Alors que la proposition de loi «sécurité globale» doit être débattue au Sénat à partir de ce mardi, un collectif d’associations et de syndicats appelle à multiplier les rassemblements et exhortent les parlementaires à voter contre ce projet liberticide. J’ai signé cette tribune parue dans le journal Libération.
Alors que la crise de la Covid-19, marquée par une gestion erratique et largement répressive, annonce une crise économique durable qui va creuser encore plus les inégalités et les injustices ; alors que des millions de personnes subissent déjà les effets désastreux d’un dérèglement écologique qui affecte leurs droits à l’alimentation, à l’eau, à la santé et à la vie ; alors que des soignant·es et des travailleurs et travailleuses précaires dénoncent encore et toujours leurs conditions de travail ainsi que l’asphyxie des services publics : nos mobilisations sont essentielles. Pour défendre les droits économiques, sociaux, culturels, humains. Pour protéger les plus vulnérables, pour combattre les discriminations, pour exiger une politique climatique à la hauteur de la crise et pour rappeler que nos droits fondamentaux doivent passer avant les profits des entreprises.
Et pourtant, la majorité au pouvoir n’a d’autre réponse que d’occuper le débat politique avec une multiplication de projets sécuritaires et hautement liberticides, tandis que le gouvernement intensifie sans cesse la répression des mouvements sociaux. Les pouvoirs publics ont fait le choix d’un maintien de l’ordre brutal à l’encontre des manifestant·es contre la réforme des retraites et avant eux contre des milliers de personnes, descendues dans la rue pour demander plus de justice fiscale, pour dénoncer les régressions sociales ou culturelles ou pour appeler à un accueil digne des personnes exilées. Autant de méthodes et de techniques d’intimidations et de répression toujours plus agressives qui, jusqu’à présent, étaient «réservées» aux habitant·es des quartiers populaires, dans l’indifférence de l’opinion publique et des grands médias. Observatrices, observateurs et journalistes qui informent sur ces contestations sont également frappés de plein fouet par les stratégies répressives. Certain·es ont été convoqué·es par les services de renseignement simplement pour avoir enquêté, d’autres mis en garde à vue pour avoir couvert une action militante, sans oublier les verbalisations à répétition et les citations à comparaître au tribunal de police avec des motifs niant leur qualité de journaliste. Chacun·e mesure la nécessité et l’urgence de garantir et protéger par la loi un contrôle citoyen des pratiques des forces de l’ordre, pour en finir avec l’impunité des comportements policiers illégitimes.
Une loi liberticide
Dans un contexte de crises multiples, alors que le sang-froid démocratique devrait être de mise, les libertés : d’aller et venir, d’information, d’expression collective, de manifestation, d’association, pédagogiques, académiques sont étouffées. La fuite en avant liberticide de ces derniers mois, avec la concomitance mortifère du Schéma national du maintien de l’ordre, des décrets élargissant notamment le fichage politique, le projet de loi «confortant les principes de la République» et la proposition de loi relative «à la sécurité globale», constitue un véritable assaut coordonné contre notre Etat de droit.
Cette dernière proposition de loi, adoptée en novembre dernier par l’Assemblée nationale et qui doit être débattue au Sénat en ce mois de mars, durcit profondément l’édifice sécuritaire forgé depuis plusieurs années. Elle transforme en délinquant·e potentiel·le toute personne, y compris les journalistes, qui filment les pratiques policières. Elle élargit de manière indiscriminée, «globale», les pouvoirs de surveillance des forces de l’ordre, en généralisant l’usage des drones et des caméras-piétons. Elle renforce la privatisation de la sécurité, en accroissant les prérogatives des agences de sécurité privée et, par là, en faisant de la sécurité une prestation achetée par l’Etat et non plus un service à destination de la population. Elle augmente les pouvoirs des polices municipales, actant une militarisation du contrôle de la voie publique et un nouvel acte de répression contre les occupant-e-s de locaux vacants, outre les risques de politiques clientélistes et de rupture d’égalité selon les territoires. Autant de dispositions qui ont amené la Défenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), cinq rapporteurs spéciaux des Nations unies ou encore la commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe, à tirer la sonnette d’alarme dès novembre et décembre 2020.
Contre une telle attaque des libertés fondamentales, une alliance inédite s’est construite entre des dizaines d’organisations de journalistes et de réalisatrices et réalisateurs, de défense des droits humains, des organisations syndicales, des collectifs de victimes de violences policières et des associations diverses. Dès novembre, dans des centaines de villes, les rassemblements se sont multipliés, malgré des répressions des forces de l’ordre particulièrement importantes.
Ces rassemblements se poursuivent du 13 au 20 mars et notamment ce mardi, au moment du lancement des débats au Sénat sur la proposition de loi «sécurité globale». Nous exhortons les parlementaires à refuser ce projet d’un Etat de surveillance et de répression et à voter résolument contre cette loi, et nous appelons toutes et tous à nous rejoindre dans la rue pour la défense de nos libertés communes.
Signataires : Coordination Stop Loi Sécurité Globale, Lise Blanchet, SCAM, Xanae Bove, Acid, Celine Cammarata, Club de la presse Occitanie, Cybèle David, Union syndicale Solidaires, Katia Dubreuil, Syndicat de la Magistrature, Christian Eyschen, Fédération nationale de la Libre Pensée, Sandra Fastre, Association l’Heure Bleue, Anne Galland, ADDOC – Association des cinéastes documentaristes, Samuel Grzybowski, Rencontre des Justices, Mélanie Luce, Union nationale des étudiants de France, Valérie Osouf, Société des réalisateurs de films, Benoît Piédallu, La Quadrature du Net, Emmanuel Poupard, Syndicat national des journalistes, Anne Richard, Garrd, Agnès Rousseaux, Politis et Basta !, Malik Salemkour, Ligue des droits de l’Homme, Joan Sidawy, Comme des fous, Aurélie Trouvé, Attac, Emmanuel Vire, Syndicat national des journalistes CGT, Celine Verzeletti, Confédération générale du travail, Agnès Vernet, Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI), Collectif Kelaouiñ, Black Robe Brigade, Société des réalisateurs de films, La Quadrature du Net.
Avec le soutien d’associations et de syndicats : Baptiste Talbot, CGT Fonction publique, Natacha Pommet, Fédération CGT Services Publics, Mireille Stivala, Fédération CGT de la santé et de l’action sociale, Jean-Marc Canon, UFSE-CGT, Benoît Teste, FSU, Arnaud Schwartz, France Nature Environnement, Laura Monnier et Clara Gonzales, Greenpeace France, Françoise Corgier, Réseau Education Sans Frontières, Emmanuel Poilane, Crid, Isabelle Réghi, Association française des juristes démocrates, Jean-Pierre Martin, union syndicale de la psychiatrie, Jean-Jacques Reboux, collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage, Claudine Granthomme, Combat laïque combat social, Yves Quintal, association ETM, Anthony Bellanger, Fédération internationale des journalistes, Ricardo Gutierrez, Fédération européenne des journalistes.
Avec le soutien d’universitaires : Laurence De Cock, historienne, Gilles Manceron, historien, Emmanuel Dockès, professeur de droit, Université Lyon 2, Bernard Charlot, chercheur en sciences de l’éducation Université Paris 8, Barbara Michel, sociologue université de Grenoble, Christophe Baticle, socio-anthropologue, Tony Hamon, Institut national de recherches archéologiques préventives, Inrap, Michele Leclerc-Olive, sociologue, Elisabeth Lebovici, historienne de l’art, Christiane Vollaire, philosophe.
Avec le soutien d’acteurs culturels : Lorraine Pellegrini, artiste plasticienne, Brigitte Chevet, réalisatrice de films documentaires, David Dufresne, documentarist, Alexandre Regol, réalisateur, Patrick K. Dewdney, auteur, Dominique Cabrera, réalisatrice, Clément Schneider, réalisateur, Lamia Ziadé, illustratrice, Jeanne Crépeau, cinéaste, Jérémie Jorrand, producteur, Coco Tassel, éditrice et graphiste, Danièle D’Antoni, scénariste, Nadia El Fani, réalisatrice, Bertrand Faivre, producteur.
Avec le soutien de responsables politiques : Éric Coquerel, député La France insoumise, Danièle Obono, députée, La France insoumise, Manon Aubry, députée européenne La France Insoumise, Annie Lahmer, conseillère régionale Ile-de-France, Antoine Maurice, Europe Ecologie les Verts, Bernard Friot, Parti communiste français, Sophie Taillé Polian, sénatrice, Génération. s, Olivier Besancenot, Philippe Poutou et Christine Poupin, porte-paroles du Nouveau parti anticapitaliste, Jean-Yves Lalanne, Gauche démocratique et sociale, maire de Billère, vice-président de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées, membre du comité directeur de l’Association des maires de France, François Damerval, co-Secrétaire général de Cap écologie, conseiller régional Ile-de-France, Marie Luchi, Générations, Reine Emmanuelle Guys, Génération. s, Béatrice Hovnanian, Cap Ecologie, Jean-Noel Lafaille, Génération. s, Bernard Motto Ros, Gauche démocratique et sociale et conseiller municipal de Saint-Jean-du-Pin, Anne Joubert, membre du CN de Génération. s, François Béchieau, Mouvement des progressistes, Benjamin Lucas, Génération. s, Marlène Collineau, adjointe Gauche démocratique et sociale à la maire de Nantes, Aurélien Guidi, Caen en Commun, Claude Pourcher, Changer de Cap, Margot L’Hermite, Génération. s, Eric Thouzeau, Gauche démocratique et social, conseiller régional des Pays de la Loire, Roberto Romero, Generations, conseiller régional, Claire Monod, conseillère régionale Ile-de-France, Odile de Charentenay, EE-LV Montpellier, François Thiollet, EE-LV, Ghislaine Senée, conseillère régionale Ile-de-France, Véronique Bidault, Génération. s, Arno Tarrini, conseiller municipal de la ville de Caen, Eric Saintilan, Groupe municipal «Quimperlé Décidons Ensemble», Cécilia Gondard, Assemblée des Français de l’Etranger.