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L’actualité de Jaurès

Écrit le 11 juin 2014 par Éric Thouzeau

jean-jaures« Jaurès et nous », tel est le titre de la conférence-débat que Alain Croix, Yannick Guin et moi-même organisons jeudi 12 juin, à 18h, salle Vasse à Nantes. Avec Patrick Apel-Muler, directeur de la rédaction de l’Humanité, et les deux historiens spécialistes de Jaurès que sont Gilles Candar et Rémy Pech, nous traiterons notamment des rapports de Jaurès au journalisme engagé, à la Paix et à l’unité de la gauche. Dimanche dernier à la fête du PCF 44, il a également été question de Jaurès. Invité à prendre la parole dans un des débats organisés à cette occasion, je reproduis ci-dessous la partie des propos que j’y ai tenus concernant l’actualité de Jaurès. 

 A l’occasion du centième anniversaire de la Première Guerre Mondiale,  il est utile de rappeler le combat de Jean Jaurès qui a tout fait pour empêcher cette guerre, au prix même de sa vie. Mais il ne s’agit pas de commémorer pour commémorer, de faire de l’Histoire pour faire de l’Histoire, mais d’apprendre du passé pour mener les combats d’aujourd’hui.

Bien sûr, Jaurès est un homme de son temps. Un homme pleinement engagé dans son époque, tout à la fois journaliste, orateur, député, philosophe, historien… Un homme qui, à 40 ans, disait que ce que la vie lui a révélé, « c’est la nécessité du combat ». Cette nécessité du combat s’est portée toute entière chez Jaurès vers l’idée socialiste. Avec Jaurès, le socialisme ne se sépare plus de la République : « sans la République, le socialisme est impuissant et sans le socialisme la république est vide ». Comme tous les dirigeants socialistes de l’époque, Jaurès aspirait à l’instauration de la  « République sociale ».  Touts sa vie, Jaurès a porté une attention permanente à la question sociale, ce qui l’amène à s’engager dans de très nombreuses luttes ouvrières, paysannes, syndicales et intellectuelles. Très tôt également, Jaurès s’engage dans un projet d’unification des socialistes en France et de construction réelle de l’Internationale.

Avec sa volonté d’émancipation généralisée de tous les êtres humains, Jaurès a apporté au socialisme le sens concret de la réalité humaine. Homme d’idéal, il veut comprendre le réel. Et en même temps, il refuse l’action sans la pensée. Il fait du socialisme une doctrine et une pratique de liberté.

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L’œuvre de Jaurès est-elle finalement si datée ? Ou au contraire profondément contemporaine ? Ecoutons Jaurès : « On aura beau multiplier les degrés qui peuvent rapprocher la classe bourgeoise de la classe prolétarienne, il n’en reste pas moins deux classes distinctes, spécifiquement antagonistes, parce que l’une a son axe dans la propriété et l’autre a son axe dans l’absence de propriété ». Est-ce vraiment dépassé ? Pour ma part, je ne le pense pas. Le débat sur les inégalités de revenus, de patrimoine, et l’accaparement par une infime minorité de la plus grande partie des richesses créées, est au cœur du débat politique actuel.

Bien sûr, Jaurès ne pouvait pas s’imaginer que des dictatures surgissent au 20ème siècle en se parant du beau nom de socialiste. De même,  Jaurès pour qui  « le Parti Socialiste est tout à la fois réforme et révolution » ne pouvait pas penser non plus que la révolution à laquelle il travaillait disparaisse dans l’accommodement avec la société capitaliste. Cela invalide-t-il la portée universelle de son message ? Certainement pas.

Dans le film de Robert Guediguian, Les neiges du Kilimandjaro, Jean-Pierre Darroussin cite Jaurès : « Le courage c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». Alors que l’extrême-droite porteuse de haine et d’exclusion semble renaître dans une grande partie du continent européen, dont la France, ne devons-nous pas faire preuve de ce  courage dont Jaurès parle ?

En ce début de 21ème siècle, toutes les composantes de la gauche française se reconnaissent dans la figure de Jaurès. Alors que cette même gauche semble pour le moins à court de perspectives, n’y a-t-il pas à apprendre du combat de Jaurès pour l’unification du mouvement socialiste, et de la méthode qu’il a employée pour y parvenir en défendant une unité respectueuse « faite de la dignité antérieure de chacun de nous » ? Se rassembler en respectant ses différences, la gauche rose-rouge-verte en sera-t-elle capable aujourd’hui ?


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