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Ouvrir une discussion sans scénario prédéfini, avancer dans un débat démocratique

Écrit le 11 octobre 2020 par Éric Thouzeau

Je reproduis ici le courrier adressé aux responsables d’A la Bretonne et Breizh Civic Lab par Nadège Boisramé et Marlène Collineau élues municipales de la Gauche démocratique et sociale (GDS) à Nantes.

Ouvrir une discussion sans scénario prédéfini, avancer dans un débat démocratique

Ce dimanche 11 octobre, l’association « A la bretonne » organise une rencontre politique autour de la question « Quelle démocratie régionale pour demain ? », espérant ouvrir ainsi la campagne des élections départementales et régionales. Comme de nombreuses autres organisations politiques, la Gauche Démocratique et Sociale 44 (GDS 44) a été invitée. Après un échange tout à fait cordial avec les organisateurs, nous choisissons de ne pas assister à cet événement, en raison de l’ ordre du jour très chargé et du peu de temps d’expression libre. Nous préférons nous exprimer par écrit, et participer ainsi à cette discussion.

En 2018, une pétition a réuni 105 000 signatures en Loire-Atlantique, soit 10 % du corps électoral, demandant une consultation populaire autour de la question du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Depuis la question est posée régulièrement par les militants bretons. Le sujet occupe de plus en plus de place dans la presse locale, dans le débat médiatique. Depuis juin 2020, à l’issue des élections municipales à Nantes, la désignation d’un adjoint aux enjeux bretons a donné de la voix à ce combat politique.

Pour nous, GDS, dans le contexte de la crise sanitaire aux lourdes conséquences sociales et économiques, la priorité de l’action politique n’est pas la question bretonne. Nos priorités sont ailleurs : emploi, logement, accès à la santé et à l’alimentation, voilà ce qui guide notre action quotidienne.  Les salarié.e.s ont été impacté.e.s dans leurs conditions de travail, parfois fortement. Certain.e.s ont perdu leur emploi., d’autres ont vu leurs revenus baisser. Les salarié.e;s aujourd’hui s’inquiètent , encore plus qu’avant, de leurs salaires et de leur pouvoir d’achat. Répondre à l’urgence du moment et améliorer les conditions de vie, devenues plus difficiles encore, ces derniers mois, pour de nombreux.ses nantais.e.s et ligérien.e.s.

Néanmoins, une pétition a été signée par plus de 100 000 personnes. Nous ne l’oublions pas. Elle mérite une réponse démocratique. L’équipe municipale de Johanna Rolland, dont nous faisons partie, prend en compte cet enjeu démocratique. Pour rappel, les éléments du programme de Johanna Rolland prévoient d’organiser un débat sur la « réunification » de la Bretagne, de hisser le drapeau sur la mairie de Nantes, d’ouvrir de nouvelles écoles Diwan et de promouvoir la culture et la langue bretonnes.

La Gauche Démocratique et Sociale est favorable à la défense de la diversité des cultures et des langues, quelles qu’elles soient, orientales, bretonnes, africaines ou anglo-saxonnes. Chacun.e doit pouvoir être fier.e de son appartenance culturelle. Nantes est un territoire d’accueil, de métissages où se croisent des cultures, où chacun.e s’enrichit de la culture de l’autre.

Pour répondre plus précisément à la question posée par « A la bretonne », effectivement, un grand débat, pour lequel l’adjoint aux enjeux bretons de la Ville de Nantes a d’ailleurs mandat, permettrait d’expliquer clairement les tenants et aboutissants d’un nouveau découpage territorial. Chacun.e pourrait s’exprimer et se forger sa propre opinion. Ce serait la première étape pour répondre à un enjeu démocratique fort, la pétition réunissant plus de 100 000 signatures. On prendrait ainsi en compte une certaine aspiration populaire à participer à l’organisation administrative et territoriale de la France. Peut-être même qu’un débat citoyen local permettrait de rapprocher des citoyen.ne.s trop souvent absents des questions pourtant fondamentales d’organisation de la République et de la décentralisation. Cependant, nous ne reconnaissons pas dans l’urgence de l’organisation d’un referendum, notamment parce que son issue rapide ne permettrait pas de poser l’ensemble des possibilités à envisager d’un nouveau découpage territorial. Si le débat peut s’envisager d’ores et déjà, il doit se dérouler sereinement, en dehors de toute précipitation due au calendrier électoral. Si certain.e.s nantais.e.s, militant.e.s de la cause bretonne, ont hâte de voir ce débat arriver, l’immense majorité des habitant.e.s n’a aucunement la tête à ces questions et a, au minimum, besoin de temps pour se construire un avis éclairé. Une consultation citoyenne, ça se discute dans son contour, son corps électoral, sa question, sa légitimité démocratique.

La Gauche Démocratique et Sociale défend le débat, toujours. Toutefois, le choix de la question posée dans le débat est aussi un enjeu fort : « pour ou contre la réunification ? » n’est pas, pour nous, la question adaptée. Les mots sont porteurs de sens. Nous pensons que le terme « réunification » induit la notion de réparation historique, de retour à des temps anciens. Il nous semble que la première des discussions à ouvrir est celle d’un nouveau découpage territorial, sans diviser a priori l’actuelle région des Pays de la Loire. Il doit écouter et prendre en compte  celles et ceux pour qui les Pays de la Loire ont une existence propre et revendiquent leur sentiment d’appartenance à ce territoire fort de cinq départements. Des coopérations territoriales se sont nouées, des échanges économiques existent. Très concrètement, des habitudes de vie ont été dessinées. Il existe une histoire commune. Le département de Loire-Atlantique est traversé par la Loire. Le fleuve a forgé des réalités sociales et démographiques. Il a distingué les toitures des maisons. On ne peut arbitrairement séparer la Vendée de la Loire-Atlantique. Les régions ont été redécoupées il y a peu de temps, il est vrai. La question d’une grande région Bretagne-Pays de la Loire avait été posée alors. Ce chemin n’avait pas été retenu.

Le débat est légitime mais il ne doit oublier personne. Il doit se poser sans a priori et en permettant les points de vue contradictoires. Il ne doit pas être rythmé par des considérations électorales. Il n’y a aucune urgence à conclure, le temps est à l’ouverture de la discussion. Voilà la ligne de crête à tenir si nous souhaitons répondre à l’exigence de démocratie exprimée par la pétition des 100 000.

La Gauche Démocratique et Sociale dit « oui » au débat démocratique, « non » à une consultation bâclée.

Nadège Boisramé et Marlène Collineau élues municipales à Nantes


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