Je reproduis ici l’article que j’ai écrit en juin dernier pour la rubrique « écologie » de Démocratie&Socialisme, la revue papier de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
Dans son discours de politique générale prononcé le 12 juin dernier, Édouard Philippe a parlé de « l’année de l’accélération de l’écologie ». Pourtant rien de bien concret dans son discours ! Rien sur le glyphosate, sur la taxation du kérosène des avions, sur l’économie circulaire, sur le refus des accords de libre-échange… Preuve que l’écologie n’est pas soluble dans le macronisme. Néo-libéralisme et écologie sont bien des termes contradictoires.
Réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, dégâts dus aux pesticides de synthèse, pollutions de l’air et des mers sont les différents aspects de la crise écologique.
Inégalités économiques et environnementales
Pour y faire face, certains expliquent que l’humanité doit « dépasser ses divisions ». Logiquement, ceux-là affirment aussi que l’opposition entre la gauche et la droite est caduque ou secondaire. Si les riches se tirent en général sans trop de mal des crises économiques, il n’en serait pas de même avec la crise écologique. Tout au contraire, nous pensons que les inégalités environnementales existent et qu’elles renvoient le plus souvent aux inégalités économiques. « Le rapport à la nature, aux ressources qu’elle offre aussi bien qu’à l’exposition aux effets néfastes du développement (pollution, qualité de l’eau, accès à l’énergie…) »1 n’est pas le même pour tous.
Écologie et critique du capitalisme
Si l’on prend au sérieux que « le changement climatique est induit, depuis le milieu du XVIIIe siècle, par le développement économique, et que ce développement a pour nom capitalisme »2, il est peu probable que les oppositions de classes disparaissent pour trouver une réponse à la crise environnementale. La critique radicale du capitalisme est au contraire indispensable.
Face aux risques climatiques, le néo-libéralisme choisit de financiariser les risques climatiques par une multiplication de produits financiers : « marchés carbone », « droits à polluer », « dérivés climatiques », « obligations catastrophe »… Financiariser la nature pour ne plus avoir à la protéger3 ? Des banques de la biodiversité existent par exemple aux États-Unis. Ces banques d’un nouveau genre mènent des projets de restauration de biodiversité qu’elles transforment ensuite en unités de biodiversité préservée ou restaurée. Des économistes qui prônent la financiarisation de la nature font même des estimations de la valeur des grands espaces dans le monde4. On peut toutefois douter que la monétarisation de la nature permette de la protéger5.
Remettre en cause la primauté du marché
Les conquêtes sociales ou démocratiques n’ont jamais été consenties par les classes dominantes sans mobilisations populaires. Il en sera de même pour les questions environnementales et climatiques. Répondre à l’urgence écologique impose de remettre en cause la primauté du marché. L’heure n’est donc pas à rechercher coûte que coûte de chimériques consensus, mais à développer des mobilisations mêlant questions sociales et environnementales.
- Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, La Découverte, coll. Zones, 2019.
- Ibid.
- C’est ainsi que Maxime Combes, économiste, militant pour la justice climatique et membre d’ATTAC, analyse la loi Biodiversité de 2015. Cf. « La loi biodiversité confie la protection de la nature aux banques et à la finance », https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/250315/la-loi-biodiversite-confie-la-protection-de-la-nature-aux-banques-et-la-finance.
- Voir par exemple Aurélien Jouhanneau, « Combien valent la forêt amazonienne, la barrière de corail d’Hawaï et les abeilles ? », Lefigaro.fr, 12 février 2012.
- Jean Gadrey et Aurore Lalucq, Faut-il donner un prix à la nature ?, Éditions Les Petits Matins-Institut Veblen, 2015.