Je reproduis ici un texte de trois historiens : Alain Croix (Nantes) (*), André Lespagnol (Rennes), Fañch Roudaut (Brest). Ce texte en appelle à la rigueur historique face à la possible manipulation de l’histoire. Cet exercice est utile même si, bien sûr, il ne répond pas précisément (mais ce n’est pas son objet) aux interrogations de tout le mouvement progressiste quant aux réponses à donner aujourd’hui à la crise d’un monde dominé par la finance, et à ses conséquences dramatiques, notamment en termes de suppressions d’emplois. Une chose est sure : l’union exploiteurs-exploités, les rassemblements « inter-classistes » n’ont jamais été favorables aux salariés. C’est en tous les cas l’une des convictions qui ont toujours guidé mes engagements syndicaux et politiques, mes convictions de militant socialiste. L’opposition Capital-Travail n’est-elle pas toujours d’actualité ? E.T
Depuis un mois, on assiste à une manipulation de l’histoire de la Bretagne, à un degré rarement atteint.
Nous avons des choix citoyens différents mais, historiens, nous pensons qu’on ne peut pas dire et écrire n’importe quoi, et en particulier en matière d’histoire : trop d’exemples tragiques nous l’ont rappelé, dans un passé parfois très récent, y compris en Europe. Dans le cas des Bonnets rouges, cet épisode de l’histoire bretonne, déformé, est utilisé à des fins bien précises et pour le moins douteuses.
Qu’est-ce que « les Bonnets rouges » ? Nous sommes en 1675, sous le règne de Louis XIV. Dans les campagnes de Basse-Bretagne : une large part du Finistère actuel, une partie des Côtes-d’Armor et du Morbihan. À un moment où, par ailleurs, de nombreuses villes à l’est de la province, Rennes surtout, connaissent aussi une révolte dite « du Papier timbré ».
Pourquoi cette révolte des Bonnets rouges ? Alors que la Bretagne connaît, pour la première fois depuis près d’un siècle, de sérieuses difficultés économiques, les charges qui pèsent sur les paysans s’alourdissent : versements aux seigneurs surtout, taxes royales aussi, dont la multiplication donne une impression d’accablement fiscal. Ces taxes, réelles (sur le tabac, par exemple) ou imaginaires (l’instauration de la gabelle sur le sel) sont même ce qui met le feu aux poudres. Les révoltés s’organisent de manière assez remarquable : rédaction de « codes », ancêtres des cahiers de doléances de 1789, élection de députés défrayés et dotés d’une chemise et d’un bonnet rouge. Le mouvement rencontre un écho européen pour plusieurs raisons : Louis XIV est de nouveau en guerre (contre la Hollande), et la mobilisation des troupes aux frontières permet à la révolte paysanne bretonne de durer quatre mois, chose inouïe dans la France du roi absolu et dans une province réputée pour sa tranquillité.
Il est facile d’établir des parallèles avec notre époque, et aussi des différences : l’essentiel n’est pas là.
La révolte, en effet, vise tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent être perçus comme des exploiteurs : seigneurs, agents du fisc, clergé même. Les codes paysans réclament la suppression des corvées (seigneuriales surtout), la diminution des prélèvements sur les récoltes (les seigneurs encore, le clergé aussi), et un juste tarif pour divers services du quotidien : les messes et le vin, les actes devant notaire et le tabac… Ils ne s’en prennent jamais, bien au contraire, à un roi supposé ignorer les abus que connaît son royaume. Cette révolte, qui oppose des paysans bretons à leurs exploiteurs bretons, est avant tout sociale : il est symbolique que le révolté le plus connu, Sébastien Le Balp, soit assassiné par un seigneur, le marquis de Montgaillard.
Gommer cette fondamentale dimension sociale est un travestissement de l’histoire, et débouche vers son instrumentalisation. Délibérément, certains au moins des animateurs du collectif Bonnets rouges veulent détourner la très légitime colère des victimes (agriculteurs, éleveurs en particulier, salariés d’une partie de l’industrie agro-alimentaire) contre « Paris », responsable de tous les maux. Alors qu’une part essentielle de responsabilité incombe à certains chefs d’entreprise et à certains syndicalistes agricoles qui n’ont pas voulu voir venir l’effondrement d’un modèle économique devenu dépendant de subventions européennes, ou qui l’ont très bien vu venir sans réagir, sans chercher à faire évoluer manières de produire et types de production. Selon une recette hélas tant de fois éprouvée, ils tentent de détourner une profonde et légitime colère sociale vers « les autres », tous les autres mais pas eux. Avec la connivence de quelques élus.
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette escroquerie intellectuelle : syndicats de salariés, désormais unanimes, un syndicat agricole comme la Confédération paysanne, certains partis politiques, certains journalistes, certaines personnalités. Nous voulons leur apporter notre soutien.
Manipuler l’histoire, tomber dans le populisme, n’a jamais aidé à résoudre de vrais problèmes. La preuve en est dans les efforts de récupération du mouvement par l’extrême droite, ce qui devrait faire réfléchir.
Oui, il y a de quoi lakaat e voned ruz, « mettre son bonnet rouge », c’est-à-dire piquer une colère noire, selon l’expression imagée du breton. Encore faut-il tourner sa colère vers les vrais responsables.
Alain Croix (Nantes), André Lespagnol (Rennes), Fañch Roudaut (Brest)
(*) Alain Croix est historien, auteur de nombreux ouvrages. Il est également l’un de ces historiens engagés pour une appropriation par les citoyens de l’Histoire, de leur propre histoire. Je conseille à tous son article « Nantes est-elle bretonne ? » (publié en 2008 dans la revue Place publique n°10 et 11), qui montre que la rigueur historique qui l’anime est absolument indispensable dans un moment où toutes les approximations sont possibles et sont toujours un obstacle à une claire compréhension de la situation dans laquelle nous sommes. Vous pouvez retrouver l’article ici : Alain Croix, « Nantes est-elle bretonne ? », Place Publique, numéros 10 et 11, 2008
Sauf que, sauf que la manière par exemple dont sont traités les acteurs de l’éducation avec la réforme des rythmes scolaire, la dégradation des conditions de travail, les pertes de salaire, la gestion verticale et technocratique, la déconsidération de l’ensemble des politiques pour les animateurs travailleurs précaires qui eux sont sur le terrain!
Tout cela additionné aux difficultés économique pourrai pousser cette population docile vers la révolte!
Alors qu’en est-il du reste de la population, de la zad aux banlieues Nantaises, la frustration,la désillusion pourrai bien faire place à la colère aveugle!
Vous l’avez compris ne jetez pas de kérosène sur le feu, la technocratie actuelle, soumise aux marchés financier, à la dérégulation ultra-libérale, aux multinationales, à toute les chances de fédérer tout les mécontentements contre elle!
Comment ne pas être en colère à lire cet article, depuis combien de temps durent les marées vertes, la pollution des cours d’eau, les maladies professionnelles des agriculteurs et de leurs familles, l’utilisation de round-up par les particuliers dans les fossés, à quelques mètres de parc à huîtres, n’importe où n’importe comment.
Depuis combien de temps durent l’incinération des poubelles au vu et su de tous dans son jardin!
Depuis combien de temps des campings label clé verte s’autorisent en toute impunité à passer le camping en entier au défoliant et à cramer les bidons de ces produits à quelque mètres du cours d’équitation.
Depuis combien de temps l’on autorise ces élevages concentrationnaires de dizaines de milliers de porc!
Depuis combien de temps la région Bretagne soutien ces pollueurs et ferme les yeux sur la disparition des petits producteurs!
Depuis combien de temps les écologistes vous disent soutenez l’agriculture biologique en Bretagne au lieu de subventionner l’agriculture intensive!
Depuis combien de temps les consommateurs vous demandent des produits locaux sains à un prix raisonnable!
Depuis combien de temps on vous demande de passer au 21e Siècle!
Et bien pour la transition écologique génératrice de centaines de milliers d’emplois non délocalisables, nous attendons toujours et en vain, croyez vous que vous allez bénéficiez de notre soutien encore longtemps???