RSS Feed

Une histoire des socialistes du Jura suisse

Écrit le 30 juin 2025 par Éric Thouzeau

A l’occasion des 50 ans du PS jurassien, mon ami et camarade suisse Jean-Claude Rennwald a rassemblé différents textes dans un livre  : « PS jurassien, 50 ans au service de la solidarité ». Malgré des réalités nationales différentes, nous lirons avec intérêt cette histoire d’un parti de la gauche européenne. Article paru dans le numéro de juillet-août 2025 de la revue de L’APRÈS.

Journaliste, politologue, ancien dirigeant syndical et ancien député socialiste au Conseil national (parlement suisse), Jean-Claude Rennwald est un contributeur régulier de notre revue. C’est aussi un aussi bon connaisseur de la vie politique et sociale de la France que de son pays. Nous avons rendu compte de plusieurs de ses livres, dont celui sur la semaine de 4 jours.

Mise en avant de la question jurassienne…

Au cours du XIXè siècle, le Jura a réussi à conserver sa langue et sa culture française malgré le centralisme bernois. Si un Parti socialiste jurassien existait au début du 20 ème siècle dans le cadre du canton de Berne, c’est en mai 1975 que le nouveau  Parti socialiste jurassien (PSJ), totalement autonome, est créé. La question jurassienne est l’objet d’un des chapitres du livre. C’est une histoire   méconnue en France.

Très tôt en Suisse, des socialistes ont milité pour une autonomie du Jura. En 1974, un « comité d’action socialiste pour l’autonomie et l’unité du Jura » apparaît avec pour objectif la création d’un nouveau canton. C’est ce qui amena à la fondation du PSJ, et la fin des relations officielles avec le PS bernois. Cela aboutira à la création d’un nouveau canton de la Confédération helvétique, dénommé officiellement « la République et Canton du Jura », situé au nord-ouest de la Suisse, bordé par le Haut-Rhin, le Territoire de Belfort et le Doubs.

Question nationale et question sociale, un vieux débat récurrent au sein du mouvement ouvrier et de la gauche. Il a entraîné des débats parmi les socialistes suisses. Jean-Claude Rennwald et ses amis ont fait le choix dans les années 70 de cette autonomie jurassienne. Mais petit à petit « le clivage de classe (gauche-droite) s’est progressivement substitué à l’antagonisme entre autonomistes et anti-séparatistes ».

…sans oublier la question sociale

En 1975, lors de sa fondation, le PSJ adopte une déclaration fondamentale qui stipule « le PSJ entend insérer son action dans une stratégie de rupture avec le capitalisme ». Aujourd’hui première force politique du Jura sur le plan fédéral, le PSJ recueille entre 18 et 22% des suffrages au parlement jurassien. Le PSJ participe activement à des initiatives (lors de référendums) par exemple en 2013 « un Jura aux salaires décents », ou en 2021 en soutenant l’initiative syndicale « Egalité salariale, concrétisons ». C’est dans le Jura, que l’initiative syndicale en faveur « d’une 13e rente AVS (*) » fait le meilleur score. Comme la plupart des PS de Suisse romande, le PS jurassien est proche des syndicats, ce qui est moins le cas en Suisse alémanique.

L’égalité ? Pour tous …et toutes

L’ouvrage coordonné par Jean-Claude comprend un chapitre sur la place des femmes. En 1994, certaines femmes du PSJ se sont organisées formellement et une section des Femmes socialistes jurassiennes (FSJ) est créée. Le livre note aussi l’importance qu’a eue la Grève des femmes du 14 juin 1991 qui a réuni plus de 500 000 femmes dans toute la Suisse pour demander la concrétisation de l’égalité, en premier lieu salariale. L’ascension des femmes se manifeste aussi dans le monde syndical, avec deux socialistes jurassiennes ayant des fonctions syndicales importantes.

Droit des étrangers

Les Jurassiennes et les Jurassiens ont rejeté les initiatives xénophobes qui visaient à limiter la main-d’œuvre étrangère, de même que toutes les initiatives de l’Union démocratique du centre (UDC, nationale populiste) qui s’en prenaient à l’immigration. « Cette culture a favorisé l’intégration des immigrés dans le Jura », facilitée par un tissu associatif et sportif très dense.

« Pour des raisons morales, politiques et par fidélité à l’idéal internationaliste, le PSJ a toujours milité en faveur des droits politiques des étrangers » nous est-il rappelé. Le Jura est à la pointe : les étrangers établis dans le Jura élisent en particulier les conseillers aux Etats, équivalents des sénateurs, « ce qui n’est pas rien » nous indique Jean-Claude Rennwald..

L’avenir du PSJ

Le PSJ a contribué « à maintenir le Jura dans le giron des cantons les plus progressistes ». Néanmoins, notre ami Rennwald est conscient de la nécessité de « reconquérir la classe ouvrière, (…).de revenir aux fondamentaux du socialisme (droit à l’emploi, à la formation, à un salaire décent, durée du travail avec la semaine de 4 jours), politique de l’environnement n’opposant pas la fin du mois à la fin du monde ». Le PSJ aurait aussi besoin de déterminer une politique d’alliances avec les autres forces de gauche. Enfin, le PSJ participe au gouvernement fédéral, dominé par les partis bourgeois, qui prend des positions contraires à celle du PS (notamment sur les questions sociales). Clairement notre camarade ne serait pas fâché (et nous non plus) que le PS mette fin à cette participation gouvernementale.

Eric Thouzeau

(*) Rente AVS : retraite Assurance vieillesse et survivants. Par référendum, les suisses ont obtenu le versement d’un treizième mois de pension à partir de 2026


Aucun commentaire »

No comments yet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.