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Tourner la page de l’austérité

Écrit le 5 décembre 2013 par Éric Thouzeau

aust2Décidément la droite n’a aucune idée neuve. Lors de la dernière session du Conseil régional, François Pinte (UMP) a ressorti une vieille lune en se déclarant favorable au SMIC jeunes sur lequel Balladur et De Villepin s’étaient, chacun en son temps, cassés les dents. Les jeunes apprécieront que la droite n’ait qu’une chose à leur proposer : être payés au rabais !

La droite propose une cure d’austérité

Quant à Franck Louvrier,  l’ancien conseiller de Sarkozy conseiller régional des Pays de la Loire, il a proposé au nom de tous les groupes de droite (UMP, MPF, UDI) une cure d’austérité sans précédent à la région et donc à ses habitants. Rien de nouveau car déjà au début 2013, la droite avait déposé 72 amendements qui auraient eu des conséquences catastrophiques sur les politiques que la Région mène au service des habitants des Pays de la Loire. Cette fois-ci, Franck Louvrier a proposé rien de moins qu’une baisse du budget de la région de 10%, soit 133 millions d’euros ! Cette somme équivaut, par exemple, au budget de la Commission « Emploi, formation professionnelle, métiers de demain » dont 85 millions servent à former quelques 25 000 personnes. Dans un communiqué et de manière ironique, le groupe socialiste a demandé à la droite s’il elle n’irait pas jusqu’à demander à arrêter de chauffer les bâtiments régionaux, tout particulièrement les lycées et les CFA !

Le Conseil régional des Pays de la Loire a tenu à maintenir un budget avec, une fois de plus, un investissement important avec  plus de 600 millions d’euros pour 2014. Pour autant, certaines régions envisagent des budgets en repli. La baisse des dotations de l’Etat sans aucune fiscalité propre pour les Régions va très vite poser problème.

L’austérité recule le moment de la reprise

Austérité : l'Europe s'enfonce dans la pauvreté, campagne Oxfam.

Austérité : l’Europe s’enfonce dans la pauvreté, campagne Oxfam.

Doit-on raisonnablement, au niveau du gouvernement, maintenir l’objectif de rétablir l’équilibre des comptes publics, ce qui entraîne nécessairement la réduction des dépenses publiques ? Il ne sert à rien de s’entêter. Je partage totalement ce que dit Joseph Stiglitz : « aucune économie n’est revenue à la prospérité avec des mesures d’austérité » (1). Jamais personne n’à réussi à se désendetter dans un contexte de faible croissance et de quasi-déflation comme celui qu’organisent structurellement les règles qui régissent actuellement l’espace économique européen. « On peut douter qu’au final, une telle politique puisse aboutir à autre chose qu’à un appauvrissement du pays et à une remise en cause des systèmes de solidarité mis en place, en France comma ailleurs, pour tenter de dompter un capitalisme qui, livré à lui-même, broie les sociétés et les individus qui les composent » (2). Il faudrait donc changer la donne au plan européen. Malheureusement, la perspective d’une alliance droite-gauche (CDU-SPD) en Allemagne n’annonce rien de bon. Certes, et ça serait un progrès, un SMIC allemand est annoncé (mais pour 2017 !). En revanche, aucune remise en cause de la politique d’austérité imposée par les conservateurs allemands à l’Europe ne semble au menu de cette « grande » coalition.

Les économistes de l’OFCE ont cherché à mesurer l’impact sur la croissance de l’austérité. Selon eux, les politiques d’austérité ont coûté 2,2 points de PIB en 2013. Autrement dit, si le gouvernement « ne s’était pas engagé dès son arrivée dans une course folle à l’ajustement budgétaire, la croissance française en 2013 aurait pu être de l’ordre de 2,2% à 2,5% au lieu de la croissance nulle ou à peine positive cette année. » (3)

Une vraie réforme fiscale est nécessaire

Le « tricheur » Cahuzac avait dit que la réforme fiscale avait été faite. Certes quelques premières mesures positives ont été prises. Mais très vite, les « pigeons » ont fait reculer le gouvernement écornant sa promesse d’aligner la taxation du Capital sur celle du Travail, ce qui a abouti à une imposition des plus-values de cession des entreprises plus avantageuses pour les employeurs que du temps de Sarkozy ! Puis, il ya eu le malheureux Crédit impôt compétitivité entreprise (CICE) qui est un cadeau aux entreprises qu’elles soient ou non soumises à la concurrence, qu’elles soient grandes ou petites, sans aucune contrepartie (sociale et/ou écologique) (4) ! Sans parler de ce que cette baisse du « coût » du travail, concédée aux employeurs, est payée par les citoyens, notamment par une hausse de cet impôt injuste qu’est la TVA.

Alors oui, plus que jamais une réforme fiscale est nécessaire, mais il ne suffit pas de dire qu’on va faire une remise à plat. Il faut aussi, ce devrait être le rôle du Parti socialiste,  rappeler quelques principes. Tout d’abord que l’impôt est la base du « vivre ensemble ». Ensuite que la justice fiscale passe par une priorité qui devrait être donnée aux impôts directs (qui tiennent compte de la situation de chacun) et non aux impôts indirects (comme la TVA). Les impôts des plus riches ont baissé ces dix dernières années, il faut rétablir une plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu en créant de nouvelles tranches supplémentaires. Il serait aussi nécessaire de fixer par la loi un « salaire » maximum (20 fois le SMIC ?) ou alors imposer à 90% tout ce qui dépasse 20 fois le SMIC (à l’image de ce que Roosevelt avait fait, certes en temps de guerre (mais ne nous dit-on pas tous les jours que nous sommes en guerre économique ?). La retraite chapeau du patron de PSA (pour l’instant reportée) montre qu’il ne faut pas compter sur l’auto-régulation des grands patrons ! Tant qu’ils seront directement et personnellement intéressés au fonctionnement du capitalisme financier, il y a peu d’espoir d’un changement de ce système économique néo-libéral qui nous a plongé dans la crise.

L’impôt sur les sociétés doit aussi être revu. Chacun sait que les entreprises du CAC 40 sont au mieux imposées à 8% alors que les PME le sont à 28%.  Et si on haussait les impôts des grandes entreprises ? Il suffirait qu’elles versent moins de dividendes à leurs actionnaires pour ne pas pénaliser ni les salaires de leurs salariés ni les investissements.

Les budgets de l’État et de la protection sociale ne doivent pas être fusionnés

Il est à craindre que l’on discute beaucoup du prélèvement à la source. Pour moi, il ne s’agit que d’une modalité technique (est-ce utile alors que le prélèvement mensuel est le fait de plus de 60% des contribuables qui paient un impôt sur le revenu ?). L’important n’est pas là. Mais plutôt dans le nécessaire maintien d’une séparation entre le budget de l’État (300 milliards) et celui de la protection sociale (450 milliards) afin d’éviter que certains veuillent réduire  le « déficit » de l’État (78 ,5% de la « dette » publique ») en ponctionnant celui de la protection sociale qui est beaucoup plus faible (10% de la dette publique). Je ne suis donc pas favorable à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la Contribution sociale généralisée. Au passage, il faut toujours rappeler que la protection sociale est, dans notre pays, socialisée et financée majoritairement par des cotisations (et non par l’impôt, encore moins par des « charges » comme aime à le dire le patronat).

Une priorité doit être accordée aux investissements publics

Les collectivités locales ne génèrent que 11% de la « dette » publique globale. Pourtant, c’est bien sur le dos de ces collectivités que certains voudraient faire porter l’effort de réduction des dépenses publiques. Or comme chacun le sait, 70% des investissements publics viennent des collectivités locales. Ce n’est vraiment pas le moment de les étrangler !

(1) Tribune de Joseph Stiglitz La Tribune du 23/10/2013

(2) Guillaume Duval Et si tout n’était pas de sa faute ? Alternatives économiques n°330 décembre 2013

(3) Christian Chavagneux Hollande, ou l’art de l’entre-deux Alternatives économiques n°330 décembre 2013

(4) Lorsque les collectivités locales fournissent des aides aux entreprises, c’est tout du moins le cas du Conseil régional des Pays de la Loire, elles exigent des engagements des employeurs. Pourquoi pas l’État ????

 


3 Comments »

  1. redcloud dit :

    Je viens de lire cet article, je voulais le mettre en contraste avec un autre, au passage 1 Européen sur 3 risque de vivre dans la pauvreté, nous sommes en 2013 et je fait parti de ces 1 sur 3…
    Il faut le redire l’Europe est complètement corrompue à la solde des lobbies financiers et des multinationales, ce ne sont pas des élucubrations mais des faits, si vraiment vous voulez changer quelquechose il va falloir purger le système et imposer enfin des règles sociales et environnementales, nous n’avons plus le choix il faut une révolution!
    Deuxièmement je parle souvent d’ultimatum climatique et écologique et bien voilà nous sommes au pied du mur, comme le démontre James Hansen ancien directeur de la NASA et Goddard Institute un des meilleur climatologue et scientifique de cette planète!
    Il nous met en garde, sans une maîtrise et réduction IMMEDIATE et planétaire de nos émissions de Gazs à Effets de Serre en limitant le réchauffement à 1° degré Celsius, nous courrons le risque de ne plus rien contrôler et de patienter quelques millénaires pour attendre que ça se tasse!
    En clair la survie de la majeure partie de l’humanité réside dans la transition écologique, on ne peut être plus clair!
    Ceci augure un choc frontal avec tout notre système actuel, nous ne pouvons plus supporter les mensonges et faiblesses du productivisme et du capitalisme, alors oui je suis tenté par la tabula rasa quelle soit démocratique ou non!
    http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0081648

  2. Digonnet dit :

    Bonjour
    Réduire le budget équilibré d’une collectivité locale (ce qui est obligatoire en France) locale conduit soit à diminuer son recours à l’emprunt et donc le montant des intérêts versés aux banques, soit à diminuer les impôts et donc augmenter le pouvoir d’achat des contribuables.

    Mais la gauche (dure) part du principe non énoncé, et pour cause, qu’une dépense publique quel qu’elle soit est toujours meilleure qu’une dépense privée. En un mot les dépenses citées par les politiques sont par nature plus efficace que celles votées par une famille. Et si on parle de dépenses réelles : les 27 000 Euros versées à l’association « Visitez nos entreprises en pays de Loire » méritent largement la pression fiscale subie par les ménages modestes ou pauvres de la région. Mais c’est tellement meilleur quand c’est de l’argent public !

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