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Pause, repli, changement

Écrit le 8 novembre 2013 par Éric Thouzeau

Bob-Dylan1Lors du débat au Conseil régional sur « Pays de la Loire 2040« , je suis intervenu au nom du Groupe Socialiste sur le thème « Pause, repli, changement ». Je reproduis ci-dessous mon intervention, qui reprend des thèmes que j’ai déjà abordés dans la contribution à ce débat de prospective régionale que j’ai faite en septembre.

En littérature, je ne suis pas un grand amateur de science-fiction. Cela tombe bien car ce n’est justement pas de science-fiction dont il est question avec la démarche « Pays de la Loire 2040 » dont le résultat nous est présenté aujourd’hui. Il s’agit plutôt d’envisager les différents scénarios possibles de l’avenir afin de mieux le préparer.

Tout au long de cette démarche est ressortie une certaine propension des citoyens de notre région à se satisfaire de ses atouts actuels. Il est vrai que la qualité de vie en Pays de la Loire, et le dynamisme économique de la région et de ses travailleurs, font partie des forces de notre territoire.

Il serait donc confortable de s’en satisfaire et de ne pas se confronter aux bouleversements et aux profondes transformations que connaît notre monde. Mais ce n’est bien sûr pas ce que nous souhaitons ! La tentation de la pause et du repli n’est pas la solution ; elle conduirait au déclin et à l’appauvrissement. « Ne crains pas d’avancer lentement, crains seulement de t’arrêter » dit un proverbe chinois.

Je me considère personnellement comme un héritier d’une école de pensée socialiste et d’une histoire syndicale matricées par les questions de planification. C’est dans notre région qu’il y a une cinquantaine d’années, des syndicalistes adoptaient ce beau concept de planification démocratique. Aussi, je ne peux que partager le souci de prospective qui anime la démarche « Pays de la Loire 2040 ». En faisant cela, il est évident qu’il ne s’agit pas d’évacuer les urgences du moment, le chômage, les licenciements et la précarité du travail : il nous faut bien sûr y répondre sans attendre !

Si nous ne voulons pas que le futur soit la simple continuité du présent, il nous faut réfléchir aux ruptures nécessaires avec ce que nous combattons dans la situation d’aujourd’hui. Quand l’annonce de suppressions d’emplois par une entreprise fait monter le cours de ses actions à la bourse, ce n’est vraiment pas le modèle économique que nous souhaitons !

Je pense qu’il est tout d’abord nécessaire de libérer l’énergie créatrice des salariés. Dans des entreprises soumises à des impératifs de rentabilité immédiate, le souci d’innover et la créativité dont font preuve un grand nombre de salariés, de l’ouvrier à l’ingénieur, sont trop souvent freinés et découragés.

S’il est vrai que la France compte aujourd’hui trop peu de PME (petites et moyennes entreprises de 10 à 250 salariés) et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire de 250 à 5000 salariés), par rapport à l’Allemagne par exemple, il faut se demander pourquoi. Les PME réellement indépendantes des grands groupes, c’est-à-dire ni filiales, ni simples sous-traitantes, sont trop peu nombreuses en France. Quant aux ETI indépendantes des grands groupes, elles ne jouent qu’un rôle trop marginal dans l’économie et les exportations de notre pays.

Il ne s’agit pas de fustiger l’existence de grands groupes, mais bien de reconnaître qu’actuellement, ils obéissent trop souvent à des stratégies financières plus qu’industrielles, et qu’ils les imposent à leurs filiales et sous-traitants.

Au plan régional, il nous faut donc veiller à ce que les aides que nous apportons aux entreprises concourent bien au maintien et au développement d’entreprises réellement ancrées sur le territoire régional, et donc à des emplois stables dans la durée. Le développement d’une vraie responsabilité sociale des entreprises, mais pas un simple « éco-blanchiment » (green-washing), contribue également aux évolutions nécessaires de la vie des entreprises et des travailleurs.

L’histoire de l’Humanité est faite de changements incessants. Cette Histoire, notre Histoire, n’est jamais faite par les conservateurs, ceux qui pensent toujours qu’hier c’était mieux. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est la vitesse d’un certain nombre de ces changements,  notamment du fait des révolutions technologiques actuelles. Il faut donc des citoyens aptes à maîtriser ces changements, mais aussi des orientations politiques qui permettent de les maîtriser, collectivement et démocratiquement. Internet est un très bel outil, mais quand il sert à la spéculation et à une libre circulation des capitaux indépendante de l’économie réelle, on voit bien les dangers d’un monde non régulé.

changement

 Face à la tentation de la « pause » et du « repli », notre ambition est donc de diffuser une véritable « culture du changement » qui soit partagée par l’ensemble de la population, une culture appuyée sur une vision progressiste de l’avenir, aussi bien pour les individus que pour la collectivité. La notion de progrès reste pour moi d’actualité, malgré les difficultés que nous traversons actuellement et qui peuvent rendre pessimistes.  « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître » disait Gramsci. Avec lui, je crois que l’on peut dire : « Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté ».

C’est avec cette volonté  que nous construirons cette « culture partagée ». Cela passe d’abord par le champ de l’emploi, comme je l’ai déjà dit, mais également par exemple par celui de la formation. La formation tout au long de la vie est en effet la première priorité apparue lors des échanges que nous avons eus avec les citoyens tout au long de la démarche « Pays de la Loire 2040 ». La Région doit permettre que la formation tout au long de la vie soit réellement accessible à l’ensemble des salariés et des demandeurs d’emploi.

Cela passe aussi par une réelle démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, qui doit devenir une véritable possibilité pour toutes et tous. Il est important de maintenir sur nos territoires un investissement fort pour l’ensemble des filières de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Tout cela doit participer à la formation des citoyennes et des citoyens d’aujourd’hui et de demain ! Il s’agit pour nous d’« armer » les femmes et les hommes de notre région, de leur permettre de comprendre le monde et ses évolutions, afin de pouvoir y faire face ; et surtout afin de leur permettre d’agir pour le transformer !

Alors que l’on commence à commémorer le centenaire de la Guerre de 14-18, on peut aussi se référer à Jean Jaurès, lui qui a lutté pour s’y opposer jusqu’à en être assassiné. « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable dans l’avenir » disait-il. C’est cette avec cette confiance que, nous aussi, nous devons dès maintenant construire notre avenir !


Bob Dylan live – 1965 – The times they are a… par beatlefrog


5 Comments »

  1. redcloud dit :

    Bonne analyse, toujours faussée malheureusement par la non prise en compte de l’urgence climatique et écologique ainsi que par cette guerre économique et ses soi-disant réformes ultra-libérales que nous subissons!
    L’aveuglement actuel est général, il empêche le rassemblement souhaité par le président de la République, il occulte complètement cette énergie et ce courage de regarder la vérité en face; notre situation actuelle ressemble à celle de de la veille de la deuxième guerre mondiale, nous allons partir pour un combat avec de mauvais choix stratégiques, des armes obsolètes et sans réel esprit combatif, bref c’est déjà perdu!
    ps : Quand on voit l’attitude actuelle de la Russie et de son dirigeant, je ressent une honte indicible à ce que la France participe aux jeux de Sochi véritable miroir avec les Jeux Olympiques de Berlin en 1936!

  2. redcloud dit :

    Se préparer, anticiper,être moteur, novateur, imaginatif, encouragez les citoyens qui ont envie de bien faire qui ont envie de donner de l’énergie pour les autres et pour notre environnement!
    Car les petites mains de l’écologie et du social n’ont pas l’impression d’être entendues et soutenues, au delà d’être dans la même équipe et malgré ces dogmes qui nous séparent nous sommes dans la même galère!
    Se préparer mais à quoi? Et bien à ça par exemple aujourd’hui ce sont eux, demain se sera nous :
    http://www.24heures.ch/suisse/suisse-apporte-aide-victimes-typhon-haiyan/story/19652382?track
    C’est un exemple terrible, il nous rappel à notre devoir de nous préparer,d’être solidaire, d’être porteur de solutions qui peuvent-être simples et universelles comme le reboisement à grande échelle!
    Notre devoir est aussi de prendre en compte cette urgence climatique et écologique, non pas pour nous pénaliser mais pour faire émerger, une nouvelle économie et une société plus harmonieuse et solidaire qui se prépare, anticipe, innove.
    Car chaque seconde compte maintenant, nous comprenons intuitivement que le désordre climatique et écologique que nous avons causé va démultiplier nos difficultés ces mois et années à venir!
    Pourquoi la France ne peut-elle pas jouer ce rôle historique qu’elle à déjà jouée par le passée!
    Face aux ultra-libéraux et fascistes qui jouent eux dans la même équipe, celle du désordre et de la dérégulation qui nous construisent un présent où l’être humain ne vaut pas pas plus qu’un animal et l’animal pas plus qu’un objet, nous devons réagir et nous souder autour d’un élan d’un projet commun universel!
    François Hollande nous parlait il y a quelques jours d’une guerre économique, c’est un fait, le capitalisme d’aujourd’hui est en guerre contre l’humanité, ses batailles sont pour les matières premières, le dumping social, le toujours plus de profit, les escroqueries que l’on appelle crises financière; ses moyens sont d’une bassesse sans nom, conflits ethniques, enfants soldats, vols des terres agricoles, des forêts, exploitation et destruction des patrimoines de l’humanité : forêts primaires, barrières de corail, ressources halieutiques, empoisonnement de l’eau potable des travailleurs, des consommateurs…
    Cette guerre contre l’humanité, il faut la combattre c’est la guerre à la guerre!

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