Comment définir une orientation sans revenir sur les raisons qui ont amené l’électorat de gauche à sanctionner aussi sévèrement le Parti socialiste et ses candidats ? C’est pourtant le pari impossible des dirigeants actuels du PS. Le bilan du quinquennat, un sujet tabou !
Le point commun à tout ce qui se débat aujourd’hui au sein du PS c’est que cela n’est basé sur aucun bilan du quinquennat. Sous prétexte de ne pas recommencer les débats qui ont divisé le socialistes ces dernières années (CICE, politique libérale « pro-business »…), le débat sur le bilan est occulté. Cela a permis, par exemple, au groupe « Nouvelle gauche » (nouveau nom du groupe socialiste) à l’Assemblée nationale de ne pas voter contre la confiance au gouvernement, de voter la loi dite « anti-terroriste » qui fait entrer dans la loi des dispositions de l’état d’urgence.
Il y a bien eu trois réunions consacrées à la refondation du PS qui se sont tenues à Solférino. De nombreuses fédérations départementales n’ont plus vraiment d’activité (on parle de regroupement de fédérations dans un avenir proche). Dans les quelques fédérations qui font encore preuve d’une certaine vitalité, des rencontres thématiques sont organisées. Face à l’absence de consignes nationales, il s’agit pour ces fédérations d’empêcher que les militants encore attachés à leur parti se sentent abandonnés. On les occupe, on tient des réunions où on discute de grandes thématiques (travail, démocratie, inégalités sociales,…), où chacun peut dire ce qu’il veut….mais les militants sont sceptiques : et si les expressions militantes, remontant du terrain, une fois de plus ne servaient à rien ?
L’absence de rupture avec le passé
Le débat budgétaire aurait dû être une occasion de présenter une autre politique par exemple en débloquant le point d’indice, en augmentant le Smic, en contrôlant les licenciements, en engageant la transition écologique. Rien de tout cela ! Le groupe « Nouvelle gauche » a présenté un contre budget « respectant l’objectif de déficit public rabaissé à 2,7%, comme les socialistes s’y sont engagés depuis 2012 ». Il est tout de même affligeant de voir que les dirigeants socialistes ne trouvent rien de mieux à faire que de proposer – ni plus, ni moins – la même politique que celle rejetée du quinquennat Hollande. Les sénateurs socialistes, quant à eux, ont reconduit Didier Guillaume à leur tête alors que celui-ci a déclaré « souhaiter que Macron réussisse » et a plaidé pour ne pas être dans une opposition frontale. C’est ce même Didier Guillaume qui a salué l’entrée au gouvernement du député socialiste Olivier Dussopt ! La rénovation ? Elle ne saute pas aux yeux !
Alors que le Parti socialiste semble toujours très mal en point, certains rêvent pourtant d’en prendre la tête. C’est le cas de Stéphane Le Foll. Un peu trop hollandais pour pouvoir incarner un minimum de rénovation ? Sans doute. Plusieurs quadras auraient envie de tenter leur chance. Mais avoir 40 ans ne fait pas une orientation ! Et la plupart d’entre eux (Olivier Faure, Boris Vallaud, Luc Carvounas…) ont exercé des responsabilités lors du dernier quinquennat. Tout comme Najat Vallaud-Belkacem. Difficiles de faire comme s’ils n’y étaient pour rien !
Un fonctionnement anti-statutaire
Le 28 septembre dernier, les adhérents du Parti socialiste ont été appelés à voter sur la base d’un questionnaire pour définir une « feuille de route » de la refondation. Deux mois après, incroyable : les résultats de ce vote ne sont toujours pas connus (ni même le nombre de votants) ! En septembre, une convention sur les statuts était annoncée pour octobre. Actuellement, on ne parle plus de convention, mais d’une modification des statuts applicables dès le prochain congrès, ratifiée par un vote des militants en janvier. Or seul un congrès peut modifier des statuts (article 7.1). L’objectif annoncé : imposer un cadre contraint aux textes des motions, raccourcir le temps de débat sur ces motions, et hausse du nombre de membres du Conseil national pour déposer les dites motions.
Une soi-disant « direction collégiale », mise en place en juin, a été confirmée lors d’un Conseil national en octobre. Nous avons été peu nombreux à voter contre cette pseudo-direction dont les militants ne reçoivent aucun compte-rendu de réunion. Le Bureau national, mis en place après le dernier congrès, continue à se réunir chaque semaine, mais ne décide rien…à l’exception de l’exclusion de Gérard Filoche bien qu’une exclusion ne soit pas une prérogative du BN !
Un parti que certains veulent normaliser
Dans un parti affaibli, certains n’hésitent pas à ouvrir une chasse aux sorcières. Dans un certain nombre de fédérations, des militants qui, par exemple ont rejoint le mouvement M1717, reçoivent des lettres leur signifiant leur exclusion du PS. Dans ces mêmes fédérations, il n’y a pas eu autant de zèle pour exclure les responsables socialistes qui ont appelé à voter Macron au premier tour des Présidentielles, sabotant ainsi la campagne de Benoît Hamon, le candidat investi par les socialistes.
Que se passe-t-il du côté des gauches du PS ? Pour l’instant, pas grand-chose. Les amis de Benoît Hamon quittent un à un le PS. Ceux de Montebourg, après le retrait de leur chef de file, ne font pas de propositions particulières. Les aubrystes s’expriment peu et l’un des leurs, François Lamy, a accepté de présider la commission sur la modification des statuts qui va restreindre les possibilités de débat entre les différentes sensibilités, jusqu’à présent représentées à la proportionnelle dans toutes les instances (tant au plan national que dans les départements).
Alors que toute l’histoire du socialisme français est faite du débat entre différentes familles de pensée de la gauche le plus souvent au sein d’une même formation, que la création du nouveau Parti socialiste au congrès d’Epinay (1971) a vu converger des courants aux histoires différentes et à la doctrine parfois fort éloignée, certains rêvent aujourd’hui de se débarrasser du débat entre motions et par la même occasion de l’aile gauche. Le prochain congrès du PS sera-t-il celui d’une certaine « normalisation » du PS français, lui qui a longtemps résisté à la vague social-libérale qui a largement contaminé la social-démocratie européenne ? On peut le craindre.
S’opposer à Macron et rassembler la gauche
Si 2018 est une année sans élection, les européennes sont prévues en 2019. Puis ce sera les municipales en 2020, et enfin les départementales et les régionales en 2021. Le PS réussira-t-il à reconsolider son implantation locale bien entamée après les défaites qui ont jalonné le quinquennat de François Hollande ? Une force politique de gauche ne peut se (re)construire uniquement au travers d’échéances électorales si cela ne s’appuis pas sur une activité de terrain et notamment dans les luttes concrètes contre la politique du gouvernement Macron-Philippe. Savoir si l’on est ou non dans l’opposition aux politiques libérales n’est donc pas anecdotique. Tout comme le débat sur le maintien ou non d’une stratégie de rassemblement de la gauche. « Ni Macron, ni Mélenchon » disent certains dirigeants socialistes. Ce positionnement est faux. On peut et on doit débattre avec France insoumise notamment sur les questions qui divisent la gauche aujourd’hui. Mais avec Macron, on ne débat pas : on le combat !
Pour une reconstruction de la gauche
L’appel de 1000 socialistes d’une centaine de départements à « reconstruire la gauche » est un signe positif dans un panorama bien terne. De nombreux militants, de nombreux élus locaux socialistes ne souhaitent pas faire l’impasse du bilan du dernier quinquennat. Et ils veulent surtout une réorientation autour des urgences sociale et écologique, avec comme étendard la nécessité d’une autre répartition des richesses. Une réunion nationale des signataires de cet appel est prévue le 20 janvier à Paris. Elle devrait permettre l’affirmation d’une force collective qui pèsera dans les débats à venir de la gauche socialiste et plus largement de toute la gauche, dont chacun s’accorde à prévoir une recomposition indispensable.
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