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Emploi, relance, réforme bancaire et lutte des classes…

Écrit le 22 janvier 2013 par Éric Thouzeau

Class WarComme le note le spécialiste du droit du travail qu’est Antoine Lyon-Caen , avec l’accord CFDT-CFTC-CGC-Medef,  la partie patronale progresse « prenant appui sur une grammaire forgée par un réseau puissant d’économistes qui martèle qu’en France les travailleurs occupant un emploi sont trop protégés, qu’il faut fluidifier le marché du travail et reconnaître aux entreprises la plus large autonomie de gestion ». Si le droit social est passé à la moulinette(1), la majorité de gauche au Parlement aura tout son rôle à jouer pour éviter que les points marqués par le Medef soient transcrits dans la loi ! Comme le disent des syndicalistes CGT, la gauche n’a jamais eu besoin de l’accord du MEDEF pour légiférer dans l’histoire, sinon elle n’aurait pas fait la sécurité sociale, la retraite à 60 ans, les 35 heures…

Pour l’emploi, la relance

Pour autant, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur l’accord CFDT-CFTC-CGC-Medef  (et la mienne est très critique), on peut au moins s’accorder sur le fait qu’il n’aura aucun impact sur la possible création d’emploi et l’inversion de la courbe du chômage. Alors que la zone euro s’enfonce dans la récession, « seule une politique économique moins bêtement restrictive que celle menée actuellement au niveau européen est susceptible d’avoir un effet sensible sur la courbe du  chômage ». (2)

Cela se heurte notamment au veto dogmatique des conservateurs allemands. Il est vrai que l’Allemagne redoute l’inflation à cause de l’hyper-inflation du début de 1923. Curieusement, on oublie souvent qu’au contraire c’est la politique déflationniste du début des années 1930, qui a directement préparé l’ascension du nazisme (3). En 1931,  une  conjugaison de crise bancaire et d’austérité  a  plongé le pays dans la déflation et a fait « basculer l’Allemagne, l’Europe et le monde dans l’horreur » (4).

Aujourd’hui, faut-il attendre l’accord du gouvernement conservateur allemand, pour nous-mêmes en France, rompre avec l’austérité ? Je ne le pense pas.

Relance et lutte des classes

Ce qui est à l’ordre du jour, dans tous les pays d’Europe, c’est bien une relance par  l’investissement public. Cela est nécessaire pour réactiver  la croissance et relancer la création d’emplois. Cela est également nécessaire à la préservation de la protection sociale et à la revalorisation du travail. Le débat n’est pas limité à l’Europe. Il se mène aux États-Unis, comme nous le rappelle l’économiste Paul Jorion. Pour la droite, il y a toujours trop d’impôts et une protection sociale trop coûteuse. Or pour nous à gauche, la racine de la crise tient plutôt dans  un partage déséquilibré des richesses. « Les plus riches, faute d’opportunités d’investissement productif en raison du trop faible pouvoir d’achat de la population dans son ensemble, spéculent, déréglant le mécanisme de formation des prix ». Et de rappeler les propos de l’homme d’affaires américain Waren Buffet : « Il y a une lutte des classes aux Etats-Unis, bien sûr, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte ». (5).

La théorie monétariste, qui fait confiance à l’efficience des marchés pour gérer l’économie et prône par conséquent la réduction du rôle de l’État, a fait perdre aux pouvoirs publics, dans beaucoup trop de pays,  leur rôle protecteur en cas de crise.

Maîtriser la finance

Il me semble que l’État ne doit pas craindre de s’endetter tant que les ménages et les entreprises n’auront pas commencé à dépenser, à investir, à embaucher pour enclencher une reprise de l’économie. Évidemment ce redémarrage n’aura lieu que s’il s’accompagne d’un assainissement  et d’une véritable régulation du secteur financier, afin qu’il prête à l’économie réelle. « La zone euro n’affiche pas un endettement excessif. Sa fragilité actuelle tient davantage aux dettes cumulées de ses banques qu’à celles de ses États » (6). A cet égard, les banques françaises apparaissent comme particulièrement dépendantes des financements des marchés.

La question de la réforme bancaire est donc essentielle. Il serait dommage de faire du « canada-dry » et une séparation « light » des activités bancaires « utiles » et des activités « spéculatives » ! La aussi, à la majorité de gauche au Parlement de permettre que soit tenu l’engagement n°7 de François Hollande .

(1) Martine Bullard « Droit social passé à la moulinette » (Site Web  Le Monde Diplomatique, 17 janvier 2013)

(2) Guillaume Duval  (Site Web Alternatives économiques, 17 janvier 2013)

(3) Paul Krugman « Sortez-nous de cette crise dès maintenant » (Flammarion 2012)

(4) Michel Santi « Splendeurs et misères du libéralisme » (L’Harmattan 2012)

(5) CNN Interview (25 mai 2005) et New York Times (26 novembre 2006)

(6) Guillaume Duval « L’Europe est-elle trop endettée ? » (Hors-Série d’Alternatives économiques de décembre 2012 : l’Europe a-t-elle un avenir ?)

 


Un commentaire »

  1. Szwed Tadiou dit :

    Bonjour. Voici quelques renseignements intéressants que j’ai glanés dans « Le Monde ».
    Ils concernent les économies de l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et l’Allemagne,

    Economies qui vont de mieux en mieux d’après Le Monde. Des réflexions personnelles à la fin.

    Le Monde du 23 février 2013.

    L’Irlande.

    Hausse attendue du PIB de 1% à 1,5% en 2013 ; l’Irlande fait figure de « success story ».A force de sacrifices l’Irlande a rétabli sa compétitivité. Le coût unitaire du travail y a baissé de 27% dans le secteur manufacturier ; il y est aujourd’hui inférieur de 16% à ce qu’il était en 2000. Hausse de 24,6% de la productivité dans la foulée des réductions d’effectifs et de la baisse de 5,4% des salaires. L’excédent commercial en 2012 est de 43 milliards d’euros et le chômage s’élève à 15% de la population active.

    L’Espagne.

    Entre 2008 et fin 2012 la productivité horaire espagnole a progressé de 8,6% avec une baisse du coût du travail de 5,1%. Les entreprises espagnoles qui ont survécu se sont refait une santé et peuvent être plus agressives à l’international à coups de prix bradés. Le chef du gouvernement espagnol y voit les effets de sa réforme du marché du travail.

    Le chômage s’élève à 26% de la population active, ce qui entraîne un effondrement du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages. « L’investissement chute, la capacité de production recule ; sous cette forme ces politiques sont inacceptables » alerte-t-on chez Natixis.

    Le Portugal

    Il se transforme aussi en petit « conquistador ».

    Standard and Poor’s estime que le rebond des exportations en Espagne et au Portugal « pourrait mener au rééquilibrage rapide des économies ». Dans ces pays les gains de compétitivité sont massifs.

    Le Monde du 10 mars 2013 :

    « L’économie allemande renoue avec l’optimisme »

    Trois éléments expliquent la reprise de l’économie allemande :

    La faiblesse du chômage, la baisse de l’inflation et surtout la hausse du pouvoir d’achat des Allemands. Selon une étude de l’institut WSI, les salaires réels ont augmenté ces 3 dernières années de 1,2%, 1% et 0,6%. 12,5 millions de salariés verront leur rémunération renégociée cette année. En 2012 les syndicats avaient obtenu 4,3% d’augmentation pour les salariés de l’automobile.

    Quelques réflexions personnelles

    Il est intéressant de constater une contradiction de taille entre ces 2 analyses, celle du 23 février et celle du 10 mars. Pour l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, ça va beaucoup mieux à force de « sacrifices » : baisse du coût du travail, augmentation de la productivité et du chômage, baisse du pouvoir d’achat… : vous avez dit austérité ? Cette politique d’austérité qui a fait tant de ravages en Grèce en particulier avec toutes les manifestations de révolte dont on a longuement entendu parler. Il est tout à fait curieux de lire que Le Monde vante l’efficacité de ces politiques d’austérité qui permettrait aux pays décrits de développer une belle vigueur économique ; on croirait entendre Copé, Fillon, Parisot…

    .

    Est-ce qu’il faut préparer le terrain pour une politique d’austérité française sensée redonner au pays toute sa compétitivité ?

    A contrario il est intéressant de constater que l’article du 10 mars indique, pour la santé de l’économie allemande, des causes à l’envers de l’austérité : hausse des salaires, augmentation de la demande intérieure….

    Il est aussi intéressant de noter la réaction de Natixis, dont les employés n’ont pas la réputation d’être de furieux Mélonchonistes : une politique d’austérité est inacceptable.

    On sait très bien que l’Economie n’est pas une science. La démonstration en est faite une nouvelle fois ici.

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