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Macron a fragilisé la SNCF et affaibli les syndicats

Écrit le 23 décembre 2022 par Éric Thouzeau

Ce n’est pas la première fois que des cheminots font grève en période de fêtes. A chaque fois, la droite et une certaine presse aux ordres hurlent et en appellent à une limitation encore plus drastique du droit de grève dans les services publics. Ce qui a marqué le conflit des contrôleurs, c’est le fait qu’il ait été initialement impulsé en dehors des organisations syndicales. Il est vrai que Macron a mené une politique volontariste d’affaiblissement des syndicats.

A l’ère du numérique, il n’est pas étonnant que des salariés, en l’occurrence cette fois-ci les contrôleurs, utilisent les réseaux sociaux pour échanger et revendiquer. D’autant que depuis de très nombreuses années, les différents gouvernements ont ignoré les revendications interprofessionnelles des syndicats de salariés. Cette situation entraîne un recul de la confiance chez un certain nombre de salariés dans la capacité des syndicats à obtenir des avancées. D’où une tentation plus grande de se battre sur des revendications catégorielles vécues comme plus accessibles que celles qui sont plus globales.

La Loi Travail pour affaiblir les syndicats

Les ordonnances Macron (Loi Travail) visaient à affaiblir les organisations syndicales de salariés. L’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a créé le comité social et économique dans toutes les entreprises ayant au moins 11 salariés en fusionnant les précédentes missions confiées aux délégués du personnel, comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail. Depuis cette date, tous les chiffres indiquent une baisse de la présence syndicale dans les entreprises (1). C’était le but recherché depuis longtemps par le Medef. Macron l’a mis en œuvre.

A la SNCF cette politique anti-syndicale a entraîné une baisse d’environ 70% du nombre de délégué en fusionnant les anciens comités d’entreprise (CE) et comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en un comité social et économique (CSE) (2). Au passage, la Direction SNCF a imposé de passer de CE par territoires à des CSE par activités, 33 CSE ont donc été mis en place unilatéralement, selon une logique de découpage par activités et secondairement par territoire. Cela entraîne un cloisonnement plus grand des services, et un éclatement voulu pour favoriser l’arrivée de la concurrence sur tout le transport des voyageurs (le fret est déjà ouvert à la concurrence…ce qui n’a nullement entrainé une amélioration, bien au contraire).

Un service public ferroviaire toujours plus fragilisé et éclaté

Les territoires sur lesquels les nouveaux délégués ont maintenant à intervenir sont immenses. Tout cela « conduit à un constat partagé : celui d’une proximité sacrifiée. Plusieurs acteurs ont ainsi fait le lien entre ce constat et deux épisodes conflictuels « hors de contrôle des syndicats » qui ont eu lieu à l’automne 2019, et évoquent un risque de « gilet-jaunisation » de la conflictualité à la SNCF » selon un article de la revue Droit social (3).

La SNCF connaît des restructurations permanentes, avec des effectifs qui ont été divisés par trois en 70 ans et par deux depuis 1980. Quant à la a réforme de 2018, elle a divisé la SNCF  en 5 sociétés : SNCF (la société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares & Connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs. Pour Stéphane Sirot, historien du syndicalisme, cette mobilisation catégorielle des contrôleurs résulte du démantèlement de la SNCF…La SNCF n’existe plus vraiment, c’est aujourd’hui une somme d’entreprises saucissonnées. L’une s’occupe de la vente, l’autre des droits de passage et d’autres font circuler les trains et gèrent le réseau ferré… À l’avenir, nous allons assister à une fragmentation des mécontentements ».

Les organisations syndicales à la SNCF ne sont pas pour autant moribondes. Elles ont dû faire preuve d’une capacité d’écoute de « la base » même quand celle-ci exprime une défiance vis-à-vis d’elles. Elles ont une tache indispensable mais toujours difficile : fédérer la famille cheminote tout en considérant les spécificités de chaque métier.

  1. https://www.clesdusocial.com/moins-de-presence-syndicale-dans-les-entreprises-depuis-2017
  2. Le Monde 24 décembre 2022
  3.  Jérôme Pélisse, Elsa Peskine. Proximité et nouvelles règles de représentation du personnel à la SNCF : chronique d’un bouleversement. Droit Social, 2022, 03, pp.232-238. halshs-03640282   https://shs.hal.science/halshs-03640282/document
  4. SNCF « Vers une fragmentation des mécontentements » Stéphane Sirot, historien du syndicalisme, in L’Humanité du 23 décembre 2022

Un commentaire »

  1. Bernier dit :

    Tu as raison Éric. Plus de visibilité des délégués syndicaux. Il y avait 20 délégues par établissement de 400 à 700 en gros 6 exécutions + 4 maitrises. titulaires et suppléants.
    A force d’ignorer et de snober les organisations syndicales le gouvernement fragilise le dialogue social. Et puis, j’en connais qui préfèrent passer noël en famille puisque les effectifs sont restreints et que les congés ne peuvent pas être acceptés….
    Bon Noel et bonnes fêtes de fin d’année. On est appelé à se revoir bientôt….

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