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Laïcité et démocratie

Écrit le 6 décembre 2012 par Éric Thouzeau

Colloque laïcité et démocratie

Au nom du Conseil régional, j’ai accueilli les participants à un colloque organisé par le Comité 1905-2005 intitulé : « la laïcité : pilier fondamental de la démocratie ». 107 ans après la loi de séparation des Églises et de l’État, le contexte n’est sans doute pas le même qu’aux premiers temps du combat laïque. Un seul exemple : moins de 4 français sur 10 disent aujourd’hui croire en Dieu (Sondage Harris de janvier 2011). Pour autant, les crises (démocratiques et sociales) qui secouent le monde arabo-musulman ont des prolongements aujourd’hui dans notre pays auprès d’un certain nombre de citoyens français ou immigrés qui se sentent exclus. L’extrême-droite en profite pour masquer sa xénophobie en dévoyant la belle notion de laïcité. Combattre pour le droit de vote aux étrangers, continuer le combat pour la justice sociale et l’égalité des droits, ne jamais s’incliner devant l’obscurantisme et tous les intégrismes religieux : autant de combats inspirés par la raison qu’il me semble plus que jamais nécessaire de poursuivre. Je reproduis ici mon intervention à l’ouverture de ce colloque animé par Jean Natiez (ancien député de Loire-Atlantique) qui a vu la participation d’Henri Pena-Ruiz  (philosophe) et de Claire-Neige Jaunet  (membre de la GLFF).

Depuis de nombreuses années, notre pays connaît une grave crise économique et sociale. Elle mine chaque jour un peu plus la cohésion sociale et le beau mot de fraternité pourtant toujours inscrit au fronton de la République. Le contexte politique est  aussi marqué, dans de nombreux pays européens, par la montée de partis populistes et xénophobes. Notre pays n’est pas épargné. Et certains de ces courants politiques vont même jusqu’à reprendre à leur compte, en la détournant, la notion de laïcité. C’est dire si l’intitulé, « la laïcité : pilier fondamental de la démocratie », que vous avez retenu pour votre colloque, a toute sa pertinence aujourd’hui.

Liberté de conscience condition du vivre ensemble

De la Révolution de 1789 à la loi de 1905, deux visions de la France, deux conceptions de la citoyenneté, deux visions politiques se sont opposées. Depuis, la laïcité est devenu un des piliers de la République, un des ciments du pacte républicain. La Constitution française le dit : « la France est une République laïque, démocratique et sociale ». La laïcité, qui n’a pas besoin d’adjectif pour être qualifiée, s’appuie sur des principes connus : avec la séparation des Églises et de l’État, la liberté de conscience est assurée. C’est-à-dire pour chaque femme et chaque homme le droit de ne pas croire ou de croire est assuré. La laïcité est la pierre angulaire pour que soit possible un monde commun. Un monde où les femmes et les hommes de croyances diverses puissent vivre ensemble, dans le respect mutuel de leurs convictions. Au-delà de la légitime expression des diversités, il y a nécessité de construire en permanence un « vivre ensemble «  porteur de valeurs universelles.

Vigilance laïque

En permanence. Cela signifie que la laïcité n’est pas une valeur acquise une fois pour toute. Les remises en cause politiques -le discours de Latran n’est finalement pas si lointain-, la menace sectaire, les différentes formes d’intégrisme religieux ou encore les communautarismes ont appris aux militants laïques à rester vigilants.

La vigilance s’impose, oui, car dans une société en crise, les défis  sont nombreux pour nos principes laïques face au retour de revendications religieuses ou identitaires dans la vie quotidienne : contestations d’enseignements scolaires, refus de la mixité, oppositions à des pratiques médicales ou à des recherches scientifiques, lobbying contre l’IVG, interrogations autour du mariage pour tous…Face à ces défis, il ne suffit pas de proclamer les valeurs républicaines : il faut les faire vivre. Il faut regarder les problèmes en face et y apporter des réponses claires. Persuadé que la question de la laïcité et des religions ne peut pas et ne doit pas être éludée, le Président Jacques Auxiette a précisé à plusieurs occasions sa vision du vivre ensemble, je cite : « Un vivre ensemble où la laïcité ne s’oppose pas aux pratiques religieuses qui relèvent de l’intime et de l’individuel. Un vivre ensemble dans lequel, en retour, ces pratiques respectent les lois de la République ».

Ce qui mine notre République

J’ai évoqué, il y a quelques instants, la nécessité de faire preuve de vigilance face à une laïcité parfois menacée. Il ne convient pas seulement d’être vigilant : il faut aussi être prêt à la défendre, cette laïcité. Car si le combat laïque est un combat pour la liberté de conscience (la possibilité d’être athée, croyant, agnostique, ou indifférent), c’est aussi un combat pour la démocratie, pour le vivre ensemble. Ce qui menace la laïcité, ce sont bien sûr les intégrismes religieux ou autres, mais c’est tout autant la situation d’exclusion économique, social, culturelle qui touche un certain nombre de nos concitoyens. Voilà aussi ce qui mine notre République.

Education et laïcité

Dans ce cadre, la défense de la laïcité passe notamment par l’enseignement. L’école est en effet le lieu où les enfants apprennent qu’au-delà de leurs différences, il y a leur humanité. Or la laïcité est peu connue et, souvent, mal comprise par exemple chez les lycéens. La laïcité est donc à expliquer dans ses fondements : elle est avant tout un respect de l’égalité des individus quelles que soient leurs convictions ou leurs croyances. L’accueil d’un colloque sur la laïcité, pour un Conseil régional dont l’éducation est l’une des principales compétences, se veut ainsi le témoignage de l’engagement qui est le nôtre à défendre la laïcité.

L’égalité des droits

En guise de conclusion, et puisque ce colloque est organisé par l’association 1905-2005, permettez-moi de revenir un instant sur cette fameuse loi de 1905, dont nous fêterons dans 3 jours les 107 ans. Non pas pour en rappeler le contexte ni la genèse : nombreux sont celles et ceux qui, dans cette salle, le feraient beaucoup mieux que moi. Non, je veux simplement revenir sur cette loi pour rappeler qu’elle est essentielle à notre République, qu’elle est indispensable à cette démocratie dont Jean Jaurès disait qu’« elle n’est autre chose que l’égalité des droits ». Et Jean Jaurès d’ajouter qu’« il n’y a pas d’égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce ». Ces mots, prononcés en 1905, sont toujours d’actualité et soulignent la modernité des défenseurs de la laïcité.

La situation des femmes et l’émancipation humaine

Au fond, si le monde change, si les conditions historiques évoluent, je crois qu’on peut néanmoins affirmer le caractère très moderne de cette loi sur la laïcité. Ce n’est pas parce que c’est la France qui est allée le plus loin dans l’émancipation laïque qu’elle est spécifiquement française. On le voit bien, par exemple, de l’autre côté de la Méditerranée, avec le Printemps arabe. Le combat pour la liberté, pour la démocratie, pour la laïcité est au cœur des luttes en cours. La situation des femmes est, là comme ailleurs, la pierre de touche du niveau d’émancipation.

Oui, la laïcité vaut pour tous les hommes, oui elle vaut pour toutes les femmes, car la laïcité est et demeure un idéal de liberté, d’égalité et d’universalité.

 

 


2 Comments »

  1. Papybreiz dit :

    Oui, la laïcité est une valeur dynamique qui n’est jamais acquise, et qu’il faut constamment défendre. A l’étranger aussi, il faut garder cette valeur de référence pour accepter les différences culturelles et encourager le lien social et favoriser le vivre ensemble.

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