Le 80e congrès du PS qui vient d’avoir lieu à Marseille a été l’occasion, dans sa phase préparatoire, d’échanges très virulents entre les animateurs des trois textes d’orientation soumis au vote des militantes et des militants. Quoique dans la douleur, il a toutefois accouché de la reconduction d’Olivier Faure à la tête du parti et de la confirmation de la ligne pro-Nupes. Essai d’analyse.
Le Parti socialiste (PS) a connu ces dernières décennies plusieurs congrès mouvementés, notamment à Metz en 1979 (affrontement Mitterrand et Rocard), à Rennes en 1990 (avec l’opposition Jospin-Fabius) ou encore, plus près de nous, à Reims en 2008 (duel entre Aubry et Royal). À Marseille, l’ordre du jour du congrès a été conçu pour éviter trop d’affrontements publics. Pour autant, si le pro-Nupes Olivier Faure a été reconduit à la tête du parti, les assises socialistes n’ont pas tout réglé.
Le déroulement de ce 80e congrès a été fait pour laisser le moins de place possible aux débats d’orientation en séance plénière. De nombreuses tables rondes sur des sujets qui ne sont évidemment pas sans intérêt (Europe, jeunes, femmes, international) ont occupé les 180 délégués à ce congrès et les nombreux invités, mais les principales discussions ont eu lieu en coulisses, lors de longues réunions entre des représentants des textes d’orientation (TO) : le TO1 de la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy (totalement anti-Nupes car viscéralement opposée à LFI), le T02 d’Olivier Faure et le TO3 du maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol (très réticent sur la Nupes, et soutenu par la présidente du Conseil régional d’Occitanie, Carole Delga, et par la maire de Paris, Anne Hidalgo)1.
Olivier Faure réélu à la tête d’un PS tiraillé
Alors que les responsables des TO1 et TO3 ont toujours contesté la désignation d’Olivier Faure comme Premier secrétaire (par le vote des militants du 19 janvier), ils ont été obligés de l’accepter quand l’attelage constitué par le TO1 et le TO3 derrière le maire de Rouen s’est rompu au cours du congrès. Hélène Geoffroy a assez logiquement refusé de rejoindre la direction du PS pour constituer une minorité déclarée. Nicolas Mayer-Rossignol a préféré négocier pour être au sein de la direction du parti en position de peser négativement sur l’orientation pro-Nupes du Premier secrétaire. Rappelons que Carole Delga a soutenu nombre de candidats socialistes dissidents lors des dernières législatives.
Le T03 a rassemblé d’authentiques anti-Nupes et également des militantes et militants mécontents d’avoir été obligés de soutenir des candidats LFI aux législatives plutôt que des candidats PS. T01 et T03 ont en commun de ne pas revenir sur les raisons du fiasco d’Anne Hidalgo à la présidentielle (1,7 %), à savoir la dérive sociale-libérale du PS illustrée notamment par la loi Travail (El Khomri) de 2018. La maire de Nantes Johanna Rolland alliée de Faure, mais peu connue pour être spécialement pro-LFI, s’est déclarée au contraire « fière qu’Olivier Faure a[it] eu le courage de nous proposer la Nupes ».
Les anti-Nupes restent en embuscade
Le « contrat de gouvernance » adopté à Marseille parle, bien sûr, de « rassemblement de la gauche et des écologistes », mais sans contenir le mot Nupes, ce qui n’a pas été sans inquiéter un certain nombre de délégués issus de ce qui reste de l’ancienne gauche du PS. Contrairement au souhait de l’un d’eux, Laurent Baumel, qui voulait que Mayer-Rossignol reconnaisse clairement sa défaite, Mayer-Rossignol ne s’est pas gêné pour déclarer2 que la Nupes était un accord électoral de 2022, ce qui signifie qu’il se réserve la possibilité de contester une telle alliance dans la durée.
Dans quelques semaines, une élection législative partielle aura lieu en Ariège, après l’invalidation (sur un recours du RN arrivé en 3e position) de l’élection de la députée LFI Bénédicte Taurine (avec plus de 2 800 voix d’avance sur le candidat LREM). La fédération du PS (certainement soutenue en cela par Carole Delga) entend bien présenter une candidate face à la France insoumise. Olivier Faure appelle logiquement à soutenir la candidate sortante de la Nupes et explique que tout socialiste qui se présenterait contre elle serait exclu. Que décidera la direction « collégiale » (Faure, Rolland, Mayer-Rossignol), qui est présentée comme devant rechercher le consensus ?
Un ancrage à gauche confirmé
Si la PS a connu une hémorragie du nombre de ses militants (plus de 74 000 départs entre 2012 et 2018), plus de 2 000 ont adhéré ou réadhéré trop récemment. Elles et ils n’ont donc pas pu voter, a indiqué une déléguée de la Loire, alors que la plupart d’entre eux soutiennent « l’ancrage à gauche du PS que représente son appartenance à la Nupes ». Dans son discours de clôture, Olivier Faure a lui-même rappelé « qu’avec l’accord de la NUPES, pour la première fois depuis cinq ans, les Français ont pu nous situer avec certitude. Entre la gauche et la droite, nous avons affirmé notre appartenance indéfectible à la gauche ». L’intervention de Paul Magnette a ravi nombre de congressistes. Paraphrasant Mitterrand3 au congrès d’Épinay en 1971, le socialiste belge a expliqué : « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre libéral, avec le capitalisme n’est pas écosocialiste ».
Est-ce parce qu’ils disposaient d’une majorité trop juste que les amis du Premier secrétaire ont peu abordé le fond de certains sujets d’actualité ? S’il y a eu unanimité pour s’opposer au report de l’âge légal de départ à la retraite (nombre de socialistes se réfèrent souvent aux positions de la CFDT), il n’y eut que le maire des Ulis pour s’exprimer en faveur de la retraite à 60 ans, provoquant alors sifflets et huées d’une partie – minoritaire – à de la salle. Quoiqu’il en soit, nul n’a contesté la présence du PS dans les meetings que la Nupes organise contre la réforme des retraites.
Si l’on peut se réjouir de ce que la ligne pro-Nupes de Faure est arrivée en tête du vote des militants, on doit aussi constater que c’est avec une avance insuffisante pour que la clarification au sein de ce parti soit totale. Les anti-Nupes à l’extérieur ou à l’intérieur de la nouvelle direction risquent de mener une guérilla interne. L’existence d’une majorité pro-Faure au Bureau national et au Conseil national – même étroite – devrait cependant permettre à l’orientation en faveur de la Nupes de s’affirmer, si les amis de Faure ne recherchent pas trop le consensus avec celles et ceux qui ne veulent plus de l’unité à gauche.
1. Plus de 23 000 militants socialistes ont voté, le 12 janvier, sur les textes d’orientation (TO1 : 20,34 % – TO2 : 49,15 % – TO3 : 20,34 %) puis, le 19, pour désigner le Premier secrétaire (Faure : 50,83 % – Mayer-Rossignol : 49,17 %)
2. France Inter, le matin du dernier jour du congrès.
3. « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut pas être adhérent du Parti socialiste», François Mitterrand, juin 1971.
L’art de la formule « L’élection d’Emmanuel Macron, président issu d’un gouvernement socialiste, l’apparition à ses côtés d’anciens socialistes pour mener une politique de détricotage de notre modèle social, ont achevé de semer la plus totale confusion. Nos hésitations initiales à son endroit ont achevé de brouiller notre message. “Un socialiste, c’est qui ? Un aspirant ministre dans la salle d’attente, un traître en devenir”. Voilà ce que nombre de nos concitoyens ont pensé. Et c’est à nous, qui sommes restés sur la rive gauche, que le reproche était formulé. » Olivier Faure, discours de clôture du congrès de Marseille |