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La Région invite le privé à faire son marché

Écrit le 21 juin 2018 par Éric Thouzeau

Photo © Patrice MOREL

Photo © Patrice MOREL

Je suis intervenu lors de la dernière session du Conseil régional des Pays de la Loire contre l’ouverture à la concurrence dan le ferroviaire et contre l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) soumis au vote par la majorité régionale. Cet AMI est « destinée aux opérateurs ferroviaires susceptibles de concourir à l’ouverture à la concurrence du réseau régional ».

Si la Commission européenne prône la libéralisation du transport ferroviaire depuis le début des années 90 du siècle dernier, jamais elle n’a accepté d’en faire un bilan. Car ce bilan est loin d’être probant. Et il laisserait voir qu’il s’agit surtout d’un parti-pris idéologique, avec une volonté évidente de casser des bastions du syndicalisme.

Si la SNCF a été créée en 1938, c’est avant tout parce que les compagnies privées avaient fait faillite. Le ferroviaire constitue un « monopole naturel » car fondé sur l’utilisation d’un réseau au coût élevé. Le transport ferroviaire est un transport guidé (« à un seul degré de liberté), les liens entre le gestionnaire de l’infrastructure et la compagnie qui fait circuler le train sont nécessairement étroits. Pourtant la vague néo-libérale en Europe a remis à l’ordre du jour l’idée de compagnies ferroviaires privées pour casser les compagnies historiques, et prône la séparation entre l’infrastructure et les opérateurs ferroviaires. C’est une aberration !

A ceux qui croient que la concurrence fera baisser les prix, rappelons qu’en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Suède, l’ouverture à la concurrence a entraîné des hausses de tarifs supérieures à l’inflation. Alors pourquoi voulez-vous faire du zèle et être les premiers à voir des trains privés sur nos lignes ?

L’exemple allemand est souvent mis en avant, pays où sur les 33.000 kilomètres de voie, 10 % sont gérés par des concurrents privés de la DB. Oui depuis les années 90 le trafic a beaucoup augmenté en Allemagne. Mais est-ce dû à l’ouverture à la concurrence ? En France aussi le trafic a explosé notamment avec les TGV et la mis en service des TER : +130% de voyageurs transportés par la SNCF depuis 1997. En Allemagne, la qualité et le prix du service sont régulièrement dénoncés par les usagers. Et pour cause, un train à grande vitesse sur quatre est en retard et les prix pratiqués dans le pays sont bien au-dessus de la moyenne européenne. Alors pourquoi voulez-vous faire du zèle et être les premiers à voir des trains privés sur nos lignes ?

En Grande Bretagne, le prix a lui aussi fortement augmenté, en moyenne de 25 % depuis la privatisation. Aujourd’hui, le train britannique est le plus cher d’Europe.  Selon le « Financial Times » , les billets y sont 30 % plus cher qu’en France. Les britanniques sont majoritairement favorables à la renationalisation des chemins de fer. Alors pourquoi voulez-vous faire du zèle et être les premiers à voir des trains privés sur nos lignes ?

Au Japon, les trains sont à l’heure mais chers. Il faut par exemple débourser plus de 200 euros pour un aller-retour Tokyo-Osaka en Shinkansen, un trajet qui équivaut à un Paris-Lyon en TGV pour moins de 150 euro. A noter que les compagnies privées japonaises font 60% de leur chiffre d’affaires en dehors du ferroviaire, car le ferroviaire n’est jamais « rentable ». Alors pourquoi voulez-vous faire du zèle et être les premiers à voir des trains privés sur nos lignes ?

En Suède, 70 % des Suédois se disent favorables au retour d’un monopole public sur les chemins de fer. Depuis la privatisation, lancée en Suède dès 2001, la concurrence n’a pas eu les effets promis pour les usagers : le réseau est cher, compliqué, peu ponctuel. Alors pourquoi voulez-vous faire du zèle et être les premiers à voir des trains privés sur nos lignes ?

Public ou privé, le chemin de fer, ça coûte cher. Pour le privé, il faut en plus rémunérer les actionnaires. Gagner sur le coût du personnel ? La suppression du statut de la SNCF rapporterait soi-disant 10 millions d’euros par an (la ministre avait parlé un temps de 100 millions, mais elle a été désavouée par la SNCF). En fait, on ne peut pas savoir l’économie qui sera faite avec la suppression du statut parce qu’on ne sait pas par quoi le statut va être remplacé, quel sera le contenu de la convention collective qui va être négocié…et qui justifie la mobilisation des cheminots.

 Mais bien sûr, pour des élus de droite qu’ils soient La république en marche ou LR-UDI, une grève ça n’a pas de sens avant une réforme (« mais voyons il n’y a pas de projet »), ni pendant (« puisqu’on vous dit qu’on discute »), ni après (« vous voyez bien que ça ne sert plus à rien »). Et bien, si ! Le combat des cheminots a un sens : la défense du service public ferroviaire.

La majorité de droite des  Pays de la Loire entend faire du zèle et être le meilleur élève de la privatisation du ferroviaire. Pire, elle entend par l’AMI proposer aux opérateurs ferroviaires privés de faire leur « marché ». Quelles sont les lignes qui vous intéressent ? De quelles installations aurez-vous besoin ? Quels sont les ateliers de maintenance qui vous intéressent. Vous êtes en train de décider ni plus ni moins qu’un bradage du service public !


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