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Lutter contre les menaces sur la biodiversité

Écrit le 19 octobre 2018 par Éric Thouzeau

 


Je suis intervenu en session du Conseil régional des Pays de la Loire à propos de la stratégie régionale de la  biodiversité. Développement durable, économie circulaire sont de belles expressions, mais malheureusement elles sont de plus en plus galvaudées, et deviennent des termes « passe-partout » sans impliquer de révolutionner les pratiques industrielles et agricoles, sans entraîner un véritable changement de modèle économique. Ci-dessous mon intervention en séance.

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 appelle des déclinaisons régionales. C’est à cet exercice que la Région s’est attelée en consultant tous les acteurs de la biodiversité en Pays de la Loire, et c’est très bien. Sans doute le temps qui y a été consacré était-il toutefois trop contraint, ce qui a amené certains participants à estimer que la démarche consistait davantage en une consultation qu’une véritable concertation, et qu’en conséquence certaines thématiques traitées n’ont été que survolées. Quant à nous, nous ne regrettons qu’une chose : n’avoir à aucun moment été consulté, ni même informé en commission sectorielle du travail préparatoire à cette stratégie régionale biodiversité.

Nous aurions pourtant eu des propositions à faire en nous appuyant sur l’expérience acquise par exemple à partir du plan biodiversité régional 2014-2016 que nous avions mis en œuvre, en nous appuyant sur des chefs de file biodiversité que nous rencontrions régulièrement. Nous avions aussi une ambition à porter puisque la perte de biodiversité est avec le changement climatique la deuxième menace majeure pour notre environnement.

Le document qui nous est présenté traite de très nombreux sujets, et c’est bien normal, les questions relatives à la biodiversité couvrent un vaste domaine. S’il a été approuvé par le comité régional de la biodiversité de juin 2018, c’est qu’il a été réalisé de façon à ne retenir que des éléments partagés par une grande majorité d’acteurs. C’est une bonne chose. Mais… il nous semble qu’il y manque un certain nombre d’éléments qui auraient été la preuve que la Région redoublait d’ambition en matière de biodiversité. Ce n’est malheureusement pas le cas. Et nous ne reviendrons pas ici sur l’incapacité de la Région à inclure le centre Beautour dans sa stratégie régionale.

Biodiversité remarquable et biodiversité ordinaire

On peut par exemple penser que l’évaluation des actions de cette stratégie régionale ne sera pas aisée, les indicateurs de suivi sont très peu quantitatifs. Un exemple : les réserves naturelles régionales (RNR) qui sont au nombre de 20, et dont on va fêter les dix ans en 2019. Il n’y a pas eu de création de RNR depuis le début de ce mandat, et la stratégie régionale biodiversité ne fixe aucun objectif de nouvelle création. N’y a-t-il plus de zones à la biodiversité exceptionnelle à protéger en Pays de la Loire ? Pour les parcs naturels (PNR), la majorité régionale enterre-t-elle définitivement l’étude que nous avions faite en vue de créer un parc naturel régional sur l’estuaire de la Loire, le 5ème parc de la Région ? Nous ne le savons toujours pas. Pourtant il y a quelques mois, le ministère de la Transition écologique a parlé à nouveau de réserve naturelle nationale sur cet espace à la biodiversité remarquable qu’est l’estuaire de la Loire (auquel on peut rattacher le lac de Grand-Lieu). L’Assemblée générale de la fédération des chasseurs de Loire-Atlantique a, quant à elle, ressorti l’idée d’une réserve naturelle régionale de l’estuaire. Quelle est la position de la Région ? Nous ne le savons toujours pas, et il n’y a rien à ce propos dans la stratégie régionale biodiversité.

Je viens de parler de la biodiversité remarquable, mais il y aussi ce qu’on appelle la biodiversité ordinaire, celle d’ailleurs qui décline le plus depuis une vingtaine d’années. La sixième extinction de la biodiversité que notre planète connaît actuellement est selon les scientifiques massive, rapide et incontestablement provoquée par certaines activités humaines, et donc un certain modèle économique. 70% du territoire de notre Région est constitué de terres agricoles. Les Pays de la Loire sont une région extrêmement humanisée avec une pression évidente des activités agricoles. Est-ce que cette question est traitée dans la stratégie régionale biodiversité ? Non. Pourtant, pour ne prendre que cet aspect, plus de 10 000 tonnes de pesticides sont vendues en France tous les ans, et la consommation ne baisse pas, elle augmente contrairement à tous les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement. Ce qui vient de  se passer dans le Maine et Loire, à savoir l’intoxication  de 61 personnes par du meta-sodium, pesticide extrêmement dangereux utilisé dans le maraîchage, est une terrible illustration de mon propos. L’impact de certaines pratiques sur la biodiversité, sur la qualité des eaux et sur la santé des riverains est patent. La Région n’est jamais  à l’offensive sur cette question. Pourquoi ? Nous attirons aussi votre attention sur le fait que 50% des paysans de la Région partiront à la retraite dans les 10 ans qui viennent. C’est une occasion à ne pas rater pour favoriser l’installation de jeunes paysans, formés à de nouvelles pratiques, conscients que la biodiversité est un atout et non une contrainte.

Il faut donc fixer des objectifs quantifiables et véritablement incitatifs. Dans les contrats de territoires passés entre la Région et les EPCI, il y a obligation d’un pourcentage du montant du contrat fléché en direction de la transition énergétique.  Pourquoi ne pas imaginer une part d’actions en faveur de la biodiversité dans chaque contrat régional de territoire ?

Manque d’inventivité

Voilà quelques exemples qui selon nous démontrent que la stratégie régionale biodiversité que vous nous soumettez aujourd’hui s’apparente à la copie d’un élève studieux et appliqué, mais qui ne sait pas faire preuve d’inventivité. Il ne suffit pas de compiler l’ensemble des domaines relevant de la biodiversité en lien avec l’action des différents acteurs (il fallait le faire), il aurait aussi fallu insuffler un souffle nouveau à la hauteur des défis que la dégradation de la biodiversité impose.

Deux dernières remarques : l’une sur le tourisme, l’autre sur le concept « éviter, réduire et compenser ». La question du tourisme vert est intégrée, et c’est une bonne chose, dans la stratégie régionale biodiversité. Nous insistons pour que cela soit bien compris comme une occasion de développer une activité en dehors des seuls sites prestigieux déjà extrêmement fréquentés. Un tourisme local, rural et solidaire peut se développer. Il existe une demande en ce sens, pour aller à la rencontre des paysans et goûter leurs produits. La prise en compte de l’environnement doit être intégrée le plus tôt possible dans la conception d’un projet afin qu’il soit le moins impactant possible pour les milieux naturels. Attention à ne pas trop vite passer au C de compenser, il faut d’abord « éviter » ! Il ne faudrait pas que le message envoyé, notamment aux entreprises, soit compris comme un message laxiste « venez en Pays de la Loire, nous avons des réserves pour compenser votre impact environnemental ».

Suite logique à notre intervention, nous nous abstiendrons sur ce rapport biodiversité. Nous avons certes bien noté que l’enveloppe financière prévue reste identique à celle des années passées (ce qui d’ailleurs ne démontre pas une priorité accrue à la biodiversité). Néanmoins, avec une enveloppe similaire, il est possible de financer des choses très différentes en orientant l’affectation des subventions  vers tel ou tel organisme, telle ou telle action. Nous serons vigilants sur ce point également.

Un GIEC et une COP en Région

Pour conclure, vous n’indiquez pas si vous êtes ou non partisans de la création d’une Agence régionale de la biodiversité (ARB). Pour nous l’essentiel c’est de poursuivre, avec ou sans ARB, la mise en réseau des acteurs de la biodiversité pour dynamiser les coopérations sur ces sujets. Dans cette lignée et avec la volonté d’amplifier la mobilisation sociale sur les questions liées à la transition écologique, à la lutte contre le dérèglement climatique, nous proposons de nous inspirer de ce qu’a décidé la Région Bretagne, à savoir une COP régionale. Nous demandions la constitution d’un GIEC régional depuis le début de ce mandat, vous venez enfin d’annoncer (en commission sectorielle) que vous repreniez cette proposition à votre compte. Nous devons pouvoir nous appuyer sur le travail d’un groupe d’experts sur les conséquences prévisibles du dérèglement climatique en Pays de la Loire afin de travailler sur les moyens à mettre en œuvre pour le combattre ou du moins en atténuer les conséquences. Un GIEC régional, c’est bien et sans plus tarder. Mais il faut aussi mobiliser largement, et l’idée d’une COP régionale entend répondre à cela. Le succès des manifestations pour le climat montre que nombre de nos concitoyens y sont prêts. Une COP régionale, basée sur la méthode de la COP 21, c’est-à-dire avec une large consultation via des ateliers citoyens et site internet, afin de définir des objectifs destins à accélérer la transition durable des Pays de la Loire. Ce serait un bon moyen pour construire un Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ambitieux et véritablement en lien avec les aspirations de nos concitoyens.


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