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Propositions GDS pour nos retraites

Écrit le 15 février 2023 par Éric Thouzeau

L’urgence actuelle, c’est d’obtenir le retrait du projet de réforme Macron-Borne, qui prévoit notamment le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Le front intersyndical qui s’est constitué a construit le rapport de force, aidé en cela par la campagne commune de réunions publiques des formations politiques de gauche qui se reconnaissent dans la Nupes.

Lors des réunions qui se tiennent actuellement, les questions de financement de notre système des retraites par répartition sont fréquemment abordées. Nous avons souvent indiqué que de nombreuses pistes de financement sont possibles : revenir sur de nombreuses exonérations de cotisations patronales, annuler la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises…Il faut aussi rappeler que l’augmentation des salaires, la réduction des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, ainsi qu’un investissement significatif dans l’emploi public seraient autant de moyens importants d’accroître le financement des retraites par les cotisations. Sans oublier qu’en 2022, 80 milliards – un record – ont été versés aux actionnaires des 40 plus grandes entreprises françaises ! Taxer plus les grandes entreprises et les riches permettrait de dégager aussi des financements pour les prestations sociales qui sont payées par l’État (et non par les cotisations sociales), comme par exemple le minimum vieillesse (l’Aspa, l’Allocation de solidarité aux personnes âgées) ou encore l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).

La campagne contre cette nouvelle régression sociale doit aussi être l’occasion pour les uns et les autres de mettre en débat des propositions en positif. Pour la Gauche démocratique et sociale (GDS), il est temps de récapituler quelques principes qui nous animent quand nous parlons retraites, avec l’objectif d’atteindre pour le public comme le privé un taux de remplacement du salaire par la retraite d’au moins 75 % (retraite de base et retraite complémentaire).

1. Nous voulons le retour du droit à la retraite à 60 ans pour deux raisons.

a) Parce que de 60 à 65 ans, c’est le plus bel âge de la retraite et les plus dures années au travail. L’espérance de vie en bonne santé stagne autour de 63 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes. Une personne appartenant aux 5 % les plus riches vivra en moyenne 13 ans de plus que celle qui fait partie des 5 % les plus pauvres. Il y a sept ans d’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre. Un tiers des Français meurent avant 64 ans.

Nous voulons faire de la retraite une deuxième vie, la plus belle et la plus durable possible, et non l’antichambre raccourcie de la mort. C’est un choix de société, et précisons que pour les métiers pénibles, la retraite doit arriver plus tôt (par exemple à 55 ans dans le bâtiment).

b) Parce qu’il faut réduire la durée du travail sur la semaine et sur la vie. Sans réduction du temps de travail, nous avons déjà 6,6 millions de chômeurs, près de 12 % des salariés écartés d’un plein et bon emploi. Le développement des technologies accroîtra ce chômage de masse si la société ne s’organise pas pour partager le travail. La retraite à 60 ans, c’est du boulot pour les jeunes, comme la semaine à 32h, c’est du boulot pour toutes et tous.

2. Nous proposons une retraite calculée sur les 10 meilleures années (sur les six derniers mois dans le public).

Un calcul comme aujourd’hui sur les 25 meilleures années induit souvent une baisse des pensions du fait des carrières hachées, erratiques, précaires. Il ne faut pas toucher aux six mois dans la Fonction publique tant que les primes ne sont pas incluses dans les salaires. Le calcul sur les six derniers mois dans le public amène à des pension à peu près équivalentes aux retraites du privé.

3. Nous défendons un nombre d’annuités pour définir une retraite complète compris entre 35 et 40.

Avant 1972, c’était 30 annuités ; jusqu’en 1993, 37,5 annuités ; en 2003, on est passé à 40 annuités privé et public. En 2010, l’âge légal de départ est passé à 62 ans, puis, en 2013, de facto à 63 ans : le nombre d’annuités a été augmenté pour atteindre 43 ans, et même maintenant avec le projet Borne 44 ans (pour les salariés ayant commencé à travailler avant 18 ans).

Nous proposons d’établir un nombre d’annuités basé sur le nombre réel moyen d’annuités effectué au cours de leur vie de travail par tous les salariés, qui se situe aujourd’hui entre 35 et 40 ans, soit entre 140 et 160 trimestres cotisés. Dans son programme partagé, la Nupes avait retenu 40 ans.

Rappelons que la retraite est proratisée. La proratisation consiste en un prorata entre le nombre de trimestres validés par l’assuré et le nombre de trimestres requis dans le régime de base.

4. Nous sommes favorables à la suppression de la décote quand on n’a pas le nombre d’annuités requis.

La décote est le taux de minoration (réduction) appliqué à la pension si on ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein (bientôt 43 ans). Elle oblige soit à partir avec une pension plus faible, soit à travailler plus longtemps (souvent 67 ans, âge actuel de départ sans décote).

5. Une fois défini le principe d’une retraite à 60 ans avec 40 annuités et calculée sur les 10 meilleures années, nous proposons d’ajuster le taux de cotisations pour y parvenir.

Renversons les raisonnements actuels : au lieu d’adapter la prestation à la raréfaction des cotisations, nous devrions ajuster les cotisations aux exigences de la prestation définie. Nous refusons la vision des néo-libéraux qui nous gouvernent : ils veulent diminuer la part des retraites dans le PIB de 14 % (comme aujourd’hui) vers 12 % ou même 10 %. Nous proposons de consacrer une part du PIB nécessaire qui ira de 14 à 17 % ou plus selon le nombre de retraités (de 14 à 17 millions…) : c’est là un choix de société.

6. Nous défendons l’idée d’un montant minimum de la retraite égal au Smic.

Si le Smic est le salaire minimum pour un salarié en activité, il doit aussi être le montant minimum de la retraite : nul n’a moins de besoins à 61 ans qu’à 59 ans. De la même façon, si le salaire maximum est fixé, comme le fait le programme de la Nupes, à un montant inférieur à vingt fois le Smic, il doit en être de même pour la retraite maximum.

7. Nous nous battons pour une reconnaissance collective de la pénibilité par métiers et par branches.

Les gouvernements Sarkozy, Hollande, Macron n’ont cessé, en raison notamment du lobbying du Medef, de tergiverser sur cette question des « critères de pénibilité » (tantôt 10, tantôt 4) et des « taux d’usures » (tantôt 10 % comme en juin 2010, tantôt 20 % comme en septembre de la même année).

Nous pensons qu’il n’y a aucune solution dans la recherche d’une appréciation individuelle de la pénibilité : il y a moins de 4 600 médecins du travail pour trente millions de salariés. Impossible de mettre en œuvre des critères.

Macron a dit dès 2017 : « Je n’adore pas le mot pénibilité accolé au mot travail ». Et le travail de nuit ? Le nombre de travailleurs de nuit habituels et occasionnels en France est passé de 3,3 millions (15 % des actifs) en 1990 à 4,3 millions (16,3 %) aujourd’hui. Et le travail posté ? 63 % d’horaires atypiques, en équipes, par rotation 3×8 4×8 5×8 ? Et le port des charges ? Et les expositions à des produits dangereux cancérogènes ? Et le bruit ? Et les troubles musculosquelettiques (TMS), qui représentent 85 % des maladies professionnelles. Il y a aussi des métiers pénibles physiquement, et d’autres qui le sont mentalement ou nerveusement. Infirmière à 62 ans ? Professeur des écoles à 63 ? Peut-on vouloir raisonnablement une société qui le permette ?

Il faut donc en revenir à des conventions collectives par branches et par métiers. Elles doivent être négociées et signées de façon adaptées pour limiter et compenser les nuisances au travail. D’où un point sémantique important : il faut refuser de parler de « régimes spéciaux », ça n’existe pas ; ce sont des conventions collectives adaptées qu’il faut protéger, améliorer et démultiplier.

8. Aux lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), opposons la démocratie sociale et des élections à la Sécu.

La réforme des retraites est examinée via un projet de loi de finances rectificatif de la Sécurité sociale avec le recours à l’article 47.1 de la Constitution qui restreint la durée des débats (50 jours au total).

Remettons en cause ces LFSS et LFSSR (LFSS rectificatives) brutales et bureaucratiques, qui reviennent en fait à déposséder les assurés sociaux du contrôle de leurs propres cotisations salariales santé et retraites. En 1945, l’idée initiale du Conseil national de la résistance (CNR) était que nous, salariés, nous gérions la Sécurité sociale. Il y avait des élections aux caisses de la « Sécu » tous les cinq ans. Au début, chaque assuré avait une voix et le patronat n’avait que 25 % des sièges. Puis De Gaulle et Pompidou, par les scélérates ordonnances de 1967, ont donné 50 % de sièges au patronat et ont supprimé les élections. Réinstaurées par la gauche en 1982, elles ont été repoussées par Rocard et Balladur, puis supprimées par Juppé en 1995. Cela donne à une poignée de technocrates de Bercy le contrôle des 850 milliards du budget de notre protection sociale.

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) fixe par exemple un Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), avec une insuffisante capacité donnée aux parlementaires pour le contrôler. L’énorme budget de la LFSS passe depuis comme une lettre à la Poste. Aujourd’hui, des procédures expéditives (du type 47.1 et 49.3) viennent de surcroît empêcher les parlementaires de sérieusement contrôler, amender, modifier ces projets de loi.

Opposons la démocratie sociale aux coups de force permis par la Constitution de la Ve République. Remettons en cause les LFSS, redonnons les caisses aux assurés sociaux, exigeons à nouveau des élections aux caisses de la Sécu, Santé, Vieillesse… Un assuré, une voix ! Pour un Parlement social dans la VIe République démocratique pour laquelle nous militons depuis tant d’années !


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