Je viens d’essayer de rassembler dans un seul texte les critiques essentielles du projet de réforme ferroviaire du gouvernement Macron-Philippe, et les principales propositions qui font l’unanimité chez les défenseurs du service public ferroviaire.
1. Les politiques néo-libérales menées en Europe depuis une trentaine d’années visent à étendre la sphère marchande au détriment des services publics, et à abaisser les protections statutaires et sociales des salariés. Le gouvernement Macron est aujourd’hui le fer de lance de cette double offensive. En ce sens, la lutte des cheminots dépasse les seuls enjeux catégoriels.
2. Si la SNCF a été créée en 1938, c’est avant tout parce que les compagnies privées avaient fait faillite. Le ferroviaire constitue un « monopole naturel » car fondé sur l’utilisation d’un réseau au coût élevé. Le transport ferroviaire est un transport guidé (« à un seul degré de liberté), les liens entre le gestionnaire de l’infrastructure et la compagnie qui fait circuler le train sont nécessairement étroits. Pourtant la vague néo-libérale en Europe a remis à l’ordre du jour l’idée de compagnies ferroviaires privées pour casser les compagnies historiques, et prône la séparation entre l’infrastructure et le transporteur. C’est une aberration !
3. Toutes les études montrent que l’entreprise publique ferroviaire SNCF reste une entreprise performante, qui soutient la comparaison avec les autres compagnies en Europe (régularité, productivité, endettement,…). L’augmentation des trafics ferroviaires en France a été de 20% ces 15 dernières années.
4. La SNCF a subi plusieurs « réformes » depuis 1977. Une modification incessante des structures couplée à une toute aussi incessante baisse des effectifs ont inéluctablement des conséquences négatives sur la qualité de service (retards, trains annulés…). Un manque criant d’investissement dans le réseau classique a aussi entraîné une dégradation et un vieillissement de ce réseau. Par ailleurs, la culture du profit développée à la SNCF comme dans tous les services publics amène une direction d’entreprise à méconnaître le fonctionnement réel du ferroviaire.
5. La dette du système ferroviaire est une dette de l’État, car résultant pour l’essentiel de décisions politiques de développement de lignes nouvelles. Elle n’a strictement rien à voir avec le statut des cheminots. Cet endettement est à peu près le même dans les différents pays européens. L’État doit reprendre l’intégralité de cette dette.
6. Un bilan sérieux de l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire européen montre que la concurrence n’a pas globalement amélioré ses performances, voire entraîne souvent une hausse des tarifs pour les usagers et une augmentations des subventions publiques exigées par les opérateurs privés. La concurrence a été catastrophique pour le fret ferroviaire dans notre pays.
7. La performance du ferroviaire est surtout liée au montant de l’investissement public. La Suisse championne d’Europe du déplacement en train dépense aujourd’hui autant pour son train que pour sa route (et 500 euros par habitant, pour seulement 170 euros en France).
8. Le gouvernement Macron abandonne toute volonté politique de report modal (transfert du transport par route vers le ferroviaire). L’aspect environnemental est le grand sacrifié de la contre-réforme gouvernementale alors que le fer est le secteur des transports le moins émissif de gaz à effet de serre (GES). La SNCF devrait avoir un rôle important à jouer dans les politiques d’aménagement et d’égalité des territoires. Macron et les siens n’en ont que faire : ils s’apprêtent à confier l’avenir (ou la fermeture) des « petites » lignes aux seules Régions, qui comme toutes les collectivités territoriales voient les aides de l’État diminuer.
9. Revitaliser le ferroviaire à l’échelle européenne ne passe pas par la concurrence, mais par la coopération entre les grands opérateurs historiques permettant d’accroître les relations transfrontalières entre pays voisins. Un plan de développement du fret ferroviaire en Europe est également nécessaire. Une autre Europe ferroviaire est possible !
10. Nous exigeons :
- le retrait de la réforme ferroviaire ;
- le maintien de la SNCF en tant qu’entreprise publique de service public, et donc l’abandon de toute transformation en société anonyme, souvent premier pas vers une privatisation (France Télécom/Orange, GDF/Engie…) ;
- l’abandon de la filialisation du fret et l’adoption d’un plan de développement du fret ferroviaire (pôles logistiques…) ;
- la reconstitution d’une entreprise SNCF intégrée, avec mutualisation entre les différentes activités ferroviaires ;
- le respect des conditions de travail spécifiques des cheminots, et donc d’un statut qui tient compte de la pénibilité et de la dangerosité des métiers du rail, d’un fonctionnement 24h sur 24h 365 jours sur 365, avec des métiers ferroviaires auxquels on ne peut être formé qu’au sein de l’entreprise ;
- le respect d’un haut niveau de sécurité du transport ferroviaire pour les usagers, les travailleurs et les riverains des installations ferroviaires.
- la reprise par l’État de l’intégralité de la dette du ferroviaire ;
- la mise en œuvre d’une politique qui en finisse avec le tout-routier, qui coûte très cher et qui est moins respectueux de l’environnement que le rail.