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Comment la gauche peut-elle reprendre l’offensive ?

Écrit le 4 novembre 2013 par Éric Thouzeau

banner_its_time-for_tax_justice_frLa crise économique et sociale que traverse notre pays est-elle en train de se transformer en crise politique ? La question est légitime quand on voit les difficultés accumulées par notre gouvernement ces dernières semaines. Non seulement le fossé s’accroît entre les citoyens et le gouvernement, entre les citoyens et le PS, entre les citoyens et la gauche, mais plus gravement encore, le sentiment que la politique ne sert à rien, et que « droite et gauche, c’est la même chose », se répand. Cette situation n’est pas irréversible, mais il est bon d’en cerner les raisons pour y remédier.

On peut bien sûr remonter aux années 80 qui ont vu le libéralisme gagner le monde entier. Ce diagnostic, la gauche l’a fait. Et, pendant les dix années durant lesquelles il a été dans l’opposition, tout le travail mené par le PS a consisté à se préparer à mener une politique prenant le contre-pied des politiques à l’origine de la financiarisation de l’économie, du chômage de masse, et du creusement des inégalités sociales. Trois des engagements pris lors de la dernière campagne électorale n’ont malheureusement pas été réellement tenus : la réorientation de la construction européenne (en commençant par une renégociation du traité Merkel-Sarkozy), la réforme bancaire, et la réforme fiscale.

Traité européen, réforme bancaire…

On sait ce qu’il est advenu de la renégociation du traité européen : elle a vite été abandonnée (sans qu’on le reconnaisse). La réforme bancaire, quant à elle, a été bien timide. « Les quatre géants de la banque française tiennent toujours l’État et les contribuables en otage » (1). Les hedge funds (fonds d’investissement le plus souvent spéculatifs) prospèrent comme jamais : « Ils gèrent officiellement  2 000 milliards de dollars, soit plus qu’avant la crise. Et encore ce montant ne prend pas en compte ceux qui sont situés dans les paradis fiscaux. Les banques centrales alimentent l’économie en liquidités qui filent plus vite dans les souterrains de la spéculation que dans les crédits aux PME » (1).

…et réforme fiscale

Quant à la réforme fiscale, le « tricheur » Cahuzac avait eu le culot de dire qu’elle avait eu lieu. Comment en est-on arrivé à ce que le thème du soi-disant ras-le bol fiscal s’impose dans le débat public (avec l’assentiment d’un ministre !), alors que les impôts baissent depuis trente ans ? Les impôts nationaux sont passés d’environ 22 % du PIB, lors de la première moitié des années 1980, à 17 % aujourd’hui ; et la hausse des impôts locaux ne représentent qu’une hausse de 1,5 point du PIB sur la même période. « Les niches, cadeaux fiscaux, modification du barème et des tranches, ont fait leur travail de sape au bénéfice des 10 % les plus riches, et plus encore des 1 %. Le taux marginal d’imposition sur le revenu était encore à 65 % en 1986 et le taux d’imposition sur les sociétés à 45 %. Ils étaient respectivement de 40 % et 33 % ces dernières années. EN THÉORIE, car les plus riches et les plus grandes entreprises ont tout ce qu’il faut pour en réduire la portée : les entreprises du CAC 40 ne paient plus qu’à un taux d’imposition réel de 8 % alors que les petites entreprises versent 30 % » (2). Pas étonnant dès lors que les 500 plus fortunés de France se soient enrichis de 25 % en un an ! Eux, la crise, ils ne connaissent pas !

Politique de l’offre ou relance de la consommation populaire ?

Parallèlement, les salaires stagnent et le pouvoir d’achat des ménages régresse. C’est ce mélange détonnant (injustice fiscale, licenciements, salaires en berne) qui a permis aux plus riches, ciblés à juste titre par les premières mesures gouvernementales, de crier au ras-le-bol fiscal et d’entraîner derrière eux les salariés aux revenus modestes, imposés pour la première fois du fait de l’erreur qu’a été le maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu (instauré par Sarkozy et malheureusement maintenu un an par la gauche au pouvoir). C’est ce qui a permis une manifestation comme celle de Quimper, dirigée politiquement par l’UMP et le FN derrière le Medef et la FNSEA, mais à laquelle se sont rendus des milliers de salariés, notamment ceux victimes des licenciements dans l’agro-alimentaire. Le 6 février 1934 également, parmi les anciens combattants à marcher contre l’Assemblée nationale, il n’y avait pas que les ligues fascistes (3) !

La gauche doit reprendre l’offensive ; il y a urgence ! Un changement de cap est nécessaire. La « politique de l’offre » (baisse du coût du travail, au bénéfice des entreprises, par le CICE, Crédit impôt compétitivité entreprise) nous amène dans le mur, sans pour autant amadouer le Medef ! « La dégradation du taux de marge et du potentiel de croissance de l’économie n’est pas due à des salaires directs ou indirects excessifs… elle a été avant tout liée à une dégradation de la demande » (4). Il faut donc remettre une vraie réforme fiscale et la question salariale à l’ordre du jour.

Combattre le poujadisme fiscal de la droite

FISCAL~1La gauche doit se rassembler pour contrer le discours poujadiste de la droite contre l’impôt républicain. La France compte aujourd’hui 900 000 pauvres de plus qu’en 2008. Parallèlement, les inégalités ont explosé comme jamais depuis 30 ans. « Si la France est un des pays d’Europe où la pauvreté et les inégalités ont le plus progressé dans la crise, c’est, pour une part non négligeable, parce que celle-ci est intervenue au moment même où les pouvoirs publics, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, venaient de prendre des mesures d’ampleur pour alléger la pression fiscale pesant sur les plus aisés, tout en limitant parallèlement l’aide apportée aux plus pauvres, au nom de la lutte contre l’assistanat » (5).

Alors assez de ce discours sur le ras-le-bol fiscal ou sur la « diarrhée fiscale »  (terme utilisé par certains manifestants à Quimper) ! Le taux marginal de l’impôt sur le revenu reste encore inférieur de 20 points à ce qu’il était il y a trente ans. Une réforme globale, centrée sur l’impôt direct et progressif, sur les revenus et les sociétés, est plus que jamais nécessaire. Et, oui, on doit demander plus à ceux qui ont le plus. Les plus riches partiront ? Eh bien qu’ils partent ! Mais faisons comme aux USA : un états-unien vivant à l’étranger doit à son pays d’origine le différentiel d’impôt avec le pays d’accueil. Qu’est-ce qui empêche d’adopter une telle mesure en France ?

(1) Crise financière : un banquier  repenti balance, Sophie Fay, le Nouvel Observateur du 03/10/2013.

(2) Impôts : et pourtant ils baissent depuis 30 ans, Jean Gadrey.

(3) Sur le 6 février 1934 : la crise du 6 février 1934, mais aussi 6 février 1934, manifestation sanglante à Paris.

(4) Pourquoi le taux de marge des entreprises a-t-il baissé ?Liem Hoang Ngoc.

(5) Licenciements, inégalités, pauvreté : on fait quoi ?, Guillaume Duval, Alternatives économiques de novembre 2013.


7 Comments »

  1. redcloud dit :

    J’ai discuté aujourd’hui avec un militant de gauche présent à Quimper ce week-end, je suis partagé, pourquoi s’associer à ce mouvement avec la fnsea productiviste et pollueur et le medef.
    J’ai du mal à comprendre!!!
    Par contre je remarque tout bord confondu la clémence face aux actes de pur vandalisme quand je pense que les mêmes traitaient de terroristes les militants de gauche de la ZAD!!!
    Je rejoint clairement Eric Thouzeau sur la fiscalité en y ajoutant toujours le même bémol repris par Jean-Luc Mélenchon ce matin sur Inter pourquoi payons-nous pour une agriculture de merde destiné à l’export???
    Nous avons changé de Siècle malheureusement toujours les mêmes théories éculées sur la croissance que l’on ne voit jamais perdurent…Il en est de même sur le libéralisme et le productivisme acharné cause de tout nos soucis!!!
    Comment se montrer optimisme nous qui depuis 2007 et avant combattons la droite et le libéralisme, où est le formidable espoir d’une transition écologique???
    Comment traité-t-on les alliés écologistes, où est le travail d’équipe???
    Pourquoi s’être allié avec eux si l’on se moque éperdument d’un courant de pensé qui prendra ses responsabilité face à l’histoire!
    En clair, il faut réagir vite, le PS malgré ses défauts ne doit pas être le bouc émissaire de l’addition sarkozyste et d’une Europe de droite!
    Mais comment faire quand le gouvernement lui-même fait une politique de centre droit pour être poli….

  2. redcloud dit :

    L’abstention aux élections au 1er et 2nd tour est un remède pire que le mal, pourtant cette option semble se dessiner dans l’opinion de gauche, la question qui se pose au delà de la versatilité de l’électorat, est n’a-t-on pas infantilisé l’électeur?Les partis politiques n’ont-ils pas intérêt à court terme à ce que les électeurs ne réfléchissent pas trop et ne s’informent pas trop, tout en leur matraquant des dogmes désuets pleins de mensonges et demi-vérités!
    C’est malheureusement le cas pour la Bretagne actuellement, nous contribuables et citoyens, payons pour engraisser des patrons qui se moquent des responsabilité sociales et écologiques, la facture est d’autant plus salée et inéquitables que l’on cache volontiers le coût astronomique des conséquences de l’agriculture productiviste : la pollution de l’eau potable il faut 60 000 Euros aux collectivités pour dépolluer 1 litre de pesticide,sur les nitrates et métaux lourds, le coût des marées vertes est exorbitant, c’est un racket qui ne dit pas son nom!
    Nous ne parlons pas évidement de l’endettement, des suicides des agriculteurs et de la concurrence déloyale avec les pays du sud, pas étonnant que les victimes soutiennent leurs bourreaux et se retournent facilement contre le premier chiffon rouge agité! Cet état de fait est hautement explosif et manipulé aisément par des syndicats agricoles pourris, le patronat et qui sait un certain partis extrémiste de droite et d’extrême droite.Bref la désinformation et l’aveuglement ont des conséquences graves et durablement nuisibles pour tout le monde!

  3. redcloud dit :

    Ce que mangent les poissons les « granules » sont aussi servi à nos cochons et volailles Françaises…
    « Elevage en eaux troubles » entre « Soleil vert  » et « Le meilleur des mondes » voici la triste réalité de cette guerre économique :
    http://pluzz.francetv.fr/videos/envoye_special_,91464982.html

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