Une décision historique vient d’être rendue par le tribunal administratif de Paris. Mercredi 3 février, l’État français a été reconnu coupable d’inaction climatique. Le tribunal enjoint à l’État de prendre « toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre », et ce « afin de faire cesser pour l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté ». Ci-dessous l’article que j’ai écrit début janvier pour la rubrique Écologie de la revue Démocratie&Socialisme.
Tout le monde l’a compris, Macron a menti en déclarant qu’il transmettrait « sans filtre » les propositions de la Convention citoyenne. Pas tant qu’il veuille préserver le rôle du Parlement, mais bien qu’il souhaite protéger les profits des grandes entreprises. Une transition écologique sauce Macron, c’est une transition à petits pas, d’abord à l’écoute des exigences du patronat.
La Convention propose de mettre en place une écoconditionnalité des aides publiques (basée sur un bilan carbone) qui n’est pas, par exemple, retenue dans le projet de loi. Mais ce n’est qu’un reniement parmi tant d’autres.
Un projet de loi en recul
Sur la question de l’écocide et des délits liés sanctionnant la pollution et la mise en danger de l’environnement, les organisations patronales ont obtenu du gouvernement un abaissement des sanctions initialement engagées. Macron pense que l’on peut s’en remettre à la bonne volonté des entreprises… et aux écogestes des citoyens. Ce qui fait dire au Réseau Action Climat : « L’ambition fixée par l’exécutif – à savoir la réduction de moins de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 semble complètement irréalisable »1.
Parce qu’elles estiment que la France a pris un retard trop important dans la lutte contre le changement climatique, quatre organisations de protection de l’environnement et de solidarité internationale2 ont attaqué l’État français3 avec, à l’appui de leur démarche, une pétition citoyenne. L’Affaire du siècle a recueilli plus de deux millions de signatures ! Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » semble lui aussi de la même veine que l’action mise en œuvre jusqu’à présent : insuffisante face aux défis climatiques.
Biodiversité et greenwashing
Pour masquer autant que faire se peut son discours de droite de plus en plus autoritaire, Macron comptait sur la promotion de la loi issue des travaux de la Convention citoyenne. Devant les reculs déjà annoncés par rapport aux recommandations de cette Convention, les associations écologistes se disent toutes déçues. Au Parlement, les formations de la gauche et de l’écologie s’opposeront certainement au projet de loi. Le « en même temps de droite et de gauche » ne fonctionne plus ! Et c’est tant mieux.
Parce qu’il sent qu’elle est dans l’air du temps, Macron feint tout de même de mettre l’écologie à l’agenda. C’est ainsi qu’il a organisé une nouvelle édition du One Planet Summit consacré à la biodiversité. Un constat éclairant y a été fait : les bonnes résolutions prises les années précédentes n’ont été que très peu tenues. Réunir des chefs d’État, des dirigeants d’entreprises et de la finance n’a pas permis jusqu’à présent de ralentir l’érosion massive de la biodiversité sur notre planète. Estimer qu’un verdissement de la finance est possible tout en laissant faire les lois du marché est mensonger. Le « greenwashing »4 de certains participants à ce sommet a été, à juste titre, dénoncé par les ONG environnementales.
Pollution de l’air, un enjeu de santé
Climat, biodiversité mais aussi qualité de l’air. Dans l’Union européenne, on estime à 400 000 les décès prématurés dus à la pollution de l’air, dont 50 000 en France. La France devrait réduire de 30 % ses émissions d’oxydes d’azote, produites essentiellement par le trafic routier. Plusieurs agglomérations dépassent de façon répétée les valeurs limites, ce qui a valu à la France une condamnation par la Cour de justice de l’UE.
Fixer des objectifs, c’est bien, mais il faut se donner les moyens de les tenir. Il faut aussi réduire les émissions d’ammoniac qui proviennent à plus de 90 % du secteur agricole (notamment dues aux engrais) et sont une des origines des particules fines. Sans modification substantielle du modèle agricole dominant, difficile de croire que les engagements pris soient tenus. Il faudrait pour cela rompre avec les orientations de la FNSEA.
(1) Gaspard D’Allens, « Le projet de loi réduit à néant les proposition de la CCC », www.reporterre.net, 9 janvier 2021.
(2) Les associations qui se sont portées parties civiles : Notre affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France.
(3) L’audience a eu lieu le 14 janvier 2021. Le rapporteur public a invité le tribunal à reconnaître la « carence fautive» de l’État. À l’heure où nous écrivons, le jugement du tribunal administratif n’est pas encore connu.
(3) La volonté de certaines entreprises et autorités de se donner une image écologique et responsable largement usurpée.