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Fier d’avoir été cheminot pendant trente-cinq ans

Écrit le 23 mars 2018 par Éric Thouzeau

J’ai envoyé un projet de tribune à Ouest-France. 3500 caractères maximum, c’est la règle pour les rubriques « Point de vue » dans ce journal. Ouest-France l’a finalement publié dans le courrier des lecteurs. Je reproduis ci-dessous le texte intégral de cette tribune, que j’ai développé au cours de mon intervention en session du Conseil régional le 22 mars.

Si j’ai été cheminot actif pendant 35 ans, je me sens toujours cheminot. Cheminot un jour, cheminot toujours ! Et en tant que tel,  je veux affirmer ma fierté d’être cheminot face au dénigrement anti-cheminot orchestré par Macron et les siens, et défendre la belle notion de service public vilipendée par tous les néo-libéraux. Le combat ne fait que commencer ! Et ce combat n’est pas que celui das salariés de la SNCF. Il concerne tous les salariés. Car l’offensive néo-libérale vise à rogner tous les statuts, toutes les protections  des salariés.

Fier d’être cheminot

Thatcher s’est « payé » les mineurs, Macron veut « se faire » les cheminots. L’actuel dénigrement anti-cheminot est inacceptable. J’ai travaillé 35 ans dans cette entreprise publique, et j’en suis fier. Fier d’avoir exercé une profession utile socialement. En 1975, date de mon entrée à la SNCF, nous étions 248 500 cheminots actifs.  Aujourd’hui moins de 150 000. Avec un trafic en hausse constante, c’est une réorganisation incessante des unités de travail entraînant nécessairement une dégradation de la qualité de service.

Des économies sur l’entretien de son réseau, la SNCF en a fait pendant près de 30 ans. Cela a eu pour conséquence une dégradation et un vieillissement du réseau. Les travaux d’aujourd’hui permettent tout juste de stabiliser la qualité de l’infrastructure. Et des investissements indispensables comme sur la ligne Angers-Nantes ou le barreau-sud de Paris ne sont toujours pas faits ! La volonté gouvernementale de se dégager de toutes les lignes par trop déficitaires est évidente. Ce sont pourtant des lignes d’aménagement du territoire. La SNCF, à qui on demande toujours plus d’économies, a réduit le nombre de trains qui y circulent. Et moins il y a de trains, moins il y a d’usagers réguliers et plus le déficit de la ligne s’accroît.

Séparer l’infrastructure du transporteur, par analogie avec le transport aérien, est stupide : si un avion décolle bien d’un aéroport, la roue d’un train ne se sépare pas du rail…sauf en cas de déraillement ! Que plusieurs compagnies fassent circuler des trains sur une même ligne ne peut être que marginal. Le transport ferroviaire est un transport guidé, les liens entre le gestionnaire de l’infrastructure et la compagnie qui fait circuler le train sont nécessairement étroits. Le bilan du gestionnaire d’infrastructure Réseau ferré de France (RFF) extérieur à la SNCF est négatif. Et a généré paperasserie, bureaucratie. La solution mise en avant depuis avec SNCF Réseau et SNCF Mobilités maintient une trop grande séparation entre toutes les activités ferroviaires.

Le bilan de la concurrence n’a jamais été fait. En Allemagne, la Deutsche Bahn a gardé l’essentiel du marché. En 1994, l’état allemand a repris toute la dette ferroviaire (34 milliards). La DB a ensuite investi et se retrouve aujourd’hui avec une dette de plus de 20 milliards. En Angleterre, l’infrastructure privatisée a été renationalisée. Quant au  bilan  des compagnies privées anglaises, il est toujours extrêmement négatif pour les voyageurs. L’ouverture à la concurrence dans le fret ferroviaire n’a pas permis de redresser cette activité. Résultat : les routes sont encombrées de camions. Ni le rapport Spinetta, ni le gouvernement ne parlent d’ailleurs des atouts environnementaux du ferroviaire.

Un véritable service public ferroviaire nécessite aussi un personnel qualifié et stable, ce qui est contradictoire avec des conditions sociales dégradées. Il est vrai que Macron, alors candidat, avait expliqué : « nous restons confinés dans une approche étatiste de la solidarité, une approche insuffisamment mobile débouchant sur une société de statuts ». Pas étonnant qu’il veuille mettre à bas le statut des cheminots, construction à la fois historique et sociale. Le supprimer ne réglera en rien les questions posées pour maintenir, améliorer et développer le transport par rail dans notre pays. Ca ne serait que le signe d’une volonté de développer une société ubérisée. Nous ne devons pas l’accepter !

 

 


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