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Nantes-Atlantique : contribution GDS44

Écrit le 6 août 2019 par Éric Thouzeau

Dans le cadre du débat sur le réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique, la Gauche démocratique et sociale de Loire-Atlantique a déposé un « cahier d’acteur » sur le site du débat public. Je reproduis ci-dessous cette contribution de GDS44. 

En janvier 2018, le gouvernement, par la voix d’Edouard Philippe, a décidé de renoncer à la construction d’un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) qui aurait pu permettre une reconfiguration de l’emprise de l’aéroport actuel dit Nantes Atlantique situé au sein même de la métropole, l’aéroport étant transféré sur le site de NDDL (communauté de communes Erdre et Gesvres).

S’est donc ouverte une nouvelle période pour l’aéroport de Nantes Atlantique et pour les territoires impactés par son activité. L’État, propriétaire de l’aéroport, s’est engagé à le réaménager et a défini un projet allant en ce sens, élaboré par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC). Cette dernière a décidé de soumettre ce projet à concertation préalable (plutôt que d’organiser un débat public). Le texte que nous publions aujourd’hui est notre contribution à cette concertation.

Pour nous, le réaménagement de l’aéroport de Nantes Atlantique doit d’abord et avant tout être guidé par le souci de la protection des populations voisines de l’aéroport au nom de ce que nous appelons une écologie populaire. Il est vrai que ce souci entrera selon nous de plus en plus en tension avec le développement si le trafic aérien continue à augmenter de façon important.

1. Pour une protection exemplaire des populations et de l’environnement à Nantes Atlantique

Globalement, le poids du transport aérien dans la production globale de CO², le principal gaz à effet de serre, est marginal : moins de 3 % à l’échelle mondiale, la part de la France dans ce total étant de 3,3 %. Pour autant, pour les populations nombreuses qui vivent à proximité d’un aéroport, comme c’est le cas pour Nantes Atlantique, les survols dans les phases de décollage et d’atterrissage génèrent des nuisances fortes liées aux particules et au bruit.

C’est pourquoi le projet de réaménagement de l’aéroport doit avoir comme première priorité la diminution de ces nuisances. Cela suppose, au niveau des options d’exploitation, d’imposer des contraintes aux survols, en particulier aux vols de nuit. Nous proposons que soient interdits les vols entre 23 heures et 6 heures du matin ainsi que la mise en place de fortes restrictions sur les créneaux 22 heures/23 heures et 6 heures/7 heures du matin.

Cela suppose également que les solutions technologiques les plus exigeantes soient avancées. La conception de la plate-forme aéroportuaire, les modes d’exploitation, les appareils, les carburants doivent être exemplaires de ce point de vue. Ainsi Nantes Atlantique devra accueillir les avions les moins bruyants et les moins polluants. La mise en place d’un ILS (système d’atterrissage aux instruments) pour guider les avions à l’atterrissage nous semble une nécessité pour des raisons de sécurité.

Concernant plus précisément  la plate-forme, les aménagements qui sont les plus favorables à la protection des populations et de l’environnement sont pour nous ceux qui consistent à rallonger la piste actuelle de 400 mètres (pas de piste en « V », ni de piste supplémentaire transversale), la modernisation de l’aérogare existante (pas de création d’une aérogare à l’ouest), le maintien d’un terminal unique (pas de terminaux à niveaux de services différenciés de manière à ne pas encourager l’installation de compagnie low cost) qui doit juste faire l’objet d’aménagements limités (mise aux normes). L’allongement de la piste de 400 mètres permet une réduction importante des nuisances sonores (4700 personnes de moins exposées à plus de 55 décibels) pour une atteinte très faible aux terres agricoles qui ne remet pas en cause les continuités écologiques. La piste en « V » se traduit par une moindre réduction des nuisances sonores et des atteintes plus considérables aux terres agricoles et aux zones humides ainsi qu’à la biodiversité. Ces atteintes sont renforcées dans l’hypothèse d’une piste transversale qui au demeurant coûte beaucoup plus chère même si la réduction des nuisances sonores pour les populations est importante.

Concernant l’accès à l’aéroport, nous sommes favorables à ce qu’un transport structurant (type tram-train) relie le cœur de la Métropole à l’aéroport tout en renforçant la desserte de l’ensemble de la zone urbaine à proximité de l’aéroport et en permettant la relativisation de l’automobile. Des dessertes différenciées pour le Nord et le Sud de la Loire sont à privilégier.

2. Pour un aéroport international pour le Grand Ouest

Pour lutter contre le réchauffement climatique et la pollution, il est nécessaire de limiter les modes aérien et routier de transport et de privilégier le chemin de fer. C’est pourquoi nous sommes pour que l’État, et l’Union Européenne, développent et privilégient le ferroviaire sur les grandes comme les petites lignes, en France comme en Europe, pour en faire une alternative crédible par rapport à l’avion et surtout à l’automobile pour ce qui concerne le transport des personnes comme des marchandises. Il faut commencer par en finir avec l’exonération des taxes sur le kérosène, ce que le gouvernement se refuse à faire. On peut penser aussi à interdire des liaisons aériennes lorsqu’une alternative ferroviaire rapide existe.

Pour autant, nous ne pensons pas que le transport aérien va se stabiliser, encore moins reculer, en valeur absolue dans les deux décennies qui viennent. Le mouvement de refus de l’avion reste marginal, même en Suède, même s’il a l’intérêt de faire réfléchir les acteurs du transport aérien en termes de transition écologique. Depuis 70 ans, les spécialistes constatent à la fois que l’aérien est un mode de transport fragile car très sensible à la conjoncture (fluctuations du prix du carburant, de l’activité touristique, menaces terroristes) mais qu’il est en progrès régulier. Par exemple, au niveau mondial, le nombre de passagers a retrouvé dès 2011 son niveau de 2007. Or, les années 2008-2009 ont été des années d’une crise de l’économie capitaliste telle qu’on n’en avait plus vu depuis les années 30. Certes, le développement du transport aérien s’explique en partie par les réformes néo-libérales (retrait des États) qui l’ont touché depuis les années 80 et dont le développement des compagnies low cost est la principale conséquence, mais sa croissance renvoie aussi à l’augmentation du pouvoir d’achat dans les pays développés et émergents. Ces derniers ont vu l’apparition et le développement de couches moyennes, y compris jeunes, qui, à l’instar de leurs consœurs américaine, japonaise et européenne, veulent découvrir le reste du monde. Nous pensons que ce besoin de découvrir, de voyager est positif et trouvons juste que de plus en plus d’habitants de cette planète aient la capacité de satisfaire ce besoin. Nous ne sommes pas nostalgiques d’un transport aérien réservé au 1 % des « heureux du monde ». Nous pensons qu’empêcher la satisfaction de ce besoin est réactionnaire… et, surtout, impossible.

Le développement ces quinze dernières années de l’aéroport de Nantes Atlantique renvoie à cette tendance de fond, que refusent celles et ceux qui militent pour le tassement du trafic aérien dans les décennies qui viennent. Nous estimons ce combat juste mais vain. Entre 2000 et 2017, le trafic passager à Nantes a augmenté de 89 %, la quatrième plus forte progression après Beauvais, Mulhouse et Bordeaux. Nantes Atlantique est la seule plate-forme aéroportuaire qui permet aux habitants d’un grand tiers nord-ouest de la France d’être relié directement à un grand nombre de villes européennes. Son développement correspond à celui plus général de tout l’Ouest depuis les années 1990. On peut ajouter qu’à l’avenir le réchauffement climatique « risque » de renforcer le potentiel touristique du grand Ouest.

Cet acquis doit d’abord être préservé. Il ne nous paraît pas judicieux de vouloir affaiblir Nantes Atlantique en soutenant que les habitants de nos régions n’ont qu’à aller à Roissy s’ils veulent découvrir le monde. Outre que c’est là une vision archaïque de l’aménagement du territoire (centralité de la région parisienne), c’est vouloir une vie impossible pour les millions d’habitants de la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, qui n’en peuvent déjà plus du mastodonte qu’est devenu Roissy-CDG, deuxième hub européen.

Il n’est pas non plus raisonnable à notre avis de vouloir limiter le développement de Nantes Atlantique à un point tel que les compagnies low cost quitteraient la place nantaise pour aller s’établir à Angers, Rennes ou Brest c’est-à-dire de grandes villes. Cette proposition, outre qu’elle peut paraître méprisante, relève de la logique du NIMBY : le bruit, la pollution, les rejets de GES ce sera bien chez les autres mais pas chez moi ! Curieuse conception de l’écologie.

Pour autant, nous sommes conscients que le projet de réaménagement de Nantes Atlantique que nous défendons n’est pas optimum du point de vue du développement économique dans un cadre capitaliste pur. Répétons que ce qui nous a guidés c’est prioritairement le souci de protection des populations qui habitent à proximité de l’aéroport par rapport aux nuisances développées par le transport aérien dans une conception humaniste de l’écologie. Il a l’avantage pour le futur concessionnaire d’être relativement peu coûteux.  Mais l’interdiction des vols la nuit, la modernisation nécessaire des appareils sont autant de limites posées à la valorisation capitaliste de l’aéroport. C’est pourquoi notre projet de réaménagement pose la question de la nature du pilotage du développement de Nantes Atlantique comme aéroport international pour le Grand Ouest.

3. Quelle gouvernance pour Nantes-Atlantique ?

Parce que le devenir du transport aérien est relativement incertain, toute projection supérieure à 10 ans est difficile.

Cette incertitude, liée aux enjeux du réaménagement de l’aéroport (enjeux de protection des populations et de l’environnement, enjeux autour du développement de la métropole nantaise, enjeux climatiques, enjeux technologiques), implique une présence majeure des acteurs du territoire, à commencer par les acteurs publics locaux qui doivent pouvoir déterminer, avec l’État, la gouvernance stratégique de l’aéroport incluant un pouvoir de décision.

Le développement du transport aérien ne peut être laissé aux mains d’acteurs privés, ni même à celles de l’État central vu les enjeux de développement local et régional que porte l’aéroport. Une discussion doit s’engager sur les conditions de la participation des acteurs locaux à la gouvernance stratégique de l’aéroport de Nantes-Atlantique, y compris au regard de la faible capacité décisionnelle de l’État dans l’affaire du transfert à NDDL.

Cette gouvernance stratégique devra au surplus s’appuyer sur les travaux d’un observatoire des impacts environnementaux et sanitaires de l’aéroport dont nous demandons la création et qui devra inclure les acteurs publics locaux comme les associations environnementalistes et les associations représentant les populations concernées par ces impacts.


Un commentaire »

  1. MONDON François dit :

    Bonjour,
    Je suis loin de partager une bonne partie de cette analyse. Elle repose sur une conception de l’aménagement du territoire beaucoup trop centrée soi disant pour une raison de pragmatisme économique.
    L’argument le moins admissible est le NIMBY. Certes, habitant à Grandchamp des FOntaines, le refus de cette gène est évident. Ayant dans le passe habité aux Ulis dans l’Essonne, je connais la ségrégation sociale qu’implique la présence d’un aéroport. Que ce soit un nantais, ou un néo rural, tout le monde est sur ce point. Donc l’invoquer pour réfuter d’une manière méprisante le monde rural concerné moralement ne me convient pas.
    En effet, invoquer l’urbanisation de Nantes pour justifier un transfert extérieur à la CUN revient à habiller Pierre d’un vêtement pouilleux pour en délivrer Paul: Tou les exemple de création d’un nouvel aéroport quand il marche induit inéluctablement une urbanisation dans sa périphérie, par des population attirées par les prix des logements inférieurs. C’est cette raison qui a amené l’urbanisation de l’entourage de Nantes Atlantique avec le problèmes évoqués dans cette page de blog. Donc un transfert ne résout rien et ne fait que déplacer le problème. Si le transfert s’était fait, une très grande partie des populations de Bouguenais, Rezé, la Montagne et autre, aurait impliqué un transfert de leur population actuelle vers des zones plus périphériques de la CUN au profit d’une population plus bourgeoise en raison d’une augmentation considérables des loyers et du prix de l’immobilier. L’hyper « gentrification » de la CUN le montre. 2voquer que la ville de nantes et certaines de ses communes avoisinantes fait du social en réservant 20% de logements sociaux, est reconnaître ce phénomène, car les 80% restant contient la classe moyenne supérieure et la classe des riches. La grande majorité de la classe moyenne inférieure qui travaille dns la CUN, n’habite pas la CUN.
    Enfin, accepter la concentration du trafic aérien régional (c’est à dire très peu intercontinental) au profit de la seule métropole nantaise n’est pas profitable pour tout le territoire.
    Le transport aérien a un avantage est sa souplesse. Le concentrer va à l’encontre de cette souplesse en raison des contraintes qu’elle induit. Le débat actuel le montre. Justement un étalement dans la bretagne et les pays de la loire permis par la souplesse de ce mode de transport vers les autres aéroports comme celui d’Angers ou Vanne, Rennes et Brest amènerait une plus juste répartition de l’activité économique et des gènes moins fortes. Ainsi améliorer le transport ferroviaire régional permettrait cette complémentarité avec sa nécessité collective de favoriser les transports collectifs pour se rendre à son travail.
    Actuellement, il y a une compétition féroce entre les métropoles régionales et d’Ile de France. Cette compétition n’est profitable qu’au seul profit de la classe moyenne supérieur, c’est à dire aux bourgeois. Les employés sont pour la plupart d’entre eux contraints de s’éloigner fortement du centre éconnomique régional qu’est la CUN. Le populisme s’appuie fortement sur ce phénomène qui est de la ségrégation sociale géographique, les services publiques et privés se concentrant sur la métropole et désertifiant le rural et péri rural (confère la réaction des gilets jaunes).
    Tout cela, avec les raisons écologique très débattues ont amené plus d’un habitant concerné par « feu » le projet de transfert à Notre Dame des Landes à le refuser. Ce n’est donc pas par archaïsme que le refus du transfert s’est présenté, mais par une conception plus fine et juste de l’aménagement du territoire.
    Pour le reste du contenu de cette page, je n’ai pas grand chose à en redire.
    Cordialement à tous

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