gouvernementale puisque la hausse de la taxe carbone sur les carburants devait notamment compenser en partie des exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs, et non la transition énergétique. «L’imposture écologique de Macron » (2) est aujourd’hui avérée.
Une COP pour rien ?
Le gouvernement français a d’ailleurs été peu présent à la COP 24 réunie en décembre à Katowice (Pologne). Cette COP24 a vu les états pétroliers (l’Arabie saoudite, le Koweït, la Russie et les Etats-Unis) tenter d’édulcorer une référence à la nécessaire limitation du réchauffement à 1,5 °C. La COP 24 a certes abouti à l’adoption d’un manuel pour mesurer la tenue par chaque pays de ses engagements volontaires en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Mais ces engagements ne sont pas encore à la hauteur de l’enjeu. Sans un virage plus rapide, la hausse de la température du globe dépassera les 3 °C d’ici la fin du siècle. Quant au fond vert pour le climat qui vise à aider les pays du Sud il est encore loin d’avoir atteint l’objectif de 100 milliards de dollars par an.
Le succès inédit d’une pétition
Depuis 2016, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, « si bien que la France a dépassé les plafonds annuels fixés par décret en 2015 …et qu’elle s’apprête à les relever » (3). Soutenu par près de 1,8 million de signataires d’une pétition en ligne intitulée « L’Affaire du siècle », un recours pour « carence fautive » de l’Etat a été déposé par Oxfam France, Greenpeace France, Notre affaire à tous et la Fondation pour la nature et l’homme. « Il s’agit de souligner que la France ne remplit pas ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, inscrits et chiffrés dans différents textes européens transcrits dans la loi française » (4) : à l’horizon 2020, la réduction globale de 14 % des émissions de gaz à effet de serre, la baisse de la consommation globale d’énergie de 20 % et l’augmentation à 23 % de la part des énergies renouvelables dans la production française. Le gouvernement a deux mois pour répondre avant l’examen du recours par un juge administratif. Aux Pays-Bas, par une telle action le gouvernement a été condamné deux fois à rehausser ses objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre.
La convergence des luttes sociales et écologiques
Le très docile ministre de la transition écologique De Rugy a beau répondre que « ce n’est pas à des juges de forcer le gouvernement à prendre une loi, ce n’est pas le sens de nos institutions. », il n’empêche : la pression citoyenne est aujourd’hui croissante et inquiétante pour Macron. Au plus fort des manifestations des gilets jaunes en novembre-décembre, Macron n’a pas cédé sur l’essentiel : sa politique en faveur des fortunés et des grandes entreprises. Or une transition écologique et sociale est impossible sans libérer l’Etat de la pression et de l’emprise des grands groupes capitalistes. Ce que craint donc le plus le pouvoir c’est la convergence entre luttes sociales et écologistes. Cette convergence est pourtant en cours, elle a commencé le 8 décembre dernier quand, dans de nombreuses villes de France, des milliers de manifestants « pour le climat » ont rejoint les cortèges de gilets jaunes. Il nous faut l’approfondir pour mettre Macron en échec et imposer une autre répartition des richesses soucieuse de justice sociale et environnementale.
(1)La justice sociale clé de la transition écologique Philippe Descamps Le Monde diplomatique (janvier 2019) .
(2) Macron ou l’imposture écologique Jean-Jacques Chavigné Démocratie&Socialisme décembre 2018 http://www.gds-ds.org/macron-ou-limposture-ecologique/
(3) https://www.alternatives-economiques.fr/un-proces-climatique-france-laffaire-siecle/00087487