Mon ami suisse Jean-Claude Rennwald, contributeur régulier de Démocratie & Socialisme, est un auteur pour le moins prolixe. Il publie un nouveau livre, La semaine de quatre jours. Pour une révolution du temps, aux éditions de l’Atelier. À lire sans tarder !
Si Jean-Claude Rennwald consacre son dernier livre à la semaine de quatre jours, ce n’est pas pour céder à une quelconque mode. Alors qu’il était député au Conseil national suisse (équivalent suisse de l’Assemblée nationale), il avait été à l’origine de deux initiatives parlementaires, en 1998 et en 2007, rejetées par la majorité bourgeoise de cette assemblée. Jean-Claude Rennwald inscrit cette revendication « dans la lutte historique que le mouvement ouvrier et ses organisations mènent depuis près de deux cents ans en faveur de la réduction du temps de travail »*.
Renforcer le syndicalisme
Jean-Claude Rennwald est clair quand il écrit : « À nos yeux, semaine de quatre jours est synonyme de 32 heures ». Il ne cache pas que sa conquête impliquera une modification des rapports de force entre le travail et le capital. Les grandes organisations patronales sont toujours farouchement opposées à la semaine de quatre jours. Jean-Claude Rennwald insiste à juste titre sur la nécessité de renforcer le syndicalisme pour mener cette bataille.
Notre ami s’appuie sur une importante bibliographie, et documente son propos de tableaux rendant compte, chiffres à l’appui, de la situation du temps de travail dans différents pays. Il n’ignore rien des différences qui existent d’un pays à l’autre, mais son discours sait dégager des préoccupations communes. Jean-Claude Rennwald a été longtemps un des négociateurs syndicaux de la convention collective des travailleurs de l’horlogerie, il en a gardé le souci de la précision, loin de toute généralité abstraite. Chapitre après chapitre, il expose tous les avantages de cette semaine de quatre jours sans négliger les obstacles pour y parvenir.
Vivre pour travailler ou travailler pour vivre
En moins de 200 ans, la durée du travail a diminué de moitié dans les pays industriels. Même si certains travailleurs sont astreints à une durée du travail élevée, on n’y a majoritairement jamais aussi peu travaillé par rapport à l’ensemble de sa vie. « Pourtant, la plupart des gens affirment qu’ils n’ont pas ou plus de temps. L’allongement du temps de transport pour se rendre à son travail a en partie réduit les effets de la diminution du temps de travail ». Sans parler du temps passé sur nos écrans pour « des contenus qui n’en valent pas forcément la peine. Conséquence, nous avons moins de temps à consacrer à nos activités familiales, sociales et culturelles ».
Jean-Claude Rennwald indique que le passage aux 35 heures en France a permis la création massive d’emplois. Alors que le développement de l’intelligence artificielle fait planer des menaces sur l’emploi, réduire à nouveau le temps de travail semble une nécessité. Il rappelle que Keynes écrivait en 1930 que travailler 15 heures par semaine suffirait pour que l’humanité subvienne à ses besoins.
Notre camarade passe en revue de nombreux exemples d’entreprises qui expérimentent la semaine de quatre jours, en général avec un ressenti positif des salariés, mais aussi de ces entreprises dont la productivité ne souffre pas de cette diminution du temps de travail : 400 entreprises en France ont franchi le pas. Il y a aussi quelques échecs, surtout quand il s’agit de faire autant d’heures en quatre jours qu’en cinq, c’est-à-dire sans passage aux 32 heures ! Il n’est pas question que la semaine de quatre jours s’accompagne d’une intensification des rythmes de travail.
Une utopie réaliste et mobilisatrice
Le seul bémol avec le contenu de ce livre concerne le point de vue personnel émis par l’auteur à propos de la compensation intégrale ou non des salaires en cas de passage aux 32 heures. S’il explique bien que la CGT, par exemple, revendique une réduction sans perte de salaire, lui se prononce pour « sans baisse pour les petits et moyens revenus ». Comment engager une lutte en commençant par diviser les salariés, en opposant le balayeur et l’ingénieur ?
Même si l’inflation de ces deux dernières années a mis au tout premier plan la revendication salariale, la question du travail (son sens, le temps que l’on y passe…) a pris de l’importance depuis la crise du Covid. Les 32 heures en quatre jours répondent à des questions sociales (l’emploi), à des impératifs de santé (physique et mentale). C’est aussi un des moyens de rééquilibrer la répartition des rôles entre les femmes et les hommes, qui aura aussi des effets positifs sur l’environnement (moins de déplacements). Pour notre ami, cela doit devenir l’utopie du XXIe siècle, une utopie réaliste et mobilisatrice, traçant « les fondements d’une société plus humaine ».
* Toutes les citations sont extraites du livre La semaine de quatre jours.