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Baisser les dividendes des actionnaires

Écrit le 5 juin 2013 par Éric Thouzeau

Avenir retraitesCes dernières semaines, j’ai participé à plusieurs débats organisés par des sections du Parti socialiste sur  la question européenne. J’ai souvent expliqué que si je parlais avec passion de l’Europe, ce n’était pas pour faire des effets de tribune mais parce que l’on comptait désormais par millions le nombre de chômeurs supplémentaires due à l’orientation libérale imposée ces trente dernières années. L’hebdomadaire Courrier International va même plus loin, et il a raison, en titrant : « L’austérité tue ». La trop fameuse troïka (Commission européenne, BCE et FMI) impose des cures d’austérité qui ont des conséquences sociales catastrophiques (suicides, moins d’accès aux soins, à l’éducation faute de moyens…). L’européen convaincu que je suis ne peut absolument pas être complice d’une politique menée au nom de l’Europe…alors qu’elle ne fait qu’entraîner un recul des sentiments pro-européens parmi les peuples.

Va-t-il enfin être question du coût du Capital ?

Certains pensent que notre pays a été jusqu’à présent épargné. Pourtant le chômage ne cesse de croître : plus de 5 millions ! De plus en plus d’économistes s’accordent (enfin) à dire ce que nous ne cessons de répéter depuis plusieurs années : la crise vient « surtout de dirigeants qui ont sacrifié l’investissement au profit des dividendes versés aux actionnaires » (*). Le « surcoût » du capital représente environ 100 milliards d’euros par an en France (**). A la fin des années 80, les entreprises redistribuaient environ 30% de leurs ressources financières (excédent net d’exploitation et dividendes reçus), aujourd’hui c’est 80%. Baisse de l’investissement et hausse du coût du capital sous la forme de poids croissant des dividendes versés, voilà deux caractéristiques du capitalisme français.

Salaire des grands patrons : il faut légiférer !

Les managers sont d’autant plus enclins à faire fonctionner ce capitalisme financiarisé que le mécanisme de leurs rémunérations aligne leurs intérêts sur ceux des actionnaires. Il y a alors de quoi rager quand on entend un ministre annoncer que le gouvernement renonce à légiférer sur le salaire des grands patrons. Ce n’est pas qu’une question de morale. Il s’agit d’en finir avec un système qui amène les grands groupes à se désintéresser de stratégie industrielle sur le long terme. Ces grands groupes reportent la contrainte actionnariale et ses exigences de rentabilité sur les PME, notamment par le rapport de sous-traitance. Alors, oui,  c’est avec plaisir que j’ai signé la pétition du Mouvement des Jeunes Socialistes qui appelle à l’encadrement des rémunérations dans les entreprises

Retraites : céder une nouvelle fois à la Commission ?

« La Commission n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire ! » vient de déclarer François Hollande. En effet ! La politique d’austérité provoqué par le calendrier de Barroso a mené l’économie de notre pays à la récession. La dette publique, loin de diminuer, a augmenté de 87 milliards d’euros en 2012 ! Le TSCG a démontré sa nocivité partout en  Europe. La France doit prendre tout le temps qui lui sera nécessaire pour relancer sa croissance, puis pour rééquilibrer ses comptes publics, dans les proportions qu’elle jugera souhaitable et avec ses propres méthodes. Alors pourquoi une fois de plus rouvrir le débat des retraites ? Si c’est pour corriger les effets des réformes régressives passées, on ne pourrait qu’être d’accord. Si c’est pour enfin reconnaître la pénibilité en permettant des départs anticipés, c’est toujours d’accord. Un âge de départ à 60 ans, avec au moins 75 % du revenu d’activité, est-­ce un objectif économiquement et socialement irréaliste ? Je ne le pense pas.

Anna Colombo, secrétaire générale du groupe des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, était à Nantes lundi. Elle nous a rappelé que la Belgique n’avait jamais cédé à la Commission européenne qui l’exhorte à abandonner l’échelle mobile des salaires. Alors pourquoi, en France, céderions-nous  à nouveau sur les retraites ?

On vit plus vieux en France mais en moins bonne santé

L’espérance de vie sans incapacité (EVSI) baisse depuis 2006 et est de 61,9 ans pour les hommes et de 63,5 pour les femmes en 2012 (***). Pour la première fois, en 2012, l’espérance de vie à la naissance (en bonne et mauvaise santé) des français a baissé (84,8 ans pour les femmes et de 78,4 ans pour les hommes en France – Source INSEE). Depuis 1993, les différentes contre-réformes qui ont fait du système français un des plus durs d’Europe si l’on tient compte de la durée de cotisation et des conditions d’accès à une retraite à taux plein. Commençons-nous à en subir les effets néfastes en termes de durée de vie et d’espérance de vie en bonne santé ?

Augmenter les cotisations patronales

A moyen terme, la viabilité de notre système de retraite semble assurée du fait d’une démographie plus favorable que la plupart des pays européens. Quant à l’arrivée de la génération du « baby-boom » (1946-1976) à l’âge de la retraite, elle fera augmenter, pendant encore près de 25 ans (jusqu’à 2036 ou 2038) le nombre de retraités. Le Medef refuse cependant d’équilibrer le financement de nos retraites en augmentant les cotisations, en particulier la part patronale de celles-ci. Son objectif est de préserver ou d’augmenter les profits patronaux.

Diminuer le montant des dividendes des actionnaires

Son prétexte est de préserver les « investissements productifs ». Le Medef pourrait très bien accepter une augmentation des cotisations retraites (chiffrée à 1,1 point en 2020 par le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites) sans diminuer les « investissements productifs ». Il suffirait pour cela que les actionnaires acceptent de diminuer le montant de leurs dividendes. En 1982, ce montant s’élevait à 3,2  % du PIB et atteint maintenant 8,5 %. Tous les ans, 170 milliards d’euros de la richesse nationale sont confisqués par les dividendes, après que les entreprises aient effectué leurs investissements productifs.

Pire, ces dividendes vont gonfler les bulles spéculatives et nous préparent une nouvelle crise du type de celle de 2007-2008. Ce n’est pas le coût du travail mais bien celui du capital qui met en danger notre système de retraite par répartition.

(*) Alternatives économiques n°325 de juin 2013

(**)Interview de Thomas Dallery dans Alternatives économiques n°325 de juin 2013

(***) On vit plus vieux en France, mais en moins bonne santé Le Monde du 19/04/2013

80% pour les actionnaires  ! (Alternatives économiques n°325)

80% pour les actionnaires ! (Alternatives économiques n°325)

Deux fois plus d'argent pour la finance que pour l'investissement (Alternatives économiques n°325)

Deux fois plus d’argent pour la finance que pour l’investissement (Alternatives économiques n°325)


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