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Débat sur le syndicalisme

Écrit le 14 janvier 2012 par Éric Thouzeau

Le Centre des jeunes dirigeants (CJD) a organisé un café-débat sur le thème : « Pour un syndicalisme de masse, représentatif et responsable ». Le CJD est une organisation fondée en 1947 dont les membres disent partager « les mêmes valeurs et notamment le souhait de développer une économie au service de l’homme ». Il annonce réunir une centaine de dirigeants d’entreprise sur le département. Dans mes dernières années d’activité syndicale, j’ai eu à rencontrer cette association au plan national, autour de la notion de responsabilité sociale des cadres, à partir d’un manifeste signé notamment par les organisations de cadres de la CGT, de la CFDT et du CJD.

À ce débat qui s’est tenu jeudi soir (12 janvier), je représentais la fédération du PS. Autres invités : Yann Rolland, président du Medef 44, Philippe Moreau, président de la CGPME des Pays de la Loire, Yvan Ricordeau, secrétaire régional de la CFDT, Xavier Bouziat, professeur émérite d’Audencia.

Il nous a été demandé de réagir à la proposition du Medef 44 de la « syndicalisation obligatoire des salariés ». Il s’agirait si tous les salariés deviennent adhérents d’un syndicat de « déradicaliser »1 ces organisations qui seraient dans une logique de « surenchère ». Propos assez étonnants quand on sait qu’en matière de propos « radicaux », le Medef n’est pas avare. C’est tout de même Mme Parisot qui a déclaré « la liberté d’entreprendre s’arrête là où commence le code du travail » !

De nombreux thèmes ont été abordés au cours de cette soirée. À ceux qui regrettaient que les syndicats français ne sont pas suffisamment gestionnaires, j’ai rappelé que le programme du Conseil national de la résistance (notamment écrit par la CGT et la CFTC dans la clandestinité) a abouti à la création des Comités d’entreprise et la gestion de la sécurité sociale par les organisations de salariés. Une grande majorité du monde patronal n’a jamais vraiment accepté les prérogatives économiques des CE (droit de regard dans la gestion des entreprises), se satisfaisant de la seule gestion des activités sociales par les syndicats. Quant à la Sécu, depuis les ordonnances gaullistes de 1967, on a connu recul sur recul quant à la gestion de la protection sociale (basée sur le salaire « socialisé ») par les représentants des salariés. En ce qui concerne la présence « acceptée » des syndicats dans les entreprises, elle ne date vraiment que de 1968 avec la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise (et le droit de diffuser des tracts dans les entreprises et plus seulement à leur porte).

Voici quelques uns des arguments que j’ai développé au cours de cette soirée :

  • Toutes les enquêtes le confirment : la peur de représailles est mise en avant par de nombreux salariés pour ne pas se syndiquer.
  • L’audience des syndicats ne peut pas être mesurée qu’au seul critère des effectifs (tout comme d’ailleurs les partis politiques ! Le PS, premier parti de France en adhérents n’en a que 200 000 !). Il ya aussi le fait que des millions de salariés peuvent à certaines occasions descendre dans la rue à l’appel des syndicats (cf. les retraites en 2010).
  • Je retourne la question du Medef 44 qui propose l’adhésion obligatoire des salariés à un syndicat pour « déradicaliser » les syndicats : comment « déradicaliser » le Medef ? Une organisation qui produit beaucoup d’idéologie, pose beaucoup d’actes très politiques et lorsque la adroite est en crise (exemple après sa défaite en 1997) joue le rôle de l’opposition de droite « défaillante » (on se souvient de la guerre du Medef contre le gouvernement de Lionel Jospin à la suite des 35 h).
  • Moins il y a de négociations collectives, moins il y a de « grain à moudre » (et donc de possibilité pour les organisations syndicales de montrer leur utilité), moins les salariés sentent l’intérêt de se syndiquer. Par « grain à moudre », il faut entendre intervention des syndicats sur la répartition Capital / Travail, sur le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits…
  • Le Parti socialiste veut rompre avec la politique actuelle qui consiste à convoquer des sommets sociaux pour demander aux syndicats d’avaliser des choix déjà pris (comme sur les retraites en 2010).
  • Après la charte d’engagement pour la continuité professionnelle des salariés par le développement de la formation en Pays de la Loire, adoptée le 24 juin dernier, le conseil régional va examiner (session des 26 et 27 janvier) une charte régionale en faveur de la démocratie sociale définissant un cadre de travail autour d’un agenda social annuel. Avec au moins trois volets : des temps d’échange autour des politiques publiques régionales, des travaux communs avec des propositions d’actions concrètes sur des objectifs prioritaires (ex. l’emploi des jeunes), des chantiers relatifs au « dialogue territorial » au niveau local.
  • Respecter les organisations syndicales, reconnaître leur légitimité, c’est la première façon d’aider au renforcement du syndicalisme.
  • Il faut aussi mettre en œuvre une harmonisation sociale à l’échelle européenne, ce que tous les traités européens actuel se sont refusé à faire.
  • Par ailleurs, la loi (2008) a profondément modifié la notion de la représentativité des organisations syndicales de salariés. La représentativité conditionne la validité d’un accord. La question des critères de représentativité des organisations patronales (en introduisant, par exemple, la notion d’audience) mériterait certainement d’être précisée.
  • Le syndicalisme est, avec les partis politiques, un des deux piliers de notre démocratie. Un financement public des partis politiques a été organisé dans notre pays. Sachant que côté employeurs, ce sont jusqu’à présent les entreprises qui paient l’adhésion aux organisations patronales, il serait temps de débattre d’un financement public concernant le syndicalisme de salariés.

La question des rapports des organisations syndicales avec les partis politiques a été abordée. Je me suis permis de faire remarquer que les rapports entre les organisations patronales et les partis de droite étaient assez simples et naturels ! 2.

Et si le Medef est volontiers « radical », qu’est donc Bernard Accoyer lorsqu’il déclare qu’une défaite de la droite en 2012 entraînerait des conséquences comparables à celle d’une guerre pour notre pays ? M. Accoyer est tout de même président de l’assemblée nationale, « troisième personnage » de la république !

En ce qui concerne le mouvement ouvrier, celui-ci a produit deux formes d’organisation : les syndicats et les partis de gauche. Si les partis ont vocation à proposer un projet global et à gouverner, les syndicats ont à défendre les intérêts des salariés quel que soit le gouvernement en place. Pour autant, les syndicats et les partis n’ont aucun domaine réservé. Tout ce qui relève de l’organisation de la vie sociale (en entreprise et dans la « cité ») peut et doit être débattu aussi bien par les syndicats que par les partis. Cela amène nécessairement des confrontations ! Et c’est tant mieux !

  1. Ref. Pourquoi le terme « radical » dans la bouche du Medef est-il devenu synonyme d’irresponsable ? Je préfère, quant à moi, la définition qu’en donne Marx : « Être radical, c’est prendre les choses à la racine » !
  2. Ref. Yann Rolland, par exemple, n’est pas seulement président du Medef 44, il est aussi conseiller municipal UMP de Nantes.

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