La Région poursuit son soutien à la valorisation du patrimoine au travers de manifestations de qualité qui permettent de sensibiliser et d’éduquer un large public, notamment les jeunes, à ses enjeux, problématiques et réalités du patrimoine. C’est dans ce cadre qu’une convention triennale (2011/2013) a été signée entre la Région et la Maison des Hommes et des Techniques. Du 12 au 20 décembre 2013, la MHT valorise son patrimoine. Je reproduis ci-dessous l’intervention que j’ai faite au nom du Conseil régional lors de l’inauguration de cette exposition temporaire.
La Maison des Hommes et des techniques est une association loi 1901 créée en 1994. En s’appuyant sur le patrimoine industriel, maritime et fluvial, elle a comme objectif de maintenir vivante la mémoire de la construction navale nantaise, notamment à travers l’exposition permanente Bâtisseurs de navires. Il s’agit aussi de faire connaître l’histoire industrielle et sociale nantaise, de mettre en valeur les cultures ouvrières, et de mettre en lumière les différentes formes d’organisation du monde du travail. La MHT est aussi un lieu de réflexion sur la place et le rôle du travail dans la société.
La MHT valorise son patrimoine
« Du passé faisons table rase » dit une chanson du mouvement ouvrier (1). Pourtant, à la fermeture de Dubigeon, en 1987, d’anciens salariés des chantiers navals ont eu raison de s’opposer aux tentatives de faire « table rase du passé » et de tirer un trait sur deux mille ans de construction navale à Nantes. Le premier réflexe fut de sauver de la destruction plans de navires, photos, outils et objets, maquettes, documents filmés et sonores… Les années qui suivirent furent consacrées au classement et à l’inventaire de ce patrimoine unique, et à sa mise en valeur dans le cadre d’expositions et autres manifestations.
Aujourd’hui se pose la question de la conservation durable de ces richesses. La numérisation constitue le meilleur moyen de pérenniser les documents, tout en les ouvrant à la consultation pour le plus grand nombre. C’est la voie choisie par la Maison des Hommes et des Techniques et par l‘Association Histoire de la construction navale à Nantes (AHCNN), qui ont passé ces dernières années à inventorier, faire numériser, et procéder à la mise en ligne de plus de deux mille plans, pour aboutir aujourd’hui à une véritable bibliothèque numérique .
Parallèlement, la MHT a refait l’inventaire des outils et objets qui sont en sa possession, afin de mieux les mettre en valeur. Et sous la direction de Gérard Tripoteau, président de l’AHCNN et lui-même ancien dessinateur, un mémoire « Mise à l’eau et lancement des navires » a été réalisé.
Qu’est-ce qui fait « patrimoine » ?
S’il n’est évidemment pas possible (ni souhaitable) de tout conserver du passé, qu’entend-on au juste par « patrimoine » ? Etymologiquement, le patrimoine est l’héritage du père, dont on ne peut être dépossédé que par action de justice. Puis on a parlé de patrimoine artistique. Depuis plus de deux siècles, on protège et on collectionne ce patrimoine artistique. Chateaubriand fut, semble-t-il l’initiateur du mot « patrimoine ». Aujourd’hui, avec l’étude des sociétés et de leur histoire, la notion de patrimoine s’est beaucoup élargie. On ne peut concevoir la protection du patrimoine sans le considérer comme le témoignage d’une société toute entière (vie économique et sociale). Depuis vingt ans, le terme « patrimoine industriel » est utilisé. Nantes est aujourd’hui considérée comme un laboratoire de l’élargissement du champ patrimonial, notamment dans le domaine des héritages industriels. C’est ainsi que de nombreux édifices industriels, sans être pour autant protégés au titre de monuments historiques, ont été conservés (bâtiment de direction des Ateliers et chantiers navals de Nantes).
Pour moi qui suis membre de la Commission « Aménagement du territoire et environnement » du Conseil régional, il n’est pas rare de parler de patrimoine naturel à propos par exemple des paysages de l’estuaire de la Loire. Dans la réflexion contemporaine sur le patrimoine, on en est même venu à utiliser la notion de patrimoine immatériel (2) qui désigne « l’ensemble des traits spirituels, matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social » et qui « englobe les modes de vie, les droits fondamentaux des êtres humains, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances ».
Transmission entre les générations
Dans une société contemporaine souvent avide de rentabilité immédiate, on doit craindre de laisser disparaître définitivement les traces des sociétés qui nous ont précédés. Il ne s’agit pas d’être passéiste. La recherche de la culture des générations passées, ce n’est pas « retourner au bon vieux temps », ni cultiver des illusions sur ce soi-disant « heureux ancien temps ». Je ne crois pas qu’il soit souhaitable de revenir à la situation de la vie quotidienne du début du 20ème siècle par exemple.
L’objectif qui doit être recherché lorsque l’on s’attache à un patrimoine, c’est de mieux articuler le temps présent des sociétés avec leur passé et leur avenir, dans une logique de transmission et de solidarité intergénérationnelle. Et il s’agit aussi de ne pas sauvegarder que la culture des classes sociales dominantes, mais aussi celle des opprimés et exploités.
(1) L’Internationale. Paroles écrites en 1871 par Eugène Pottier et musique composée par Pierre Degeyter en 1888
(2) Lors de l’inauguration, mi-plaisantant, mi-sérieux, Jean Relet, le Président de la MHT, a parlé de patrimoine immatériel en scandant l’un des slogans de la lutte de la navale, « Dubigeon vivra, la navale ne coulera pas », nous faisant faire un retour un peu plus de 25 ans en arrière dans les manifestations nombreuses auxquelles nous avons participé à l’époque.
#Industrie Valoriser aujourd’hui notre patrimoine pour le transmettre demain aux générations futures http://t.co/8gkAtvu2bw v/ @ericthouzeau
[…] Région soutient depuis 2006 les actions de la Maison des Hommes et des Techniques destinées à mettre en valeur la mémoire de la construction navale et des cultures ouvrières de […]