Lors du dernier Conseil fédéral du PS 44, un débat « animé » sur la politique économique du gouvernement de Manuel Valls a eu lieu. La tonalité de toutes les interventions a été extrêmement critique vis-à-vis du gouvernement. Je développe ci-dessous les thèmes essentiels que j’ai abordés au cours de mon intervention à cette réunion (*).
Les projets de loi rectificative des finances et du financement de la sécurité sociale apportent les premières traductions budgétaires du Pacte gouvernemental de responsabilité et de solidarité, qui va monter en puissance jusqu’en 2017.
L’aide aux entreprises qui se met en place atteindra en 2016 un montant global annuel de 41 milliards €. Le Pacte va « baisser le coût du travail » dans toutes les entreprises et réduire leurs impôts.Ce sont 20 milliards € annuels pour le CICE initié en 2013 (réduction de la masse salariale jusqu’à 2,5 SMIC). Il faut y ajouter 10 milliards € avec la baisse des cotisations patronales jusqu’à 1,6 SMIC, réduites à zéro pour les emplois payés au SMIC, et avec la réduction des cotisations patronales famille. De plus, il y a une baisse de la fiscalité des entreprises pour un total de 11 milliards €.
L’aide globale aux salariés et aux ménages les plus modestes va correspondre à 5 milliards € annuels. Le volet solidarité pour les salariés et les ménages va concerner : une diminution des cotisations salariales sur les salaires jusqu’à 1,3 SMIC, une réduction des impôts des ménages modestes pour les personnes gagnant moins de 1,13 SMIC, les prestations sociales pour les plus fragiles qui seront revalorisées sans délai (petites retraites inférieures à 1200 € par mois et RSA notamment).
Relevons que ce volet de solidarité avait été totalement ignoré par François Hollande lors de sa conférence de presse du 14 janvier pour présenter le pacte de responsabilité destiné à « baisser le coût du travail ». C’est l’appel des 82 parlementaires lancé le 4 avril, devenu l’ « Appel des 100 » pour « retrouver la confiance par un nouveau contrat de majorité », qui a contraint Manuel Valls à porter à 5 milliards € les mesures d’aide en faveur des plus modestes de nos concitoyens.
Le financement de la politique d’aide aux entreprises pour une relance présumée de l’emploi repose sur une réduction sans précédent de la dépense publique, de 50 milliards sur les 3 ans à venir, après 10 milliards en 2013 et 15 en 2014, avec le gel des salaires et des retraites, la compression de la protection sociale et la forte diminution des dotations aux collectivités territoriales.
Même les experts du FMI alertent depuis près de deux ans, après de nombreux économistes reconnus, sur les dégâts récessifs et sociaux des politiques austéritaires qu’ils avaient eux-mêmes préconisées : la diminution sévère des dépenses publiques étouffe la croissance et génère le chômage, réduisant la demande par la baisse du pouvoir d’achat, engendrant la diminution des recettes fiscales et la hausse de la dette, tous effets contraires à l’objectif recherché.
La rapporteure générale du budget au Parlement, peu suspecte de sympathies pour la gauche du PS, tire publiquement ce même constat en déclarant dans un récent rapport : “Selon les prévisions établies par le ministère des finances et des comptes publics, le plan d’économie de 50 milliards d’euros proposé par le gouvernement pour la période 2015 à 2017, soit une réduction de dépenses de plus de 2 points de PIB, aurait ainsi un impact négatif sur la croissance de 0,7% par an en moyenne entre 2015 et 2017, et pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à l’horizon 2017”.
Par ailleurs, François Rebsamen, le Ministre du travail, attend du pacte de responsabilité de 41 milliards € pour les entreprises, la création par celles-ci de 190 000 emplois en 2017, et un petit regain de croissance final de +0,6% par an… Globalement, ce sera un demi-point de croissance en moins chaque année et une perte de 60 000 emplois en 2017.
Cette perspective marque l’échec de la politique de l’offre choisie par François Hollande et Manuel Valls. Pour l’année 2014, cet échec est confirmé par les prévisions de l’INSEE, avec une croissance estimée à 0,7%, contre 1% prévu par le gouvernement, et un chômage à 10,2% de la population active. Ces mauvais chiffres s’ajoutent, pour cette même année, à la baisse de 3 milliards € des rentrées fiscales par rapport au produit attendu, à une prévision de déficit public supérieure à 4% du PIB contre l’objectif gouvernemental de 3,8%, et à une augmentation de la dette à plus de 95% du PIB contre 90,6% à la fin 2012.
Nous ne pouvons nous résigner au soutien aveugle à une ligne gouvernementale qui conduit inéluctablement à l’échec économique, social et politique en 2017, et qui ne correspond pas aux valeurs que nous portons.
Les députés signataires de l’Appel des 100 ont proposé, dans une plateforme publiée le 9 juin dernier (**), de répartir différemment les 46 milliards € affectés au Pacte de responsabilité/solidarité, pour garantir plus de croissance et de justice sociale. Les nombreux amendements qu’ils ont déposés sur les deux projets budgétaires de lois rectificatives en débat à l’assemblée traduisent leurs propositions. Le « rééquilibrage » mis en avant par ces députés vise à parvenir à plus de croissance, et donc plus d’emploi, en soutenant prioritairement les entreprises qui investissent, et en stimulant la demande par plus de pouvoir d’achat pour les ménages.
Ce que la presse nationale dénomme « fronde parlementaire » témoigne en fait du profond malaise qui traverse le Parti Socialiste, du fait des orientations décidées depuis juin 2012 par le 7e Président de la Ve République, avec la ratification du TSCG, avec l’ANI et la précarisation du travail, avec une réforme des retraites contraire à nos engagements antérieurs, avec la politique de l’offre et son corollaire, l’austérité, touchant jusqu’aux plus modestes. Autant d’orientations qui heurtent notre identité.
Le Front national prospère sur les renoncements et reniements successifs qui désespèrent notre électorat avant de susciter sa colère prochaine. Et le 1er ministre ose déclarer, au Conseil National du Parti socialiste du 14 juin dernier, que « la gauche pouvant mourir, elle doit se dépasser », en adoptant sa vision, personnelle bien sûr, d’une adaptation accrue à la mondialisation néolibérale pour rivaliser avec les puissances émergentes, par (je cite) « la politique de l’offre [qui] n’est pas un choix idéologique, mais un choix stratégique guidé par la transformation des règles du jeu mondial ».
En fait, 20 ans après Tony Blair, Valls annonce la troisième voie à la française dont il rêve depuis longtemps. Quant à Jean-Marie Le Guen, le ministre des « tensions » avec le Parlement, il ose menacer les députés socialistes qui veulent rester fidèles à notre objectif de transformation sociale par l’exercice du pouvoir, et ainsi répondre aux aspirations du mouvement social. A contrario, les militants socialistes qui soutiennent ces députés sont de plus en plus nombreux, et c’est tant mieux !
(*) Je remercie mon camarade Jacky Paris pour son intervention au dernier conseil fédéral du PS d’Indre-et-Loire que j’ai largement utilisée.
(**) Voici les grandes lignes du rééquilibrage proposé par les députés de l’Appel des 100 :
- 22,5 milliards € affectés à l’aide aux entreprises (au lieu de 41) : 15 milliards, au lieu de 20, à un CICE fléché sur 5 types de dépenses : recherche, innovation, compte personnel formation, filières de production prioritaires, mutation écologique / 2,5 milliards de baisse de l’impôt sur les sociétés, au lieu de 11, pour les entreprises réinvestissant 90% de leurs bénéfices / 5 milliards, au lieu de 10, de baisse de cotisations patronales,
- 16,5 milliards €, au lieu de 5, pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, notamment par la création d’une CSG à taux progressifs plus favorables pour les classes moyennes et populaires,
- 5 milliards € d’investissements publics locaux (transports en commun, logements, développement durable),
- 2 milliards € pour la création de 300 000 emplois aidés ou contrats en alternance supplémentaires.
RT @ericthouzeau: Ne pas accepter la politique de Manuel Valls ! http://t.co/cQHFOkekCU
Salut mon Camarade,
Je ne peux que partager ton analyse. l’épisode rocambolesque de ce week-end avec l’éviction du gouvernement de Montebourg, Hamon et Filipetti (d’autres??) démontre l’aveuglement d’Hollande et de Valls. Nous allons le payer très cher et malheureusement pour longtemps.
Fraternellement,
Philippe