Je reprends ici l’intervention, que j’ai faite au Conseil régional des Pays de la Loire, sur les dossiers de la Commission dans laquelle je siège (« Territoires, ruralité, santé, environnement, transition énergétique, croissance verte et logement »). Une intervention un peu longue étant donné le nombre élevé de rapports relevant de cette commission.
La fin du mandat régional approchant, votre majorité n’aura plus la possibilité, dans le temps qui lui est imparti, de déployer les politiques publiques nouvelles que vous annoncez aujourd’hui tardivement. L’efficacité commande donc d’engager une action résolue en direction de celles et ceux qui, sur les territoires, inventent chaque jour des solutions d’avenir qui méritent d’être soutenues. C’est pourquoi nous vous proposons, vous l’avez compris, de relancer la dynamique de projet en Pays de la Loire, à travers le lancement du « Printemps des Pays de la Loire ». Ce plan de 100M€ se décline en trois appels à projets. L’un d’entre eux,, le printemps des transitions écologiques et énergétiques, est doté de 50M (*). L’objectif est bien – à travers ce pacte de confiance – de rendre aux habitants des Pays de la Loire, aux citoyennes et aux citoyens, à la société organisée comme aux forces sociales et économiques, la capacité à faire des choix volontaires afin de préparer l’avenir.
Nous vous proposons parallèlement d’engager sans délai quatre actions d’urgence pour agir vite et avec efficacité dans des domaines où la Région a baissé la garde. L’une des actions que nous vous proposons concerne la rénovation énergétique des bâtiments : sans attendre la mise en place du nouveau dispositif gouvernemental (prendra-t-il de l’ampleur ?), nous proposons d’abonder le budget du programme logement et efficacité énergétique (430) d’une inscription de 10 000 000 d’euros en autorisations de programme au budget primitif 2020 afin d’augmenter significativement le nombre de bénéficiaires des Aides Régionales aux Économies d’Énergie pour les Particuliers (AREEP). En 2019, la Région a aidé à peine 900 familles pour une enveloppe globale d’à peine 3,5M€. C’est peu, vraiment trop peu si on pense que la rénovation thermique des bâtiments est une priorité. De nouveaux dispositifs sont mis en œuvre par le gouvernement, dont le programme «SARE (Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique » basé sur les certificats d’économie d’énergie (CEE). Ces dispositifs permettront-ils enfin la massification indispensable de la rénovation énergétique des logements ? On estime que 4 millions de ménages modestes vivent dans des bâtiments mal isolés. De plus, le Haut Conseil pour le climat indique dans son rapport que le secteur du bâtiment représente 19% des émissions de gaz à effet de serre en France. Atteindre la rénovation de 500 000 logements par an, un objectif inscrit dans la loi de transition énergétique est-ce possible ? Une action plus forte, une action d’urgence de la Région nous semble indispensable.
Autre volet de nos quatre actions d’urgence, la jeunesse. L’immolation d’un étudiant à Grenoble a dramatiquement souligné la question de la précarité étudiante. On estime qu’un étudiant sur cinq vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. En outre, selon des études menées par certains syndicats étudiants, le coût de la vie a augmenté pour les étudiants à la rentrée 2019 de 2,83% (soit deux fois plus que l’inflation), notamment en raison de la hausse des loyers. Le volume du parc social apparaît insuffisant pour relever le défi de la précarité qui frappe les étudiants. Pour répondre aux besoins importants qui demeurent insatisfaits, il est nécessaire d’engager un effort financier significatif pour mettre en œuvre un plan de relance du logement social étudiant. C’est ce qui explique que nous proposons d’abonder le budget du programme 430 d’une inscription de 7 000 000 d’euros en autorisations de programme au budget primitif 2020 afin de mettre en œuvre un plan de relance du logement social étudiant.
Je vais maintenant aborder différents dossiers qui nous sont présentés à ce BP. En préambule, je vais essayer de m’exprimer clairement : nous n’avons pas l’habitude en ce qui concerne les dossiers relatifs à la Commission 6 de dire que rien n’est fait par la majorité régionale. Il nous arrive même parfois de voter certaines des propositions faites (je pense au plan régional de prévention et de gestion des déchets par exemple). Mais le plus souvent, nous disons que certaines décisions sont tardives, sans ambition suffisante à la hauteur des défis que la nécessaire transition écologique devrait nous imposer, et surtout sans une vraie vision politique de la Région, qui se contente (selon nous) d’accompagner les collectivités locales sans volonté de planification régionale.
Mille excuses, mais lors de cette session je vais sur plusieurs sujets reprendre une argumentation semblable. Car il ne suffit pas d’écrire que la Région poursuivra une action « volontariste » dans le domaine de la santé (188), « volontariste et pragmatique » dans le domaine de la biodiversité (266), que la Région mène une politique « volontariste et ambitieuse » dans le domaine Eau et Loire (429), « volontariste » sur le logement et l’efficacité énergétique (430). Comme le dit un proverbe anglais connu pour avoir été utilisé notamment par Engels « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange », en clair il ne suffit pas de se déclarer « volontariste » pour l’être, seuls les faits comptent.
En ce qui concerne la Santé, j’ai déploré lors de la dernière session que, « pour faire reculer les déserts médicaux (ruraux ou urbains) les actions mises en œuvre pour utiles qu’elles soient se révèlent sans doute insuffisantes ». Malheureusement rien de nouveau sur ce point dans le BP 2020 ! Pendant ce temps là, la Région Centre Val-de-Loire décide de salarier directement 150 médecins d’ici 2025 pour lutter contre la désertification médicale dont souffre son territoire. Même le département de Vendée vient de décider de la création d’un centre de santé où des médecins libéraux et des médecins salariés cohabiteront. La majorité régionale dans les Pays de la Loire semble paralysée par sa vision seulement libérale de la médecine, malgré les difficultés de ce modèle unique à répondre aujourd’hui aux besoins croissants de nos concitoyens. Je ne m’attarderai pas non plus sur une question que nous avons posée en commission à laquelle nous n’avons pas eu de réponse : quel type d’équipements hospitaliers innovants nous propose-t-on de financer avec la création d’un fonds de soutien spécifique ? La région ne doit pas se contenter d’être un financeur, elle doit avoir sa propre vison dans ce domaine de la Santé.
Pour la transition énergétique, on peut lire qu’en 2017 « la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale de la région a atteint près de 15 %. » et que l’objectif est d’atteindre 21 % fin 2021. Où en sommes-nous actuellement ? La création d’une SEM (Société d’économie mixte) est enfin annoncée. Si le principe d’une SEM ne nous pose pas de problème de principe, notons au passage que nous ne l’aurions sans doute pas dénommée « croissance verte », car cela laisse trop à penser qu’il suffit de verdir la croissance actuelle alors qu’à notre avis c’est un vrai changement de modèle économique qui est à l’ordre du jour.
Quant au champ d’intervention de la SEM (investissements dans les projets ENR, ingénierie des projets ENR, animation expertise efficacité énergétique dans les bâtiments), n’est-il pas un peu trop restrictif ? Le tiers investissement est certes possible d’après les statuts, mais non mentionné dans le rapport. Autre question : si le CA de la SEM comprend 17 représentants des collectivités au prorata de leur part dans le capital de la SEM, la Région en aura-t-elle 9 ? Par ailleurs, rien n’est indiqué quant à une nécessaire parité pour le CA. : ne faudrait-il pas fixer un objectif, par exemple, de 40 % de femmes ou d’hommes ?
Je vais maintenant aborder l’appel à projets 2020 « Unités de méthanisation en Pays de la Loire », il est indiqué : « Le porteur du projet s’engage à ne pas utiliser de cultures irriguées pour alimenter le méthaniseur », cela signifie-t-il que l’on peut cultiver pour le métha si c’est sans irrigation ? On peut se féliciter que « seront priorisés les projets s’intégrant dans des pratiques agricoles durables (amélioration de l’autonomie alimentaire ou protéique des élevages, agroécologie..) ». Mais il ne nous semble pas juste que des projets induisant une intensification des conduites d’exploitation (gestion des troupeaux, conduites culturales…) et/ou une réduction de l’autonomie alimentaire ou protéïque de l’élevage puissent être retenus. L’appel à projet indique que 90% des tonnages des susbtrats doivent avoir un rayon d’approvisionnement inférieur à 50 km. N’est-ce pas trop ? Plus le méthaniseur est autonome, plus son modèle est vertueux ; ce qui induit de ne pas aller chercher trop loin son approvisionnement puisqu’il faut également prendre en compte le bilan carbone du transport des matières premières en camion. Les chambres d’agriculture elles-mêmes préconisent pour le lisier une distance de 5km, pour le fumier de 10 à 15 km. S’agissant des bio-déchets, la distance les plus souvent indiquée est de 20 à 30km. 50 km cela nous apparaît vraiment beaucoup (même s’il s’agit bien sûr d’une distance maximale dans l’appel à projets).
On peut également lire dans le rapport que : « la Région des Pays de la Loire poursuit son ambition d’être leader en matière de motorisations alternatives ». Une mobilisation sur le GNV est à noter mais beaucoup, beaucoup de retard a été pris dans le domaine de l’hydrogène. Pendant les deux dernières années du mandat précédent, des groupes de travail associant de nombreux partenaires concernés avaient été organisés. En France, à l’horizon 2050, l’hydrogène décarboné pourrait répondre à 20 % de la demande d’énergie finale et réduire les émissions annuelles de Co² de 55 millions de tonnes. Les 4 premières années de ce mandat ont pratiquement été perdues ! Un plan hydrogène, ô combien nécessaire, nous est annoncé pour mars 2020 ! La Région Normandie a adopté le sien en octobre 2018, avec 15 stations hydrogène sur cette région ; la région Occitanie a adopté le sien en juin de cette année. Au Pays basque, le premier vélo électrique à hydrogène est fabriqué en série. Alors de là à ce que les Pays de la Loire soient leaders…Il y a certes le travail avec l’ACO au Mans, mais il s’agit si j’ai bien compris, d’une station alimentée avec un hydrogène carboné.
Le Programme régional d’efficacité énergétique (PREE) prévu par la loi doit expliquer les modalités de l’action publique en matière d’orientation et d’accompagnement pour la réalisation des travaux des logements Ce PREE doit définir notamment un plan de déploiement des Plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE). Il y a quatre PTRE fonctionnant sur notre Région. J’ai à plusieurs reprises demandé le bilan que la Région en faisait sans jamais avoir de réponse. Aujourd’hui on nous dit que l’on va aider les EPCI volontaires à se doter de PTRE. Il y a 69 EPCI sur la Région ? 69 PTRE en Pays de la Loire ? Non m’a-t-on répondu en commission sans doute 40 à 50. Y a-t-il un avis de la région à ce sujet ? Est-il raisonnable de pousser chaque EPCI à se doter d’une plateforme ? Y a-t-il des territoires que la Région estimerait prioritaire ? Une fois de plus aucune vision vraiment régionale sur une question pourtant essentielle : celle d’un guichet unique pour les particuliers qui veulent entreprendre une rénovation thermique de leur logement. Il ne faudrait pas que la Région se contente d’accompagner un dispositif national sans une politique cette fois-ci véritablement « volontariste ». Par ailleurs, l’expertise développée dans les espaces info énergie devra être pleinement utilisée, les personnels qui en assurent actuellement l’animation devront pouvoir intégrer les PTRE.
Le CESER souligne à juste titre l’intérêt du dispositif Energie Sprong de rénovation des logements sociaux et indique qu’il sera attentif à ce qu’il n’entraine effectivement aucune augmentation des coûts pour les locataires. L’industrialisation de la rénovation ne doit pas non plus profiter qu’aux grands groupes (Bouygues, Eiffage…) mais on doit veiller à ce que des entreprises locales puissent y être associé.
Un plan Etat-Région « pour la reconquête de la ressource en eau en Pays de la Loire », c’est à priori une bonne chose. Mais il ne faudrait pas trop tarder à définir des priorités précises d’action. On nous parle, par exemple, d’une action autour des captages prioritaires en eau potable. Bien ! Mais plus précisément ? Un appel à projet ou le soutien à des projets qui existent, il semble que le choix ne soit pas encore fait. Par ailleurs nous accueillons favorablement une meilleure coordination des aides de l’ADEME et de la Région avec les Contrats Territoriaux Eau
Impossible de tout traiter en une intervention tant les sujets qui pourraient être développés sont nombreux. La biodiversité par exemple, ce qui est prévu est dans le prolongement de ce qui est déjà fait, mais nous ne notons aucune ambition nouvelle.
Les résultats de l’étude, étude commencée bien tardivement, sur les changements climatiques en Pays de la Loire ne seront malheureusement connus qu’en mars 2020. Un GIEC régional, que nous proposons depuis le début de ce mandat, sera alors mis en place nous assure-t-on…moins d’un an avant le renouvellement de l’assemble régionale. Qui peut croire que beaucoup d’actions seront alors menées çà moins d’un an des élections régionales ?
Pour conclure, j’en arriverai à la partie «Territoires » des rapports de ce BP. On nous propose de faire évoluer le pacte pour la ruralité, en y ajoutant deux volets, l’un sur la mobilité et l’autre sur le numérique. Sur la mobilité, seules les 7 plus grandes agglomérations de la Région seront exclues de ce dispositif. En effet, il concernera les agglos de moins de 150 000 habitants, et les communes de moins de 50 000 habitants. Les sables d’Olonne, la Baule sont, par exemple, des communes rurales bien connues de notre Région ! On peut certes avoir des définitions différentes de ce que recouvre le rural, mais là avec une telle extension on frise le ridicule, non ?
(*) Egalement le printemps de l’égalité, des femmes, des hommes et des territoires pour 20M€, et le printemps de l’innovation, de l’emploi et de la formation, pour 30M€.
[…] (*) Accélerer la transition énergétique en région […]